AU
BOUT DU CHEMIN : LE PORTIQUE DE LA GLOIRE
Notre
Chemin 2011-3 (Bulletin de l’Association des Amis
de Saint Jacques de Compostelle en Aquitaine)

Compostela.Catedral.Pórtico
de la Gloria (Aquitaine) ima PDF
En
septembre dernier, pendant que nous étions à Compostelle
pour EUROPA COMPOSTELA, se tenait une exposition
sur le portail de la Gloire. Notre ami Roger, sur
le Chemin, et avant de se rendre à Fisterra, est
allé admirer cette exposition. Il nous offre aujourd'hui
les documents qu'il a ramenés.
De
toute évidence, ce portail a été construit pour
les pèlerins du 12ème siècle, qui, arrivant à Saint-Jacques,
cherchaient une réponse à ces questions fondamentales
: "Quel est le sens du chemin parcouru ? Quel
est le sens de la vie ?". Ils pouvaient trouver
une réponse immuable, car taillée dans la pierre.
L'homme d'aujourd'hui ne sait plus lire ces messages.
Le pèlerin d'aujourd'hui se contente d'admirer la
statue de l'Apôtre, de poser sa main dans l'arbre
de Jessé (sauf pendant les travaux).
À
l'origine, le portique de la Gloire était entièrement
polychrome. Notre Apôtre préféré est assis sur un
"faldistoire" (siège liturgique pliable
des évêques) recouvert d'une tapisserie rouge. Il
est vêtu d'une large tunique et d'une vaste cape.
Avec son bon sourire, la main gauche sur un bourdon,
la main droite tenant un phylactère sur lequel on
pouvait lire "missit me Dominus" (le Seigneur
m'a envoyé), il engage le pèlerin à entrer dans
la cathédrale.
Mais
qu'il est dommage de ne se contenter que d'une toute
petite partie de l'ouvrage de Maître Mateo ! Il
faut lever plus haut les yeux vers le coeur du portique,
vers le Christ Roi, il faut tourner la tête à droite
ou à gauche vers les autres statues. Toute la Bible
y est racontée. N'oublions pas qu'au Moyen-Âge,
la sculpture religieuse, portails, tympans, hauts
et bas reliefs, modillons et métopes, avaient pour
but d'instruire les populations, et, très souvent
par une opposition entre le Paradis et l'Enfer.
Installons-nous face à Saint Jacques.
Au
milieu du tympan, le Christ n'est pas isolé dans
une mandorle. Entouré, comme souvent, par les quatre
évangélistes (Saint Luc, Saint Thomas, Saint Jean
et Saint Matthieu), Il se place entre le passé et
le futur.
À
sa droite, l'Ancien Testament et le peuple juif
de l'Ancienne Alliance, à sa gauche, le Nouveau
Testament et le peuple de la Nouvelle Alliance.
Dans la voussure, chacun des deux peuples est représenté
par le même nombre de personnages, en signe d'égalité.
Il est à noter que le dernier de l'Ancienne Alliance
et le premier de la Nouvelle parlent entre eux et
jouent d'un même instrument ! Le Christ montre la
blessure de la lance, la paume trouée… De part et
d'autre, huit anges, revêtus de vêtements d'écuyers,
(ils appartiennent à l'armée du Christ) portent
les instruments de la crucifixion. Ceux qui présentent
les objets ayant touché le corps du Christ ont les
mains recouvertes d'un voile.
Au
bas du trumeau central, le premier homme supporte
l'arbre de Jessé qui retrace la généalogie du Christ.
En haut de l'arbre, les branches s'écartent pour
laisser place à la Vierge Marie. Ses feuilles n'effleurent
pas même la mère du Christ, montrant ainsi qu'elle
n'a pas été souillée par le péché originel. Au-dessus
d'elle, la Sainte Trinité : le Père, avec la couronne
dont héritera Son Fils, tient un enfant sur les
genoux. Le Christ, sans couronne, mais avec l'aura,
esquisse une bénédiction avec sa main droite. Tous
deux sont surmontés par la colombe du Saint-Esprit.
Sur le pilier, à gauche du trumeau : le passé avec
les prophètes: Moïse tient les Tables de la Loi.
À son côté, se trouvent Isaïe coiffé d'un turban,
Daniel, heureux d'avoir été sauvé du feu et des
lions, et Jérémie, reconnaissable à sa longue barbe.
Sur l'autre face du pilier, Abdias, Amos, Osée et
Joël.
Sur
le pilier symétrique, à droite, les nouveaux temps
avec les apôtres : Pierre, vêtu en Pape de son temps,
avec ses trois clés, symboles des trois Églises:
l'Église militante (pointée vers le bas), l'Église
du purgatoire, et l'Église triomphante (pointées
vers le ciel). Il est suivi de Paul, chauve et pieds
nus, de Jacques (avec une tunique bleue liserée
d'or), de Jean, dont les pieds nus reposent sur
un aigle. De l'autre côté, Thomas, Barthélemy, André
et Matthieu.
Il
est impossible de quitter le portique de la Gloire
sans parler de Maître Mateo, son génial constructeur.
On connaît très peu de choses sur lui. On suppose
qu'il habitait à Compostelle depuis les années 1160.
Les chroniques locales le présentent comme un homme
pieux, vaillant et libéral. La tradition veut que
la statue du jeune homme agenouillé derrière le
trumeau, aujourd'hui appelée Santos dos Croques
(le saint aux bosses), le représente. Les textes
anciens affirment que le mot "arquitectus"
était lisible sur le parchemin qu'il tient à la
main. Là, s'accomplit encore l'un des deux rites
les plus anciens du portique de la Gloire: les mères
de famille cognent par trois fois la tête de leur
progéniture, les étudiants et les pèlerins en font
autant, pour demander à Mateo une part de sa sagesse
et de son savoir ! Une pierre gravée indique "L'an
de l'incarnation du Seigneur 1126 (1188 selon le
calendrier actuel", le jour des calendes d'avril,
les linteaux du portique principal de l'église du
bienheureux Saint Jacques ont été placés par le
Maître Mateo, qui dirigea l'oeuvre depuis ses fondations.
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