Francine (
Canada) 2
(http://www.francinecompostelle.com/pages/Mon_experience-1209036.html)
Mon
expérience
Comment
j'ai trouvé l'expérience de faire le Chemin de Compostelle
?
Fantastique
! Oui, j'ai beaucoup souffert. Oui, j'ai pleuré.
Oui, j'ai eu des moments difficiles, mais le négatif
compte pour 15% du voyage, alors que le positif
compte pour le reste.
Par
contre, faire le Chemin de Compostelle, ce n'était
rien de ce à quoi je m'attendais. J'ai lu sur le
sujet, j'ai rencontré d'anciens pèlerins, j'ai vu
des DVD, et quoi encore. Malgré tout, c'est complètement
différent de ce que j'imaginais. Chacun fait son
Chemin.
Le
plus formidable, c'est que le Chemin, c'est la liberté
! Mes responsabilités se limitaient aux quelques
articles que je traînais dans mon sac, et que je
devais m'assurer de ne par perdre (ça, c'est tragique
!). La liberté de se lever et se coucher quand on
veut, la liberté d'aller où on veut (enfin presque,
faut quand même rester sur le Chemin), et avec qui
on veut. Les paysages sont magnifiques et changent
tous les jours. Les sentiers, les forêts, les villes
et villages sont tous superbes et surprenants. Le
changement de culture et de langue n'est pas une
barrière, et les Espagnols sont accueillants.
Mais
le plus beau cadeau qu'offre le Chemin, ce sont
les rencontres qu'on y fait. Quelles personnes fantastiques
j'ai connues durant ces six semaines ! Tous, sans
exception, j'espère les revoir un jour.
Avec
qui ai-je fait le Chemin ? De quoi suis-je le plus
fière ?
J'ai
toujours marché seule. C'est ce que je préférais.
Je pouvais aller à mon rythme et avoir plus de liberté.
Je n'ai eu aucun pépin (mis à part une petite peur
avec un chien), même si j'étais seule, et même si
je suis une femme. Je marchais souvent le matin
alors qu'il faisait noir (sans nécessairement utiliser
ma lampe frontale), et pourtant rien ne m'est arrivé.
Jamais.
Par
contre, il est très important de savoir créer des
liens lorsque la journée est terminée. Je ne suis
pas une personne timide, et j'ai de la facilité
à aller vers les gens. Je n'ai pas hésité, lorsque
je me suis retrouvée seule, à aller à une table
où les gens parlaient français, et à leur demander
si je pouvais me joindre à eux. J'ai toujours été
très bien accueillie.
Je
suis fière de plusieurs choses. La première, c'est
d'avoir terminé le Chemin, bien évidemment, mais
aussi je suis fière d'avoir marché malgré la douleur,
la fatigue et les blues qui m'envahissaient. Je
suis un peu "lâcheuse" dans la vraie vie,
et sur le Chemin j'ai chialé, mais j'ai continué.
Je
suis fière de mon attitude. J'ai aidé quand on a
eu besoin de moi. J'ai été respectueuse envers les
autres pèlerins. Je n'ai pas cherché à prendre toujours
le meilleur (les places dans les dortoirs, dans
les restaurants, etc).
Je
suis fière aussi d'avoir tenu méticuleusement mon
journal qui me permet aujourd'hui de vous écrire
tout ça et de me remémorer de si beaux souvenirs.
Qu'est-ce
que j'ai moins aimé sur le Chemin ?
Les
pèlerins qui font sonner leurs cellulaires (portables
en Europe) le matin, ou qui se lèvent à 5h00 du
matin.
Le
chemin devrait se faire comme ça vient, sans se
condamner à pareil outil (le portable), associé,
selon moi, au travail ! Et que dire des excités
qui se lèvent alors qu'il fait complètement nuit.
J'ai toujours eu de la place dans les refuges, alors
il est inutile de partir si tôt par crainte de coucher
dehors. Et si je me suis parfois levée à 5h00 du
matin, c'est qu'il y avait tellement de bruit dans
le dortoir qu'il était impossible de dormir.
Les
pèlerins qui se couchent à des heures indues et
ne respectent pas les autres en entrant dans le
dortoir, ceux qui s'accaparent tous les séchoirs
à vêtement, ceux qui ne lavent pas leurs vaisselles.
Il
faut savoir respecter ceux qui se couchent tôt.
Ces pèlerins peuvent être plus mal en point que
les autres. Pour les séchoirs, il n'y en a parfois
que 3 ou 4, et il arrive qu'un seul pèlerin en prenne
un à lui tout seul, alors qu'il y a 30 personnes
dans le refuge. Quel égoïsme ! Aussi, dans les cuisines,
certains pèlerins (parce qu'ils veulent manger chaud)
laissent leurs casseroles sales, sauf que les autres
pèlerins en ont aussi besoin et tout de suite.
La
malpropreté sur certains sentiers. En Castille surtout.
La Galice, quant à elle, est très propre.
En
Castille, il y a des déchets partout, surtout dans
les rares endroits ombragés où on aimerait s'arrêter
pour se reposer. Et ces endroits sont aussi les
endroits où des pèlerins s'arrêtent pour faire leurs
besoins alors qu'ils ne devraient pas. Les Galiciens,
quant à eux, ont un processus de ramassage des ordures
sur les sentiers, mais pas en Castille.
Les
pèlerins qui "chipent" chez l'habitant
ou brisent sur le Chemin.
J'ai
vu des pèlerins prendre des fruits ou des légumes
dans les potagers privés. J'en ai vu d'autres arracher
des grappes de raisin aux vignes pour les jeter
ensuite parce que ça ne leur plaisait pas. J'ai
aussi vu des pèlerins tenter d'arracher des pièces
sur les balises du Chemin, pour se rapporter un
souvenir, j'imagine. Si les pèlerins font ça, le
pèlerin qui suit, comment saura-t-il ou aller ?
Je
suis fière de n'avoir rien pris aux Espagnols, et
de ne leur avoir rien laissé. J'ai toujours traîné
mes ordures pour les jeter au prochain village.
Les seules choses que j'ai laissées, c'est "vous
savez quoi", et encore, jamais sous le seul
arbre à des kilomètres à la ronde!
J'ai
parfois remarqué le regard haineux d'Espagnols envers
les pèlerins. Il faut les comprendre si les pèlerins
se comportent de cette manière. Et cette attitude
va tuer le Chemin.
Les
pèlerins qui malmènent les hospitaleros.
J'ai
vu une pauvre femme se faire enguirlander par un
pèlerin parce qu'il n'aimait pas le dortoir qu'on
lui avait assigné (trop près des douches). Les hospitaleros
sont des bénévoles, ex-pèlerins, qui viennent travailler
dans les refuges durant leurs vacances. Je n'ai
aucun reproche à faire sur les refuges. Même si
j'ai pris ma douche à l'eau froide. Même si
les matelas n'étaient pas toujours confortables.
Même si les hospitaleros n'étaient pas toujours
hospitaliers. Même s'il faisait parfois froid dans
les dortoirs. Même si, même si... C'est ça la vie
de pèlerin. Faire le Chemin de Compostelle,
ce n'est pas un voyage touristique!
Y
a-t-il du danger à faire le Chemin ?
Je
n'ai pas eu de problème grave. Le Chemin est très
fréquenté, alors il y a toujours quelqu'un pour
aider en cas de pépins. Voici les réponses aux questions
qui me sont le plus souvent demandées:
J'ai
toujours bu l'eau des fontaines, et j'ai même bu
l'eau des fontaines qui ne sont pas "vérifiées"
par les autorités (c'est indiqué comme ça, en espagnol,
sur la fontaine). Je n'ai jamais été malade.
Je
marchais souvent alors qu'il faisait encore nuit
(et seule), mais je savais que le soleil allait
se lever dans la demi-heure qui suivait. J'avoue
que j'ai parfois sursauté en entendant des bruits
dont je ne connaissais pas toujours la provenance,
mais c'était la plupart du temps des animaux de
ferme (vaches, chevaux, brebis, etc.) qui s'activaient
dans le pré, et que je ne voyais qu'une fois arrivée
juste à côté.
J'ai
toujours laissé mes bagages sur mon lit, incluant
mon sac de taille avec mes cartes, mon passeport
et mon appareil photo, et personne n'a touché à
quoi que ce soit. Par contre, je ne faisais pas
exprès pour laisser tout ça à vue. Mon argent, quant
à lui, était toujours dans mes poches. J'avais rarement
plus de 100 ou 200 euros sur moi (et si j'avais
autant, c'est que j'arrivais du guichet automatique),
car pour une journée, ça ne coûte guère plus de
20 ou 30 euros. Comme il y a des guichets partout,
il est peu probable que vous manquiez d'argent,
à moins d'un pépin d'ordre personnel, comme il m'est
arrivé à Torres del Rio.
Les
bottes peuvent parfois être un problème. Elles doivent
toujours être placées à l'entrée dans les albergues,
à cause de l'odeur, et parce qu'elles sont parfois
très sales et boueuses. On peut rarement les apporter
avec soi près du lit. Ainsi, deux personnes m'ont
raconté s'être fait voler leurs bottes. La première,
c'était une erreur. Elle s'est retrouvée avec des
bottes un point trop grandes, mais identiques aux
siennes. L'autre, elle s'est carrément retrouvée
avec de vieilles chaussures. En ce qui me concerne,
comme je chausse du 5 (35 en Europe), rares étaient
les zigotos qui pouvaient me les prendre. Ceci
dit, j'ai connu beaucoup de gens ayant fait le Chemin,
et seulement deux m'ont parlé de problèmes avec
les bottes, alors...
Pour
les chiens, je dirais que 99,5 % sont couchés au
soleil et nous ignorent royalement. Les autres se
promènent et passent à côté de nous sans même nous
regarder, probablement à cause des bâtons. Une seule
fois, j'ai eu très peur et c'est en partant de Triacastela.
Je crois que cet endroit est même indiqué dans certains
guides de pèlerins (c'est ce qu'on m'a raconté).
C'est un entrepôt surveillé par plusieurs chiens
tous enchaînés, mais avec des chaînes assez longues.
Il suffit de se tenir loin de la clôture et on n'est
pas embêté.
Est-ce
qu'on peut se perdre sur le Chemin ? Bien sûr !
Mais il faut être vraiment distrait, car des flèches,
il y a en a à la pelletée ! Par contre, certaines
sections du Chemin sont moins bien balisées que
d'autres, mais de là à se perdre ! Les conditions
pour que ça arrive sont le brouillard, la nuit et
la distraction. Parfois, je me suis retrouvée devant
un dilemme entre un chemin à gauche et un autre
à droite. Dans ces conditions, il suffit de faire
quelques mètres dans l'un ou l'autre des chemins
pour savoir si on se trompe ou non. Il y aura assurément
une indication que le Chemin est bon, sinon, il
faut revenir sur nos pas et prendre l'autre portion.
Est-ce
que l'automne est une bonne période ? Est-il difficile
de trouver à manger, à boire ? Faut-il avoir une
gamelle ?
On
m'avait prédit de la pluie et du froid. J'ai eu
deux jours de pluie, et le froid, c'était en montagne
uniquement. J'ai eu 36º C sur la "meseta",
et 3º C en montagne. Ça donne une idée.
Côté
achalandage, les hospitaleros ont été étonnés qu'il
y ait autant de monde sur le Chemin. Il paraît que
l'automne, c'est plus tranquille, mais en 2008,
le nombre de pèlerins avait beaucoup augmenté. Il
faut savoir que plusieurs albergues ferment à la
fin septembre, mais la plupart à la fin octobre.
Je
n'ai jamais eu de difficulté à trouver à manger.
Il arrive que certains villages n'aient pas grand
chose comme épicerie (et encore là, c'est rare),
mais on s'arrange toujours avec ce qu'il y a. Et
il y a beaucoup de restaurants. De plus, les restaurateurs
s'agencent à l'heure des pèlerins maintenant et
servent le souper plus tôt que pour les résidents
(qui ne soupent qu'à 20h30, parfois 21h00), soit
19h00 et même parfois 18h00. Il est inutile d'avoir
une gamelle car il y a tout dans les albergues.
Par contre, c'est différent en Galice. À Barbadelo,
il y avait une cuisinière pour se faire à manger,
mais aucune casserole ni ustensile ni vaisselle.
Encore là, si près du but, je ne vois pas l'utilité
de la gamelle. Il suffit d'aller au restaurant ou
de manger un sandwich.
Pour
boire, il y a des fontaines partout, mais il ne
faut pas hésiter à remplir notre gourde, même si
elle est presque pleine. Je me suis fait prendre
une seule fois en pensant que, dans le prochain
village, je pourrais remplir ma gourde, et ce ne
fut pas le cas, mais c'est rare.
Est-ce
que je referais le Chemin ?
Sans
hésiter. D'ailleurs je vais le refaire. Je compte
partir cette fois de Vézelay ou du Puy-en-Velay.
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