Témoignage
québecois
Yvan
D'Astous
Zoreilles
du chemin n°22 Avr 2012
http://www.chemindecompostelle.com
- zoreilles@chemindecompostelle.com
Quelques
années avant de prendre ma retraite, mon épouse
et moi avions commencé à formuler le projet de faire
un jour le pèlerinage de Compostelle. Plus nous
nous documentions sur le sujet, plus ce projet devenait
pour nous un incontournable; il fallait le faire.
Le
14 août 2006, le premier jour de ma retraite, nous
nous posions à Paris en route pour Le Puy-en-Velay,
point de départ de notre longue marche qui devait
nous amener trois mois plus tard à Santiago. Ce
qui a débuté comme un voyage s’est vite transformé
en une expérience extraordinaire, et, pour moi le
plus beau cadeau que je pouvais me faire.
Car
on revient d’un tel périple transformé par l’isolement
dans lequel on se plonge pour un temps (plus de
radio, plus de télé, plus de journaux… on en oublie
même quel jour on est), par cette réflexion que
l’on fait lentement au fil des pas, par cette énergie
retrouvée, par l’exercice de la marche au grand
air et par la redécouverte qu’il existe plein de
bonnes et belles personnes dans notre monde et que
le bonheur réside dans de bien petites choses.
Au
moment de faire ce pèlerinage, nous n’avions pas
encore laissé nos enfants seuls pour une aussi longue
période et, à la limite, on pourrait dire que ce
pèlerinage était une démarche assez égoïste de notre
part car nous prenions ce moment pour nous seuls.
Cependant,
c’était aussi l’occasion de faire un réel exercice
de "lâcher-prise", exercice qui s’est
avéré très positif pour nous tous. À cet égard,
la pierre que nous avons déposée selon le rituel
à la Cruz de Ferro représentait en quelque sorte
cette partie de nos enfants que nous avions portée
jusque là (de la naissance à l’âge adulte) – moment
assez émouvant je dois dire.
Ce
chemin est un peu comme la vie, avec ses joies mais
aussi ses peines. Mais ce chemin est si riche qu’on
s’y abandonne totalement très rapidement et que
les préoccupations quotidiennes que nous avions
à la maison sont vite laissées en bordure de la
route. Bref, on fait le vide pour mieux voir ce
que nous sommes devenus et, ce faisant, être en
meilleure posture pour réorienter notre vie au besoin.
Comme
ce chemin est un chemin d’entraide mutuelle, il
nous réapprend également à demander et à accepter
de recevoir (pas toujours facile pour des retraités
souvent très indépendants). De plus, le contact
étroit avec les autres nous permet de voir comme
dans un miroir les petits côtés moins bien connus
de notre personnalité. Pour peu que l’on soit ouvert
à ces observations et disposés à améliorer ses lacunes,
le pèlerinage nous transforme et fait de nous une
meilleure personne. Entre autres choses, apprendre
à écouter, à vivre et à laisser vivre, à aider et
protéger sans pour autant vouloir tout contrôler,
à connaître ses limites et surtout à respecter celles
des autres.
On
dit que les pèlerins reviennent de Compostelle avec
des étoiles dans les yeux. Je crois que ces étoiles
viennent de la santé retrouvée par une excellente
remise en forme, de ces rencontres et de ces amitiés
liées sur le chemin et de tous ces moments de bonheur
et de joie que l’on a vécus. Il me faut cependant
faire une mise en garde: la piqûre de la marche
s’attrape facilement et elle est très tenace.
Au
retour de notre pèlerinage de 2006, mon épouse et
moi avons continué à marcher une moyenne de 600
km tous les étés sur les Chemins des Sanctuaires
du Québec (sentiers de pèlerinages basés sur ceux
de Compostelle) et en 2011 nous sommes retournés
marcher près de 700 km en France et en Espagne.
Bref on ne se débarrasse pas facilement de ses bottes
de marche, et c’est très bien ainsi.
Après
six ans de pérégrination, je constate que le fait
de sortir de l'environnement très demandant du travail
m'a permis de prendre un pas de recul sur beaucoup
de choses et mes marches quotidiennes et mes pèlerinages
annuels n'ont fait qu'amplifier cette notion qui
me semble de plus en plus évidente... La bonté et
la beauté existent tout autour de nous pour peu
que nous prenions le temps d'y porter un peu d'attention.
Et cette beauté et bonté se cachent dans des choses
tellement simples qu'il est facile de ne pas les
voir... obnubilés que nous sommes par tout ce qui
doit nous épater, n'être contents que de ce qui
se doit d'être grandiose.
J'ai
maintenant la conviction que le bonheur réside dans
de petites choses : le chant d'un oiseau, sentir
la chaleur du soleil sur sa peau, contempler la
beauté d'une fleur, écouter le rire des enfants,
cueillir cette pierre en forme de coeur, partager
un thé et biscuit avec un ami, bref, être bon avec
les autres et avec soi-même. Savoir se contenter
de peu sans s'empêcher d'aller aussi loin que nos
talents nous le permettent. Être foncièrement honnête
et en être fier. Toujours contribuer à notre environnement
et dans la mesure du possible n'y retirer que le
strict nécessaire. Regarder en arrière et pouvoir
dire : j'ai fait ma part, ma contribution au monde
qui m'entoure a été positive... Bref, être en paix
avec soi-même, être tolérant, savoir pardonner,
et, peu importe les difficultés, toujours garder
espoir, rester positif et continuer d'avancer.
Ultreia
à tous ceux et celles qui auront la chance de vivre
cette grande aventure,
Yvan
D'Astous, Ottawa, Canada
yvan.dastous@sympatico.ca
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