Yves Cazes
Destination
Saint Jacques
Association
des Amis de Saint Jacques de Compostelle en Aquitaine
(759 Route de Bayonne - 33600 Pessac)
-
-----------------------------
Autrefois
Connu
de toutes les spiritualités, « le » pèlerinage en
France est celui de Saint Jacques.
Aujourd’hui
encore l’on se met en route vers l’occident…Récit.
Le
pèlerinage est, d’après le Robert, "un voyage
individuel et collectif, que l’on réalise vers un
lieu saint pour des motifs religieux et dans un
esprit de dévotion"
Sous
d'autres appellations, ces réalités de "voyage"
et de "lieu saint" se retrouvent dans
un très grand nombre de cultures et sont quasiment
universelles. En tant que telles, elles apparaissent
comme des données d'une anthropologie de l'homme
en sa vie de religion.
Nullement
liées à une religion institutionnelle établie, mais
inscrivant en elle une démarche dans l'espace et
dans le temps, elles ouvrent une autre et rare voie
d'accès à des rencontres avec la sacralité.
Le
mot "Pèlerinage" comporte la route. Il
nous vient du latin peregrinus qui lui imprime toute
sa dimension physique et spirituelle. Le Peregrinus
est, d'une part, dans son acception originelle,
"l'étranger, celui qui vient d'ailleurs",
et, d'autre part, par la force du préfixe, "celui
qui parcourt". L’espace et le temps sont sous-jacents
et, dans cet espace et dans ce temps se vit une
mutation.
Le
pèlerin est "l'homme qui passe", et il
est de soi et en soi étranger. Etranger pour ceux
qui le regardent passer ainsi que pour ceux qui
le reçoivent, car tous savent bien que, le lendemain,
il prendra la route.
Rejoindre
le mystère des confins
Au
fur et à mesure du chemin, se façonne une spiritualisation:
découverte de soi dans une jouvence d'exister, découverte
des autres, accès à une transcendance consacrante.
Le
pèlerinage se fait vers un lieu sacré, religieux
ou païen (on peut aussi trouver des lieux sacrés
païens!). Il se situe là où vécut et se manifesta
de manière surnaturelle un dieu, un saint ou un,
personnage de l'histoire religieuse de référence.
Chaque
lieu détient, pour le pèlerin, une puissance de
charge sacrale qui lui est propre.
L’universalité
du fait pèlerin atteste d'un besoin essentiel de
l'homme d'aller jusqu'à la présence de l'Autre dans
le mystère des confins où naturel et sur naturel
se confondent.
Les
motifs des pèlerinages sont variés, on y trouve
généralement les idées de vénération, de purification
expiatoire, mais aussi d'hommage à celui (qu'il
soit Christ, Mahomet, Bouddha ou Osiris) qui sanctifia
les lieux de pèlerinage. En s’y rendant, le pèlerin
cherche à s'identifier, à s’assimiler à qu’il vénère.
Le
pèlerinage trouve aussi sa consécration dans la
fête qui revient d'année en année pour célébrer
un temps sacré auquel le pèlerin va participer,
procurant ainsi plus de mérites et d'efficacité
à la démarche; celle de l'illumination et de la
révélation divine qui est la véritable récompense
au terme du voyage.
Au
Moyen Age, dans plusieurs cultures, l'intérêt se
porte au moins autant, voire parfois plus, sur l'effort
que sur le terme, sur le "chemin" que
sur le lieu à rejoindre.
Cette
évolution a profondément marqué la route pèlerine
en Occident, et l'un des exemples les plus accomplis
en est précisément le Pèlerinage de saint Jacques
de Compostelle.
Vers
le Champ de l’Etoile
Jacques,
fils de Zébédée
Sillonnant
tout l'occident, puis réuni en un seul une fois
passées les Pyrénées, quatre grands chemins, depuis
la France jusqu'à Compostelle, en Galice, mènent
au sanctuaire qui fut élevé en l'honneur de saint
Jacques le Majeur, dont le culte bénéficia au Moyen
Age d'une ferveur inouïe.
Fils
de Zébédée, Jacques était pêcheur comme son frère
Jean, lorsque Jésus les rencontra au bord de la
mer en Galilée.
Tous
deux répondirent à son appel et firent partie des
premiers disciples du Christ.
Jacques
se tenait près de Lui dans les moments importants
et douloureux: lors de la Transfiguration, lors
de l'entrée en agonie au Mont des Oliviers, lors
de la Crucifixion.
Nous
ne connaissons rien de l'apostolat de ce disciple,
si ce n'est qu'il périt par le glaive, à Jérusalem,
vers l'an 44.
Cette
absence de témoignages a favorisé, autour de l'ancien
disciple, la naissance de multiples légendes.
En
Espagne
Selon
La Légende Dorée de Jacques de Voragine (écrite
au XIIe siècle), Jacques le Majeur serait de son
vivant allé évangéliser l'Espagne avant de retourner,
accompagné de deux fidèles, Théodore et Anastase,
à Jérusalem où il fut décapité sur ordre de Hérode
Agrippa II. Ses disciples après avoir dérobé sa
dépouille aux bourreaux, l'auraient ramenée en Galicie,
à bord d’une barque conduite par des anges, afin
de l'y enterrer.
En
813, et selon la prophétie de l'ermite Pelayo, des
bergers alertés par une étoile scintillant au dessus
d'un monticule prévinrent Théodomiro, l'évêque d'Iria
Flavia.
Une
relique dans une barque
Abandonné
pendant les persécutions, le sarcophage de l'apôtre,
dont l’emplacement avait été depuis longtemps oublié,
était ainsi retrouvé.
Alphonse
II, roi des Asturies, fit à cet endroit bâtir une
église et le lieu fut dénommé Compostelle, du latin
campus stellae (le champ de l'étoile).
Le
culte sépulcral, qui s'exprima d'abord localement,
prit une grande extension aux IXème et Xème siècles,
connaissant un développement incessant jusqu'au
XIIème siècle, au point de se maintenir jusqu'au
XVIème, car très vite l'endroit connut une renommée
immense à travers toute la chrétienté.
Le
pèlerinage au tombeau du saint, devenu patron de
l'Espagne, représentait, à ses débuts, une véritable
croisade.
L’Espagne,
en effet, était alors en pleine reconquête.
Saint
Jacques le matamore
Saint
Jacques avait même mérité le surnom de "matamore"
(tueur des Maures), pour, en 844, être miraculeusement
apparu, l'épée en main, à la bataille de Clavijo,
mettant les Sarrasins en déroute et devint ainsi
la figure emblématique à laquelle se rallièrent
les Chrétiens dans leurs combats contre les Maures.
Du
XIème au XIIIème siècle furent organisées trente
quatre expéditions de chevaliers croisés (Bourguignons,
Gascons, Aquitains, Normands Poitevins, Angoumois)
qui ne firent qu’asseoir la renommée de Santiago
de Compostella où l’on venait, de loin, sous la
protection des moines de Cluny, pour vénérer le
patron des chevaliers, des pèlerins mais aussi des
laboureurs. Souvenons, nous en effet qu'un "Jacques"
a longtemps signifié un paysan!
Les
moines de Cluny, mandés à l'origine par les souverains
espagnols, balisèrent le chemin; les Templiers poursuivirent
cette chaîne de bienfaisance en le ponctuant de
Commanderies; les Hospitaliers ouvrirent des salles
de soins et de repos, les pères "pitanciers",
quant à eux, se chargeant d'offrir à manger.
Et
les "jacquets" (nom donné aux pèlerins),
groupés en confréries à partir du XIVème siècle,
de marcher, des récits plein la tête.
Le
pouvoir du saint est pour eux infini: il délivre
les prisonniers, ouvre les cachots et adoucit les
peines. Il aide à combattre les ennemis et à échapper
aux "coquillards", ces brigands qui attaquent
les pèlerins. Plus encore, il guérit les malades,
les maniaques, les lépreux, les bossus, non content
de calmer les tempêtes, et d'éloigner les loups
!...
Statues,
peintures, vitraux représentant saint Jacques, balisent
les chemins, tout comme coquilles et bourdons décorent
les linteaux de porte, les croix et les heurtoirs.
Le saint est souvent représenté avec un livre (attribut
des apôtres) et l'épée de son martyre; arborant
aussi les attributs du pèlerin: la coquille, la
besace et le bâton.
La
première permettait au pèlerin de boire, sa besace
contenait quelques denrées essentielles, le bâton,
enfin, soutenait le marcheur lors des passages difficiles
et lui servait aussi à éloigner les chiens.
En
manière d'action de grâces, ou pour expier, suite
à un voeu, ou par procuration (à la demande d'un
puissant, d'une ville, d'une communauté), par dévotion,
ou par simple curiosité de voir un lieu de pèlerinage
si vénéré, imaginons que nous décidions, un jour,
de partir, laissant derrière nous famille, maison,
métier...
D'Avril
à Octobre
Equipement
Notre
absence sera longue... plusieurs mois... au moins...
car il nous faudra parcourir près de 1500 kilomètres,
de Tours à Compostelle, à raison d'une trentaine
par jour, pourvu que tout aille bien... (même bon
marcheur, le jacquet ne parcourt que sept à dix
lieues quotidiennes !)
Il
nous vaudra mieux partir vers le mois d'avril, lorsque
les jours sont plus longs et les eaux basses, afin
d'être de retour pour les vendanges, au début d'octobre.
Tel est l'usage.
Pour
notre long périple pédestre, il vaudra mieux être
pourvu: d'un grand chapeau à larges bords, contre
la pluie et le soleil; ce "sombrero bello"
est si caractéristique du pèlerin de Compostelle
que saint Jacques deviendra, aussi, le patron des
chapeliers!
Les
femmes du Moyen Age, quant à elles, portent en plus
voile ou guimpe. Tous les pèlerins revêtent la même
tenue, cette pèlerine, parfois de cuir, qui est
la pièce majeure du randonneur médiéval... Contre
la tempête, autant être muni d'une houppelande ou
d'un manteau assez épais pour protéger du froid
mais assez court pour ne pas s'accrocher aux ronces!
Plus
capital encore sera le choix des chaussures, légères
mais solides, à l'épreuve des chemins pavés de silex
et d'épines. Le soleil, la pluie et le vent sont,
autant que les cailloux et, les pierres, ennemis
du pèlerin...
Avant
de partir il nous faudra aussi nous munir: d'un
bourdon (ou d'un solide et lourd bâton) qui nous
aidera à la marche, à gravir les pentes, à chasser
chiens et loups; d'une besace, pour y mettre le
pain et notre maigre bagage; symbolique et symboliquement
toujours ouverte, elle rappelle à chaque jacquet
qu'il doit se contenter de peu et donner beaucoup.
A ces deux éléments, il conviendra d'ajouter une
gourde incassable en calebasse pour la provision
d'eau: elle s'accrochera facilement par son étranglement!
Une
escarcelle, fixée à la ceinture d'où sera tiré de
quoi payer la dépense quand il faudra trouver refuge
à l'auberge (et où sera enfouie, à l'occasion l'aumône
reçue), et enfin la boîte renfermant attestations,
lettres de recommandations et sauf-conduits. Seul
luxe : la coquille. "Concha" ou "vieira",
d'abord souvenir de la Galice où elle est fréquente
sur les plages, elle est vite devenue l'insigne
du pèlerin de saint Jacques...
Ultreïa
Et
nous voilà en chemin, au cri de ralliement de ceux
qui partent: "ultreïa" (plus outre). Des
épreuves de toutes sortes attendent le marcheur
que nous sommes: des eaux malsaines aux brigands,
en passant par les loups... Quoi qu'il advienne,
il nous faudra aller de l'avant, au risque de mourir
de faim, de froid, de peur, dans ces lieux "d'horreur
et de désolation" que sont l'Aubrac ou les
hauts plateaux de l'Espagne.
Néanmoins,
le jacquet que nous sommes désormais avancera, rempli
d'espoir, tantôt mendiant, tantôt faisant l'aumône,
éreinté, crasseux... Heureusement pour nous, nous
trouverons de quoi nous laver et secouer nos vêtements
dans ces "colonnes secourables" que sont
les Hospices qui se multiplient à partir du XIème
siècle. Ils jalonnent les caminos vers Santiago,
offrant pain, vin, chair, poisson, oeufs, pommades,
chauffage et toutes autres choses nécessaires à
la vie. Tout y est mis en oeuvre pour le repos des
pèlerins.
A
la dômerie d'Aubrac, par exemple, les Frères Augustins
nous serviront à la grande tablée, et les Dames
nous laveront les pieds à l'eau chaude! Ce geste
est aussi nécessaire que le rituel est sacré, c'est
de la sorte que, partout, n'importe quel pèlerin
est accueilli.
Ceux
qui souffrent de fièvre ou de mauvaise toux recevront
quant à eux des soins appropriés, et s'il survient
malheur, le mourant sera assisté jusqu'à son dernier
souffle avant d'être enterré dans le cimetière de
l'Hospice. Ainsi va la vie du jacquet en route vers
Compostelle.
Chaque
jour, la ville si convoitée se rapproche depuis
le passage si redouté des Pyrénées. Certains les
ont franchies au port de Cize, d'autres par le col
du Somport. Tous se retrouvent à Puente la Reina
où les quatre chemins de France se fondent en un
seul.
Puis,
c'est Logroño, les vignobles de la Rioja, Burgos
et ses hospices, avant les plateaux calcinés de
Castille et du Léon, Astorga, Cebreiro et enfin,
Compostelle !
Avant
l’arrivée, un bain purificateur
Mais
avant d'y pénétrer, le pèlerin que nous sommes aura
soin d'accomplir les rites imposés: il fera halte
dans les carrières de Triacastela afin d'y prendre
une pierre à chaux destinée au chantier de la cathédrale,
il s'arrêtera pour le bain purificateur dans les
eaux de la Lava-Mentula, puis, et, enfin, s'agenouillera
et plantera sa croix au sommet de Mont-Joie.
Le
pèlerinage s'achève avec l'entrée dans la cathédrale,
moment béni pour le pèlerin qui ne demeurera que
peu de temps à Santiago avant de repartir !
Il
pourra toutefois consacrer quelques jours à la confession,
à la visite de la ville, à chercher un toit et à
obtenir le certificat de voyage.
Arrivé
depuis peu, il lui faut déjà songer au retour...
----------------------------------
Aujourd'hui
Partir
aujourd’hui
Chacun
a ses raisons de partir, il en existe tant!
Mais
jamais cette question ne vous est posée sur le Chemin,
et jamais vous ne la posez. Curiosité?
Plaisir
de la découverte? Pour marcher sur les traces de
Vincenot vers les Étoiles de Compostelle?
Bien
d'autres raisons encore peuvent motiver: partir
pour partir, tout simplement... pour "rencontrer
des Hommes", comme le disait le Petit Prince
à la petite fleur du désert...à moins que ce ne
soit pour se rencontrer?
Rêver
du Chemin…
Après
les "ce serait bien de faire le Chemin".
. .les "j'aimerais le faire à pied"..
.les "j'ai très envie de le faire à pied",
un jour, subitement, la décision est prise, alors
que rien, ni la veille, ne le matin, ni un quart
d'heure avant, ne l'avait laissé supposer.
Et
l'on s'entend dire: "Eh bien, l'année prochaine,
je pars, à pied... " C'est comme la réponse
à un appel mystérieux, un besoin de se mettre en
route.
Et
puis c'est Vézelay, ou le Puy, ou Conques, l'avant-veille
du départ; la séparation, la veille du départ J,
et la solitude en cette fin d'après-midi dans le
lieu même, comme les pèlerins d'autrefois: presque
une veillée d'armes! le regard qui embrasse l'horizon.
Saint, Jacques de Compostelle est là bas, au Sud,
Ouest, où le soleil se couche!
Première
rencontre avec Soi, premier face à face...
Que
dire de l'émotion du départ, le lendemain matin,
après un lever de soleil sur la Basilique.
Puis
c'est la descente de la rue principale dans une
gloire de lumière, le sac à dos lourd, mais le coeur
en joie, les chaussures peut-être peu adaptées,
mais la sensation d'avoir des ailes aux pieds! Le
monde n'appartient pas au pèlerin d'aujourd'hui,
mais il appartient au monde. Ainsi en sera t il
chaque matin jusqu'à l'ultime matin, jusqu'à Santiago,
malgré la pluie, la neige, la nuit.
Chaque
matin est un premier matin, chaque jour renouvelé,
avec cette impression, ce sentiment de ne pas être
du monde, mais d'être au monde.
Force,
Prudence, Tempérance, Rectitude, Droiture, Justice,
Noblesse
Pendant
des jours, des semaines, au fil du vécu dans son
corps, dans son coeur, dans son âme et dans son
esprit, le marcheur pense que la Force, la Prudence,
la Tempérance, la Rectitude et la Droiture l'accompagnent.
La Justice et la Noblesse sans doute? Peut, être
?
La
Force, physique, psychologique, morale, spirituelle,
non seulement soutient, mais encore protège, des
faiblesses, des défaillances et surtout des présomptions.
Ne pas présumer de ses forces, mais au contraire
bien les connaître, les affermir, savoir les limiter
pour ne pas aller au bout. La Tempérance garde joyeux,
serein, disponible, ouvert à chacun et à chaque
chose rencontrée ou à découvrir (paysages, parfums,
couleurs, sons, et aussi paroles, sourires, silences
partagés). La Prudence, bien sûr, rythme et guide
les pas.
Attention
Attention
aux serpents, aux cailloux, aux gués, aux entorses,
aux ampoules, au soleil, au froid, au balisage des
chemins, à l'impatience, à la méconnaissance de
ses possibilités. La Rectitude des pensées préside
au déroulement et à l'approfondissement des réflexions
qui se développent au rythme des pas scandés par
le bâton, ou vagabondent avec le regard au gré du
relief.
Car
sur le Chemin, on ne peut tricher, ni avec soi-même,
ni avec ses impressions, ses émotions, ses pensées,
sa fatigue, son bien-être, ses joies, la chaleur,
le silence, la solitude, le bleu et la profondeur
du ciel, l'horizontalité, la yerticalité, l'infinitude
de l'espace et du temps qui se confondent pour devenir
éternité. Le paraître a disparu, partout, il n'y
a plus que l'être, partout.
Les
rares paroles prononcées au fil des heures, au hasard
des rencontres, ne peuvent être que vérité, droiture
et amour du partage.
On
ne peut tricher
On
ne peut pas tricher avec les pèlerins qui nous précèdent
ou nous suivent, qui ont vécu, éprouvé les mêmes
sentiments, hier, aujourd'hui, qui les éprouveront
demain, on ne peut tricher avec les sensations qu'ils
offrent, à leur tour, de partager comme le pain,
l'eau, le vin, un fruit, une ombre, un silence,
ou une visite d'église, de cloître, Ou de monument...
La Justice nous inspire-t-elle ? Il n'y a pas d'injustice
sur le Chemin. Tout y est simple, en ordre, d'équerre.
Tout y est Justesse, Tolérance, Respect, Egalité.
Nos
actions sont-elles empreintes de Noblesse?
Peut-être...
si Noblesse veut dire Vérité, Authenticité, Respect,
Partage, Simplicité.
Trouver
le Chemin de sa Vie
Le
Temps
Tout
ce qui vient d'être évoqué, l'authenticité, la simplicité,
le respect, le partage, l'accueil, la tolérance
sont sur ce chemin qui fut, pendant des siècles,
chemin de pénitence des hérétiques. La patience
aussi s'y trouve: le Temps, le temps humain, à la
mesure de l'être humain...
Quatre
kilomètres à l'heure pendant des jours, des semaines,
sur le plat, à la montée, à la descente.
La
régularité, la règle au rythme des battements du,
coeur, de la respiration (même si, vers la fin du
voyage, le pas s'allonge et l'allure s'accélère
atteignant cinq à six kilomètres par heure). Mais
aussi l'infinitude du temps et de l'espace entre
ciel et terre, entre matins et soirs ou matins et
midis.
La
beauté à plein bois et taillis
On
rencontre encore la Beauté, à plein bois et taillis:
chants des merles, rossignols, pinsons, fauvettes,
rouge-gorges, tout à leur nidification et couvaison;
renards et chats sauvages qui traversent le chemin;
chiens qui font leur métier de chien, avertissant
de votre arrivée, venant à votre rencontre pour
vous flairer et qui vous font un bout de conduite
jusqu'à la sortie du village; ballets de cigognes
dans le ciel, genêts illuminant le chemin, ou un
versant de montagne, haies d'églantines, de petites
roses, de chèvrefeuille, embaumant le sentier; champs
irradiant du rouge des coquelicots. C'est aussi
le vert des vignes qui poussent ou des blés qui
ondulent, le bleu des jacinthes, des chardons et
des bleuets, le violet des lavandes, les papillons;
le parfum des jonquilles et des narcisses dans l'Aubrac,
l'ardeur chaude des pins ou des eucalyptus, les
blés qui changent de couleur, le tintement des cloches.
Les
sens en éveil, en émoi, quelle communion avec la
création!
Sur
le Chemin on trouve encore et aussi la frugalité
du casse-croûte ou des repas au bord du sentier
ou du ruisseau; le plaisir de boire quand on a soif,
de l'eau, une bière, un thé glacé ou un excellent
vin espagnol, le plaisir d'un café et d'un croissant
dans un petit bistrot; la convivialité des repas
de pèlerins au gîte ou au restaurant d'étape, le
soir; la détente d'une douche, le plaisir de faire
son lit en arrivant, les bienfaits d'une sieste
avant la visite du village ou de la ville d'étape,
le repos réparateur de la nuit.
Sur
le Chemin on trouve encore la joie du départ, chaque
matin, dans la brume, le vent, la pluie, la neige
parfois, le soleil le plus souvent.
Avec
l'été, le mois de juin, en Espagne, ce sont les
départs dans la nuit encore, scandés par le coassement
des grenouilles ou accompagnés de chants. Puis "l'éclat
du jour chasse les ténèbres et la grande lumière
commence à paraître". C'est la magie de l'aube,
bientôt suivie par la féerie du soleil pointant
et se levant à l'orient.
Comme
chaque matin, la marche vers l'occident se poursuit.
Alors, au fil des heures et des kilomètres, l'ombre
des corps rapetisse (image du chemin de la vie ?)
j quand elle ne sera plus que de quelques centimètres,
tout près des pieds, il sera temps de faire étape.
Le soleil étant à. son zénith, la chaleur devient
torride...
La
rencontre…
Sur
ce Chemin qui conduit inexorablement vers l'occident,
c'est encore le plaisir des rencontres, la nostalgie
des séparations, la joie complice des retrouvailles.
C'est
la rencontre des autres, des êtres humains, tout
simplement, avec leur générosité, leur disponibilité,
la bonne humeur dans leur regard, leurs sourires,
leur silence, leurs éclats de rire. C'est la confiance
réciproque, la rencontre de l'autre, des frères
et des soeurs en humanité.
Mais
au milieu de tout cela, par et à travers tout cela,
on trouve, on rencontre Soi, étape après étape.
Quel miroir ! Qu'est-ce que cela fait? Rien! Ce
soi-même avec qui l'on chemine n'a rien d'extraordinaire
; rien de plus, rien de moins que ceux rencontrés
sur le Chemin.
Peut-être
un peu plus dans un angle, peut-être un peu moins
dans un autre, peut-être un peu plus sur une face,
peut-être un peu moins sur une autre, mais au total,
il est semblable, égal à n'importe quel autre être
soi-même, avec ses joies, ses efforts, ses limites,
ses interrogations, ses réponses. Il est celui qui
trace et suit, comme tout un chacun, son chemin
fait de montées, de descentes, de passages plats,
constitués de pierres, d'ornières, de terre battue,
chemin tantôt herbeux, tantôt sableux ou rocailleux,
éclairé de lumière ou ombragé, enjambant des rivières,
longeant ou passant sous des autoroutes ;
Le
chemin de la Vie
Chemin
de la vie qu'il nous faut poursuivre jusqu'au bout,
jusqu'au but, jusqu'à la fin, jusqu'au Finis Terrae
(Finistère), pour atteindre ce champ des étoiles
(Compostelle) où le soleil disparaît à l'horizon
de l'Eau et du Ciel.
Marcheur
de Compostelle, si tu es parti avec un certain nombre
d'interrogations dans ton sac à dos, parmi lesquelles
"Qui suis-je ? Où vais- Je ? "
Au
fil des jours et des kilomètres, ton sac se fera
moins lourd.
A
l'arrivée il sera nettement allégé: les réponses
tu les auras, trouvées…. Partant chaque matin éclairé
par la lumière du soleil se levant à l'orient, l'ombre,
l'image devant soi, très longue d'abord puis devenant
de plus en plus courte à mesure de la progression
en direction de l'occident, où se couche le soleil,
fait prendre conscience que, jour après jour, année
après année, chacun marche inexorablement vers "son"
soleil couchant, vers "son" occident,
et qu'un jour, pour lui, le soleil se couchera pour
la dernière fois, à jamais.
Ainsi
va la Vie, jusqu'à l'occident qu'il nous faut rejoindre,
atteindre et franchir en un ultime pas au soir de
sa vie.
Ultime
rendez-vous
Dernière
étape.
Impatient
d'arriver, on n'en retarde pas moins le départ,
pour regarder le soleil se lever, encore une fois.
Puis
on se met en route, d'un pas ferme et décidé (du
moins en apparence) mais dans un grand silence.
Ultime marche, solitaire, chacun marchant en Soi,
avec Soi, vers le rendez-vous. Avec qui? Avec quoi?
Comment savoir?
Joie
! Lumière ! Ultreïa !
On
s'y rend, heureux, dans la Joie, comme à un rendez,
vous d'amour. Tout à coup, du sommet d'une colline,
la ville de Santiago apparaît, dans la brume de
chaleur d'une fin de matinée.
Joie!
Lumière! Ultreia !
Rues
de Santiago, dernière montée, passage sous la porte
du Palacio Gelmirez et le Chemin de Saint Jacques
débouche sur l'esplanade de la plaza Obradoiro,
grandiose!
En
se retournant, le pèlerin découvre, stupéfait, la
cathédrale qui, de nos jours, fait l’effet d’une
pièce montée des plus baroques. Il faut sacrifier
à la tradition et au rituel: doigts de la main droite
dans les empreintes laissées depuis des siècles
par les prédécesseurs, sur la colonne de Saint Jacques,
et derrière, à l’entrée du cloître, salut à Maître
Mateo, le maître d’oeuvre de la cathédrale, qui
se tient à l’ordre de Compagnon face à l’Orient.
Il
faut lui déposer sa pierre non seulement taillée,
polie, mais...
Le
voyage est terminé.
La
Joie est au coeur, une fois de plus, mais aussi
la Paix et l’Amour, qui rayonneront dans toute la
cathédrale, à chaque retrouvaille, à chaque accolade
et tout au long de la journée, dans les rues de
Santiago, car ils sont tous frères et soeurs du
Chemin, ceux qui le portent au fond des yeux et
du coeur..
Ciselés,
sculptés, physiquement, moralement, spirituellement,
habités désormais d’un sentiment de sérénité et
de plénitude, leur devoir au retour, comme au sortir
du labyrinthe, est et demeure de rayonner et de
partager chaque jour, au dehors, l’oeuvre accomplie
quotidiennement, sur le Chemin.
--------------------------------------------
retour à Q.Culture spirit

delhommeb
at wanadoo.fr - 05/10/2009
|