Anny Clivaz (Camino
n°109 SEP 2011)
Vrai
pèlerin, faux pèlerin, pèlerin médiocre, fumiste,
etc.... qu'est ce qui nous permet de poser un jugement...
Je marche depuis 6 ans sur ce chemin d'initiation.
Et, j'ai eu le temps, tout au long de ces années,
de réaliser le travail en profondeur qui s'est fait
chez moi.
Depuis
le premier voyage, de Genève au Puy, où je suis
partie heureuse, fière, la coquille attachée bien
en vue sur mon sac, et où je jetais des regards
méprisants aux cyclistes que je rencontrais dans
les gîtes.
L'année
d'après, j'ai fait, à mon grand bonheur, la connaissance
dans un gîte de Lectoure d'une dame de 73 ans, qui
faisait le chemin toute seule à vélo. Quelle leçon
d'humilité pour moi !
Dans
ma marche sur la Meseta, j'ai été profondément émue
par les cyclistes qui me dépassaient en disant
joyeusement
avec un geste amical de la main: Buen Camino...!
Cela m'encourageait beaucoup, et je les remercie
encore aujourd'hui.
Il
y a des gens qui font le chemin en voiture, d'autre
en car. Chacun y va à sa manière, parce que c'est
SON chemin
unique, adapté à ses besoins du moment. Bien sûr,
ça dérange notre Ego..., mais si on réfléchit un
peu plus loin, on peut aller au delà du jugement.
Tout ce qui nous arrive sur le chemin de positif
ou "apparemment
négatif" est là pour nous aider à grandir,
à mieux nous connaître, à nous accepter avec nos
limites,
à devenir plus conscient et responsable.
Tous
les obstacles contre lesquels j'ai pesté m'ont en
fait ouvert les yeux sur mes motivations de pèlerine,
et j'en ai déduit que être pèlerin, c'est vivre
le chemin avec TOUT ce qu'il nous amène dans l'instant
présent, en apprenant à accepter les difficultés,
et aussi à accepter nos limites à ce niveau. Loin
de moi l'idée de dire que c'est facile!
L'an
passé, je suis partie d'Irun avec une amie allemande,
avec l'idée d'arriver à Santiago. Mais, je n'étais
pas prête et je suis partie pour de mauvaises raisons:
-
parce que je me sentais honteuse de ne pas avoir
encore réussi à faire l'Espagne (qui me faisait
en vérité très peur).
-
parce que ma fierté me disait: "tu ne peux
pas reculer maintenant".. que vont dire tes
amis (peur du jugement).
-
parce que je ne voulais pas manquer à ma parole
vis à vis de ma compagne de marche.
Alors,
j'ai marché en me jugeant, je me suis sentie nulle,
fumiste, minable, etc..
Le
résultat a été que je ne suis pas arrivée au bout
! Et puis, une nuit, j'ai réalisé que je n'en pouvais
plus, que je n'avais qu'une envie: retourner chez
moi, et j'ai décidé de quitter, 150 km avant Santiago,
et d'y aller en autobus. J'ai laissé mon crédential
au fond de mon sac. Je l'utilise pour me rappeler
les étapes que j'ai faites.
Mais
je l'ai fait tout de même, le chemin jusque là,
et ma plus grande satisfaction est d'avoir été capable
de dire STOP, et de choisir de rentrer en accord
avec moi-même, sans me rejeter et en acceptant mes
limites.
Le
travail intérieur continue chaque jour. C'est pourquoi
je suis intimement persuadée que chaque pèlerin,
quel qu'il soit, est sur le chemin pour de bonnes
raisons! et que nous avons tous à ouvrir notre coeur
à ce qui nous est donné. Ultreïa!
Anny
a.clivaz(chez)gmail.com
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