Avec
Saint-Jacques trouver sa vocation
Par
monseigneur Marc Aillet
A
l’école du Christ, sur le Chemin de Saint-Jacques,
le pèlerin est appelé à vivre de la Vie même de
Dieu. Au travers de dépouillements de toutes sortes,
c’est un itinéraire de discernement de vocation
qui se dessine. Nouvel évêque de Bayonne et ancien
pèlerin, monseigneur Marc Aillet va insérer le Pèlerinage
dans le cadre de l’année de Propédeutique qu’il
ouvre en septembre 2009.
Combien
de fois n’avons nous pas chanté le cantique "Partir
c’est mourir un peu" ? Le pèlerin de Saint-Jacques
le sait bien, le départ sonne comme un "à Dieu".
Le sac est là, plein à craquer, rien n’est oublié:
rechanges, médicaments, la Bible, un chapelet, quelques
livres et cartes, de la nourriture, le duvet, le
tapis de sol, les affaires de toilette …
Les
premiers kilomètres sont avalés avec enthousiasme,
mais il suffit de quelques heures pour que le marcheur
commence à sentir son dos et ses pieds. Au terme
du premier jour, il fait l’expérience cuisante de
la pesanteur du sac, de la faiblesse de sa volonté,
peut-être même regrettera-t-il amèrement de s’être
jeté dans une telle aventure. N’a-t-il pas choisi
de se lancer dans la course pour "faire Saint
Jacques" ? Tant de pèlerins de tous les âges
n’ont-ils pas marché sur cette route pour rencontrer
le Christ ? Les jours se poursuivent et notre homme
peine à vibrer de l’élan initial. Ce temps d’acédie,
de dégoût devant le présent qui est là et dont il
ne retire aucune jouissance, est pour lui comme
un appel à plonger davantage en Dieu: un détachement
de ce qui nous encombre vers un attachement toujours
plus grand à Celui qui demeure, éternellement.
Comme
pour chaque être humain sur cette terre, il en est
du chemin de Saint-Jacques comme d’un concentré
de la vie. La finalité de notre trajectoire ici-bas
consiste à répondre à Celui qui donne le sens à
notre existence. "Tu nous à fait pour Toi Seigneur
et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure
en Toi" écrit saint Augustin. La finalité de
l’être de chacun réside en Dieu. C’est l’expérience
que peuvent faire les pèlerins de Galice. "Dieu
seul suffit" affirme sainte Thérèse d’Avila;
c’est alors que le sac à dos peut être délesté de
tout le superflu de nos vies. "Pourquoi se
tourmenter puisque Dieu est là ?" dira la petite
Anne de Guigné au terme de sa brève existence.
Ainsi,
le Chemin de Compostelle devient l’occasion de débarrasser
l’Amour de ce qui le gêne. La méditation quotidienne
de la Parole de Dieu va progressivement aplanir
les sentiers raboteux de nos cœurs. Temps d’ascèse
et de joie, il offre aussi la perspective de la
rencontre avec l’autre, comme une occasion de prolonger
l’intimité avec Dieu vécue dans la prière lors des
kilomètres de silence et de solitude; la redécouverte
de l’actualité de notre baptême à l’école de la
Vierge Marie emprunte cette voie. La marche au long
cours à la suite du Christ est donc une occasion
particulière de découverte et d’approfondissement
vocationnel.
Comme
une artère coronaire fait vivre un corps, le Chemin
de Saint-Jacques, à l’image de l’itinéraire emprunté
par des milliers de fourmis, est un canal vivifiant
traversant de part en part le diocèse de Bayonne.
Qui ne connaît le point de ralliement qu’est Saint-Jean-Pied-de-Port
? C’est pourquoi, à l’occasion de l’ouverture de
l’année de Propédeutique à Bayonne en septembre
2009, j’ai décidé que le pèlerinage de Compostelle
entrerait dans le programme sous deux formes: la
première, en permettant aux jeunes propédeutes d’accomplir
tout ou partie du Chemin, et la seconde, en les
associant à l’hospitalité catholique de telle ou
telle étape. Pèlerins et hospitaliers, ils auront
donc l’occasion de répondre de manière originale
à l’appel du Seigneur en oeuvrant généreusement
au service de la Nouvelle Evangélisation.
Partir
vers Saint-Jacques avec le Christ, c’est entrer
dans une vie nouvelle et rappeler au quotidien sédentaire
de nos existences qu’ici-bas n’est qu’une étape.
L’histoire de notre vie et de notre vocation est
récapitulée dans la marche vers Dieu. Comme des
enfants, nous empruntons cette route emblématique
des racines chrétiennes de l’Europe, non pour montrer
que nous savons marcher, mais pour dire au monde
que si nous avançons ainsi sur les chemins tortueux,
c’est parce que nous avons Quelqu’un à qui donner
la main.
+
Marc Aillet
Evêque
de Bayonne, Lescar et Oloron
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