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Quitter
le temps
Samedi
29 octobre 2011
Dans
une agitation continue et un bruit omniprésent qui
veut nous faire croire par moment qu’il s’agit de
musique, dans l’accomplissement répété de choses
qui n’ont d’autre lendemain que celui d’être remises
sur la table …. Illusion d’une vie pleine de babioles
qui nous privent de ce qui pourrait être essentiel.
Que cherchons-nous alors dans cette vie moderne
?
L’itinérance
choisie par le pèlerin l’oblige à se recentrer pour
se poser les questions qui lui permettent de mieux
se connaître, et ainsi de mieux s’ouvrir aux autres…
… à la manière de la pousse d’un chêne qui n’est
que la promesse de ce qu’il pourrait apporter de
paix et de protection à ceux qui s’y abriteront,
une fois sa croissance achevée.
Cependant,
nos sociétés ne veulent plus prendre le temps de
cet épanouissement … … victimes de le course effrénée
qu’elles mènent pour atteindre un certain niveau
de rentabilité et de profit. Nous mêmes qui les
composons ne sommes nous pas trop pressés, au point
de ne plus savoir savourer les instants les plus
ordinaires et les joies les plus élémentaires ?
Chaque
année nous offre la possibilité de découvrir et
de vivre des moments d’exception. Ils sont de natures
bien différentes, allant de la joie à la peine,
du plaisir à la souffrance; ils sont issus des événements
heureux de nos vies, de nos plus belles réussites
comme de nos combats les plus durs, et le plus souvent
nous marquent pour la vie comme un mariage, une
naissance, un décès, ou encore un pèlerinage, une
retraite ….
Il
y a aussi ceux qui font la plus grande partie de
nos vies, qui n’ont rien d’exceptionnel, et qui
représentent pourtant la quasi totalité de notre
existence, ces journées et ces heures sans grande
saveur, qui ne sont que la reprise immuable d’un
hier vécu sur le même tempo, au rythme des minutes
dont la monotonie s’apparente pour beaucoup au métro-boulot-dodo
!
Ce
faisant et sans que nous ayons l’envie que cela
change …. …. nous passons inexorablement à côté
de ce qui fait la vie, nous passons à côté d’un
ticket gagnant, pourtant à la portée de tous, pour
peu que l’on ait la force de résister et ne pas
se laisser porter par le courant.
Alors
il faut partir, fuir ce monde qui nous mécanise
en nous déshumanisant peu à peu ….. fuir, non pas
pour s’isoler sur une île déserte, mais simplement
pour retrouver un rythme d’homme …. un rythme qui
fait de nous des êtres humains, capables d’apprécier
tout autant le silence et la solitude que la chaleur
d’une rencontre et la musique d’une discussion profonde.
C’est
à ces conditions que nos cœurs s’ouvriront à tout
ce que l’humanité peut avoir de grand … … nos yeux
verront ce qu’aucun objectif ne peut saisir, nos
oreilles entendront ce qu’aucun MP3 ne peut jouer,
et nos cœurs battront sous le contrôle d’un rythme
que seuls amour et espoir peuvent produire.
Se
mettre en route et partir pour quitter tout ce qui
ne nous rend pas disponible, quitter le temps, quitter
l’obligation, et quitter l’ennui d’une vie quelquefois
monotone perdant nos repères familiers, nous nous
ouvrons à d’autres horizons pour attendre une rencontre
qui ne manquera pas de nous émerveiller ……
Champs
d’honneur
Vendredi
22 juillet 2011
Nombreux
sont ceux, toujours un peu dubitatifs, qui me demandent
pourquoi je me suis mis en marche sur près de 1000
km, et pour d’autres que moi !
Est-il
si difficile de comprendre qu’il est possible de
faire un geste, d’entreprendre une action, ou de
consentir à un sacrifice sans ne rien attendre en
retour ?
Est-il
si difficile de sortir de notre petite vie, par
moment trop centrée sur notre intérêt, celui de
notre famille ou même de nos amis, pour faire un
jour quelque chose de gratuit ?
Il
n’y a pas de petit ou de grand pèlerin …. Il n’y
a que celui ou celle qui prend son courage à deux
mains pour se mettre en chemin. Il n’y a pas d’intérêt
à se mettre dans l’inconfort, le doute, voire même
le danger, en prenant le chemin … pas d’intérêt,
si ce n’est celui de partir à la rencontre des autres,
et sans aucun doute aussi à la rencontre de soi-même.
Je
crois n’être rien sans ceux qui m’entourent à chaque
instant de la vie : ce peut-être celui qui me tendra
la main au moment où je manque de trébucher, ou
bien celle qui me donnera le remède au mal qui m’aura
touché, ou encore le simple bonjour d’un parfait
inconnu qui, sans bien appréhender la portée de
son mot, m’aura souhaité tous les bonheurs possibles
en un jour naissant !
Des
valeurs simples m’ont poussé à prendre le chemin
: le sacrifice et le don en premier lieu, puis la
rencontre et le partage, avant d’atteindre une communion
certaine.
Le
sacrifice et le don : car pour pouvoir donner, ou
même encore mieux offrir, il faut avoir préparé
son cœur à ce qu’il consente à se départir de ce
qui est sien pour le céder à un autre que lui ….
…. Il faut avoir le cœur suffisamment touché par
la détresse des autres pour mieux s’offrir sans
réserve dans la joie indicible qui nous emplit dans
l’action.
La
rencontre et le partage : une fois que l’idée est
acceptée, et que l’on est enfin prêt à ce sacrifice
…. Il faut se porter au devant des autres pour qu’ils
puissent se nourrir du don que l’on porte en soi.
Il ne faut pas croire que de telles rencontres n’arriveront
pas, j’en ai trouvé plus d’une sur mon chemin, et
ne peux croire qu’elles n’étaient possibles qu’au
moment où je suis passé …. …. Non, elles sont bien
là à côté de nous, et attendent notre passage !
Le partage se fait toujours …. Par moment intense
et d’autres fois éphémère …. il s’opère sans que
l’on s’en rende vraiment compte, et je vous garanti
une opération sans douleur …. ni cicatrice !
La
communion enfin …. Car en fait tel est le but de
cette démarche : communier !
Communier
à ce qui fait que nous ne sommes pas de simples
corps de chairs et de sang, mais qu’une âme nous
fait vivre et vibrer.
Communier
… … car c’est dans ce seul élan que nos actes sont
les plus généreux et ainsi les plus beaux !
Ces
actes de communion qui nous portent au devant de
nos frères sont nos champs d’honneur de chaque jour,
car il faut du courage pour lutter à contre-courant
du scepticisme ambiant, et accepter de se donner
aussi souvent que possible.
L’action
entreprise sur «2 millions de pas» * rendait hommage
à nos frères qui, tombés dans la poussière d’Asie
ou d’ailleurs, nous montraient en offrant leur vie
qu’il est toujours possible de suivre la voie du
don de soi aux limites du possible …. …. montrant
ainsi de nouveaux champs d’honneur qui poussent
au questionnement de chacun au plus profond de son
âme !
Itinérance
Samedi
2 juillet 2011
Depuis
la nuit des temps il y a toujours un avant, un pendant,
et un après pour toutes choses de notre vie … …
il en est de même pour l’homme devenu jacquet par
sa démarche !
Il
y a l’avant: moment de la préparation empli de doutes,
de joies, de renoncements aussi … … un peu comme
un mariage qui se prépare lentement, des mois, voire
des années durant, avec ses envies et ce qu’il sera
possible de faire avec ses propres forces … … pour
ne blesser personne, et surtout pour que le moment
soit gravé au cœur de tous, pour toujours, comme
une trêve de paix et d’amour dans un monde en furie.
C’est une période de profonde excitation qui nous
pousse à annoncer partout la nouvelle en souhaitant
être épaulé, soutenu, confirmé dans cette démarche
grandiose; c’est celle de l’étude de l’itinéraire,
de chaque étape à parcourir, en s’appropriant ce
que d’autres ont vécu et transcrit dans leurs guides,
leurs récits …. …. interprétant aussi chaque signe
qui nous pousse souvent à différer le moment unique
du premier pas ! En effet, c’est le moment des doutes
tout comme des certitudes, le moment des questions
dont la planche de salut est celle de l’expérience
des autres : si ils y sont arrivés par ce chemin,
pourquoi pas moi ?
Puis
il y a le pendant: journées d’actions et de réflexion
de plus en plus intense, durant lesquelles on trouve
ce que l’on a bien voulu mettre dans son sac, de
partage aussi …. …. tout comme le mariage qui nécessite
une certaine lenteur dans sa maturation, pour ne
pas succomber aux mirages du temps qui pourraient
nous faire croire que rien ne doit coûter, que tout
est accessible sans un renoncement …. …. pour ne
pas souffrir soi-même … … même si il s’agit d’amour,
pour ne plus croire que sur ce chemin aussi, l’usure
est persistante …. …. pour nous faire renoncer à
faire le pas de plus, pour ne pas perdre pied alors
qu’il faut lâcher. Oui, car c’est bien durant ce
pendant que l’itinéraire se transforme peu à peu
pour modeler nos pas et nous faire changer à ce
rythme pédestre; c’est le moment des réponses à
certaines questions, pour lequel le but tout d’un
coup se transforme pour ne plus être physique, mais
bel et bien mystique … … en nous abandonnant …..
…. se surpassant enfin pour nous élever.
Et
puis il y a l’après: tout juste arrivé au lieu tant
attendu, passant en un instant du marcheur à celui
de sédentaire ayant rejoint le but qui animait ses
jours pour en fixer un autre; cette autre destination
bien plus dure à atteindre … … celle qui le mènera
vers un nouveau niveau de sa propre conscience,
pour définir ce qu’il doit enfin faire de ce qu’il
a reçu. Une fois encore me permettez vous ce parallèle
… ….un peu comme ces vieux ménages qui fêtent dignement
des noces qui sont d’or, tout comme leurs silences
… … oubliant les moments de douleur, de doute et
leurs renoncements, pour ne garder fixé en leurs
cœurs ardents que le but céleste qu’ils s’étaient
promis. C’est bien ce qui nous lie au travers des
siècles avec les pèlerins d’antan, qui arrivés au
Monte del Gozo, ne pouvaient s’empêcher de crier
d’un même cœur, d’un élan salvateur Ultreïa … …
Ultreïa …. ….
C’est
le début de cette itinérance qui aujourd’hui me
guide alors que je ne marche plus, c’est cette itinérance
qui me fait avancer toujours sur les pas de St-Jacques
et de nombreux jacquets … … il n’y a plus de doute
et encore moins de souffrance, il n’y a que la joie
de pouvoir partager une aventure humaine qui définit
un but, tout neuf, sublimé chaque jour par de nouveaux
partages, tout en s’abandonnant dans le cœur du
Christ …. … abandonné par nous jusqu’à donner sa
vie … …. pour que nous nous abandonnions et mieux
offrir la nôtre.
Et
maintenant que vais-je faire ?
Le
temps du retour est arrivé et celui de l’euphorie
qui a succédé à l’arrivée est bien passé.
Il
faut revenir dans le monde pour reprendre les activités
laissées au moment de mon départ; j’y ai retrouvé
toutes ces choses qui nous maintiennent fermement
au sol: le travail, ses joies et ses contraintes,
le métro, sa foule anonyme et pressée, Paris, pareille
à celle que j’avais quitté mais qui cependant n’a
plus tout à fait le même visage.
Il
faut quitter ces matins joyeux au doux réveil bercé
des piaillements de passereaux pour retrouver ceux
des avertisseurs des autos ou motos trop pressées,
l’appel lointain et doux du coucou pour le lancinant
hurlement des sirènes. Bien moins belle que celle
de Lusignan.
Il
faut quitter cette lenteur pèlerine qui m’avait
offert l’occasion de redevenir un homme, pour me
fondre à nouveau dans ce tourbillon moderne qui
nous fait croire que nous gagnons du temps en allant
toujours un peu plus vite: surtout courir pour ne
pas rater la rame de métro, et tant pis s'il faut
bousculer pour ne pas perdre une minute, tant pis
s' il faut presser la masse pour gagner une place.
Le
chemin me semble bien loin et si proche à la fois
!
Ne
tient-il pas qu’à moi de ne pas courir comme cette
foule dont chaque composant n’ose plus regarder
plus haut que le bout de ses pieds. Un regard pourrait
être croisé, un regard d’amitié, ou celui d’une
supplique: pas le temps, plus vite il faut aller.
Ne
tient-il plus qu’à moi de ne rien laisser perdre
de ces journées de marche et des heures passées
à la méditation pour trouver enfin ce qui sera après.
Après ce long périple, après ce beau pélé, après
toutes ces rencontres qui ne peuvent passer. Que
je ne veux laisser, sacrifiés sur l’autel du temps
après lequel on court.
Et
maintenant que vais-je faire ?
Garder
cette lenteur qui me donne toujours une longueur
d’avance, car il faut être tortue pour laisser aux
autres le rôle dédié au lièvre …. Monsieur de La
Fontaine, merci de cette fable, si moderne et d’actualité.
Garder
aussi les yeux levés pour qu’ils puissent souvent
croiser le regard des autres, de la joie et des
peines qui peuvent être partagées parfois sans plus
de fioriture. Merci, mon St. Martin, pour ce conseil
précieux, car il vaut bien plus que l’or.
Garder
cette habitude de ne plus penser seulement à moi
et de garder au cœur cette envie d’aider l’autre,
de le mettre en premier juste après le Seigneur,
car telle doit être sa place ….. et cette leçon
là, je la dois bien à Jeanne …. si petite bergère
au courage si grand.
Poursuivre
ce chemin pour encore témoigner que l’on peut y
trouver ce qui rend l’homme grand tout en lui confère
le statut de pèlerin, celui de l’invisible qui ne
fait que passer, celui qui n’est personne et tant
d’homme à la fois.
«2
millions de pas» * : Stéphane Marchiset est parti
de la cathédrale Notre-Dame de Paris en empruntant
la voie de Tours vers Saint Jacques de Compostelle.
Militaire de profession, héraldiste créateur du
foulard "Santiago", pèlerin, il a décidé
de mettre chacun de ses pas au profit de l'association
Terre-Fraternité, créée dans la douleur d'événements
liés à la Côte d'Ivoire, qui vient en aide aux soldats
blessés durant leur mission ou aux familles endeuillées.
Non content de parcourir quarante, voire cinquante
kilomètres par jour, il donnait à chaque halte des
conférences (souvent dans des casernes ou des locaux
militaires) pour témoigner de son expérience afin
de recueillir des fonds.
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