CHEMINS
DE SAINT-JACQUES
L'association
de Bertrand Saint-Macary défend le "pèlerin
au long cours"
recueilli
par Alain Babaud (a.babaud@sudouest.fr) (Sud-Ouest
Béarn 24/06/2010)
"Sud
Ouest". Saint-Jean-Pied de-Port, où vous avez
ouvert un Accueil des pèlerins, bénéficie d'une
grosse notoriété sur les chemins de Saint-Jacques.
Pourquoi ?
Bertrand
Saint-Macary. Saint-Jean-Pied-de-Port est plus
connu que Biarritz, à travers le monde, grâce aux
chemins. L'an dernier, à l'Accueil, on a vu passer
plus de 700 Coréens, par exemple ! Alors, pourquoi
? On dit souvent que ça tient au fait que plusieurs
chemins y convergent. Mais Saint-Jean-Pied de-Port
est surtout un point de départ. 73 % des gens que
l'on reçoit à l'Accueil des pèlerins entament leur
parcours ici. Et 71,6% sont étrangers.
Il
y a plusieurs raisons à cela. D'abord, il faut environ
un mois pour rallier Compostelle au départ de Saint-Jean.
Ensuite, la desserte du Pays basque par le rail
a longtemps été un atout. Aujourd'hui, il y a des
bus pour venir de Bayonne.
N'y
a-t-il pas des raisons plus anciennes, liées à l'histoire?
Si,
bien sûr. Il existe un texte du XIIe siècle traduit
comme le "Guide du pèlerin de Saint-Jacques-de-Compostelle",
qui décrit 13 étapes à partir de Saint-Jean-Pied-de-Port.;
enfin, à l'époque, c'était Saint-Michel, situé juste
à côté. Ce guide mettait en avant le passage presque
"initiatique" des Pyrénées par les ports
de Cize, c'est-à-dire Roncevaux.
Depuis
dix ans, on assiste à un décollage continu de la
fréquentation. En 1999, nous avons reçu 7318 personnes
à l'Accueil des pèlerins de Saint-Jean-Pied-de-Port.
En 2009, on a atteint les 34.625, soit +2,65 % seulement
par rapport à 2008. Peut-être atteignons-nous un
seuil.
2010
est une année jacquaire, puisque la saint-Jacques
tombe un dimanche. On en parle beaucoup. Vous pensez
que ça ne va pas doper encore la fréquentation ?
On
pourrait le penser. Mais 2004 était une année jacquaire,
et l'augmentation de fréquentation n'a pas été démentielle.
Le début de saison 2010 n'est pas marqué, non plus,
par un afflux massif. En tout cas, à Saint-Jean-Pied-de-Port.
Mais il est vrai qu'on a récemment ouvert 142 km
de chemins sur la voie du Nord. Ça peut jouer.
De
nouveaux itinéraires qui s'ouvrent. De plus en plus
de monde qui marche ou roule vers Compostelle. Les
chemins ne risquent-ils pas d'y perdre leur âme
?
On
voit des gens qui arrivent en randonneurs et qui
finissent pèlerins. Tout le monde est le bienvenu,
sur le chemin. Et il doit y avoir de la place pour
tout le monde. C'est pour cela que, nous, on défend
d'abord ce que j'appelle le pèlerin au long cours.
Ce n'est pas de l'intégrisme, mais il ne faut pas
qu'il disparaisse.
Le
pèlerin au long cours, c'est celui qui fait rêver
les autres en faisant la route avec quelques euros
en poche, qui
dort dans les dortoirs, dîne d'une assiette de pâtes
... Il faut que le chemin reste abordable
pour tout le monde, comme en Espagne. Notre association
se bat pour cela, en offrant des places en refuge
à 7 € la nuit, en dortoir, sans réservation possible.
Abordable
pour tout le monde ? Il y a moins de refuges associatifs
en France qu'en Espagne. Cela peut aiguiser l'appétit
du secteur privé ...
C'est
certain, et l'on voit bien quelques dérapages tarifaires.
En Espagne, on peut mettre 80 personnes dans un
refuge, comme ça... En France, nous avons des commissions
de sécurité, une réglementation exigeante, et ça
se comprend. Mais on voit aussi des pèlerins qui
sont obligés de renoncer en chemin, parce qu'ils
n'ont plus d'argent
pour aller plus loin. .. C'est dommage.
Qu'il
y ait des retombées touristiques, des gens qui gagnent
de l'argent en hébergeant, d'accord. Mais les chemins
de Saint-Jacques ne doivent pas être exclusivement
touristiques. Le pèlerin au long cours doit pouvoir
continuer à exister.
Au
départ, les pèlerinages étaient religieux. Qu'est-ce
qui motive les pèlerins aujourd'hui ?
Souvent,
ils ont eux-mêmes du mal à l'expliquer. La plupart
du temps, c'est la recherche d'une rupture avec
notre monde moderne. On y recherche une aventure
humaine qui peut d'ailleurs devenir une véritable
"addiction". Malgré la souffrance,
les difficultés, beaucoup recommencent.
Pour
certains, trop accrochés à leur vie confortable,
le chemin peut aussi devenir un cauchemar. Mais
en général, le pèlerin est heureux.
D'accord.
Mais à quoi pense-t-on ?
Souvent,
ils ne pensent pas. Alors, il y a les croyants,
bien sûr, en quête de spiritualité. Mais les gens
sont surtout
là pour se vider la tête en vivant dans la simplicité,
avec l'essentiel, pour se ressourcer.
L'homme
est nomade, par nature. Faire le chemin permet de
renouer avec cette façon de vivre que l'on a perdue
et qui amène à se débarrasser, même momentanément,
de tout ce qui nous encombre. Ça vaut une bonne
psychanalyse (rires) !
Pas
mal de ceux qui arrivent à Saint-Jean-Pied-de-Port
commencent d'ailleurs à "vider leur sac",
au sens propre, parce qu'ils sont trop lourdement
chargés pour marcher. Il faut se contenter de l'essentiel.
Porter
son sac où se résume l'essentiel de ce qu'il faut
pour vivre, c'est une symbolique forte. Que penser
de ceux qui se font porter les valises d'une étape
à l'autre ?
Pourquoi
pas. Mais l'esprit du chemin, c'est la liberté qui
favorise la rencontre de l'autre, des autres. Vous
n'êtes pas libre quand votre sac vous attend à l'étape
suivante. On voit également des gens qui passent
des annonces pour trouver quelqu'un avec qui faire
le chemin. C'est idiot.
Il
est plus facile sur le chemin que dans la vie courante
de s'ouvrir aux autres ?
Je
le crois. Je ne dis pas que la hiérarchie sociale
n'existe pas sur le chemin. Mais elle passe vraiment
au second plan.
Le
plombier et l'architecte qui jouent le jeu sont
sur un pied d'égalité. Au dortoir, dans le lit d'à
côté, il peut y avoir un Coréen, un Américain...
Tout cela est très enrichissant sur le plan humain.
Vous
conseillez donc de partir seul, dans une certaine
tradition ?
On
peut partir avec des amis, c'est sûr. Mais celui
qui part seul a accès, très vite, à tout le monde.
C'est encore la majorité des pèlerins. Tant mieux.
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L'association
qui aide le pèlerin
Docteur
en médecine tropicale à la retraite et responsable
du musée de la Basse-Navarre de Saint-Palais,
Bertrand
Saint-Macary préside l'association des Amis des
chemins de Saint-Jacques, en Pyrénées-
Atlantiques,
depuis 2004. Il a succédé à Jacques Rouyre.
L'association
qui cherche à promouvoir la vie culturelle autour
des chemins regroupe environ 400 personnes.
Depuis
quelques années, elle assure également l'accueil
et le conseil des pèlerins tous les jours, à partir
de 7 heures, au n° 39 de la rue de la Citadelle,
à Saint-Jean-Pied de-Port. Avec la volonté de les
aider à franchir les Pyrénées et atteindre Compostelle.
Certains arrivent en effet sans aucune préparation,
ni informations, sur la réalité et les pièges de
la montagne.
Renseignements
via le site Internet http://www.aucoeurduchemin.org
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