La
légende de Compostelle
Dechatre
(JM) - Codex Calixtinus
Bernard
Gicquel est l'auteur de la seule traduction intégrale
en français du Codex Calixtinus. Le grand recueil de
textes relatifs à saint Jacques est un dossier arrêté
en cours de constitution, qui rassemble, en quatre livres
portant chacun son numéro d'ordre, des textes relatifs
au culte (Livre I), aux miracles (Livre II), à la translation
(Livre III) et au pèlerinage (Livre IV) de saint Jacques...
Le
premier Livre du Livre de saint Jacques, consacré
essentiellement aux homélies, aux messes et aux offices,
occupe à lui seul plus de la moitié du Codex Calixtinus,
ce qui marque une disproportion considérable en faveur
de l'orientation liturgique et pastorale, deux dimensions
de la pratique religieuse qui définissent les chanoines
réguliers de saint Augustin. L'importance accordée dans
ces textes à l'imitation de la vita apostolica par le
clergé et la fidélité au rite romain vont dans le même
sens.
L'essentiel
de ces sermons est l'exposé de la doctrine chrétienne,
développé parfois au point de perdre tout rapport concret
avec saint Jacques, qui n'en est que le prétexte...
Le
sermon 17, Veneranda dies, dont on a pu dire qu'il était
un véritable traité du pèlerinage, fait ici quelque
peu figure d'exception, car il reprend les thèmes de
la translation de saint Jacques qui en est le fondement,
rejette les légendes apocryphes qui s'y rattachent,
condamne les pratiques frauduleuses des aubergistes
sur le chemin de Saint-Jacques, met en garde contre
les faux prêtres, et propose une interprétation symbolique
très poussée des attributs traditionnels du pèlerin.
Le
deuxième Livre du Livre de saint Jacques est consacré
aux Miracles. L’hymne Ad honorem Regis summi fournit
un sommaire de vingt-deux miracles qui sont à la base
de cette compilation, en même temps que l'attribution
de ceux-ci à Aimeric Picaud, prêtre de Parthenay.
Selon
toute probabilité, ce personnage déterminant pour l'avenir
des textes légendaires relatifs à saint Jacques, est
celui même qui a été envoyé à Compostelle en 1131 par
le Patriarche de Jérusalem, Guillaume de Messines, lui-même
chanoine de saint Augustin. Faisant un détour par Cluny,
pour présenter au pape Innocent II les lettres d'obédience
du Patriarche, il est porteur de quelques miracles que
celui-ci aura rédigés, et recueille en cours de route
des miracles portés au compte d'autres saints, et qui
lui semblent bons à être transférés à saint Jacques.
Parmi les fournisseurs de ces miracles, l'un est particulièrement
distingué, un certain Hubert, chanoine de Sainte-Marie-Madeleine
de Besançon, donc engagé dans le même cadre de dévotion
qu'Aimeric Picaud lui-même.
L'objectif
qu'il faut bien dire publicitaire de ces miracles est
très net. Tous survenus au profit de pèlerins de saint
Jacques, ils visent manifestement à chasser la crainte
dissuasive que pouvait ressentir naturellement tout
candidat au pèlerinage, en montrant saint Jacques à
l'affût de toutes les difficultés que pouvaient rencontrer
ses pèlerins, et n'attendant pour solliciter une intervention
divine qu'une prière instante émanant d'un coeur pur.
Bonne occasion au passage de rappeler les préceptes
qui assurent la validité d'un tel pèlerinage: la confession,
la chasteté, la charité, etc.
Le
troisième Livre du Livre de saint Jacques développe
les informations légendaires sur la translation merveilleuse
de saint Jacques, qui racontent son transfert, de Jérusalem,
le lieu de son supplice, à Compostelle, où il trouve
sa dernière demeure.
Contrastant
avec les textes qui renvoient au passé lointain de la
translation de saint Jacques, d'autres développements
en montrent le prolongement à l'époque contemporaine
sous la forme de trois célébrations, celle de l'élection
et de la translation, qui est l'ancienne fête compostellane
du 30 décembre, celle de la Passion, qui est la fête
romaine du 25 juillet, enfin celle des miracles, le
3 octobre,
attribuée
à saint Anselme, donc d'invention postérieure à la rédaction
des Miracles, mais qui ne paraît pas s'être imposée
dans la pratique.
Enfin
le quatrième Livre du Livre de saint Jacques n'a
pas de titre, mais concerne à l'évidence le pèlerinage
à Saint-Jacques. C'est celui qui a suscité le plus de
fantasmagories. Presque aussi fréquent, et développé
à loisir, est l'anachronisme qui consiste à faire croire
que ce Guide du Pèlerinage, connu seulement depuis 1884,
et répandu par sa traduction française parue pour la
première fois en 1938, a été largement diffusé au moyen
âge, alors qu'il n'en est rien.
L'ignorance
généralisée de ce texte est établie par deux ordres
de faits concordants: le premier est qu'il existe seulement
sous la forme que nous lui connaissons aujourd'hui dans
le Codex Calixtinus, qui jusqu'à la fin du XIXème siècle
n'est pratiquement pas sorti des Archives de la cathédrale
de Compostelle; le second est qu'aucun récit ni itinéraire
de pèlerin des siècles ultérieurs ne le mentionne, ni
même ne se conforme à l'itinéraire qu'il propose. La
troisième erreur commise à son propos et induite par
le titre qui lui a été accolé de Guide du pèlerin, consiste
à croire qu'il indique des chemins de Saint-Jacques
sur un mode prescriptif, alors qu'il ouvre
seulement
des possibilités.
Intercalée
entre le troisième et le quatrième Livre du Livre de
saint Jacques, l'Histoire de Charlemagne et de Roland,
attribuée à l'archevêque Turpin, est le résultat final
d'une évolution relativement complexe, dont le moteur
est la rédaction successive de trois récits différents
traitant de la calamiteuse sortie d'Espagne de Charlemagne
par Roncevaux.
Le
premier, rédigé vers 1110, fait de Roland, non seulement
un héros sans peur et sans reproche, mais un saint laïque
qui défend la chrétienté contre l'Islam, et meurt tout
comme Turpin, archevêque de Reims.
Le
second récit, de caractère autobiographique et attribué
à Turpin lui-même, date vraisemblablement des années
1123 - 1125. Turpin survit assez longtemps pour raconter
ses souvenirs, soignant ses blessures à Vienne, ce qui
suggère son identification avec le pape Calixte II,
archevêque de cette ville.
Enfin
un troisième récit voit le jour après l'implantation
des chanoines réguliers à Roncevaux. Plus rigoureux
sur le plan du droit canon, il éloigne l'archevêque
des combats, mais, pour conserver la qualité autobiographique
du récit, lui attribue une vision céleste qui l'informe
de leur déroulement.
Le
dernier de ces trois récits de la bataille de Roncevaux,
imputables successivement aux chanoines réguliers de
Pampelune, Compostelle et Roncevaux, appellera en compensation
le récit d'une glorieuse entrée d'Espagne. Celui-ci
sera fourni par Saint-Denis, qui rappellera, en la mettant
sous le nom de Tylpin, que celui-ci fut initialement
moine sous ce nom à Saint-Denis. Le plus important dans
ce texte est l'apparition de saint Jacques à Charlemagne
pour lui demander d'aller délivrer la Galice et son
tombeau du joug des Infidèles.
Extrait
de l'article rédigé pour le site www.saint-jacques.info,
repris et mis en page pour le nouveau site de la Fondation
David Parou Saint-Jacques.
J.M.
Dechatre - jm.dechatre@orange.fr
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