LA
DÉCOUVERTE DE LA TOMBE DE L'APÔTRE SAINT JACQUES.
Selon
la tradition, reprise pour la première fois
dans un document de 1077, la découverte de la tombe
de l'apôtre survint dans la première moitié du IX°
siècle - entre 813 et 840 - quand un anachorète
appelé Paio vit des lumières sur la montagne située
là où se dresse aujourd'hui la cathédrale de Santiago
de Compostelle, et communiqua l'événement
à l'évêque d'Iria Flavia, Théodomir. Celui-ci accourut
au lieu indiqué et, après trois jours de jeûne,
entra dans le bois, où il découvrit un petit tumulus
qu'il identifia comme le monument funéraire de l'apôtre
Saint Jacques, celui que quelques histoires médiévales
à partir du VI° siècle, entre autres de Bède le
Vénérable et de Béatus de Liébana, indiquaient comme
évangélisateur de la Galice, en ajoutant qu'on avait
transféré là son corps immédiatement après sa mort
à Jérusalem (44 ap. JC.).
L'évêque
informa de la découverte le roi des Asturies Alphonse
II le Chaste, qui vint en personne, accompagné des
notables de son royaume, depuis Oviedo jusqu'en
Galice pour voir la tombe et les vestiges qui l'identifiaient,
après quoi il proclama Saint Jacques comme patron
du royaume. Le roi asturien communiqua immédiatement
la nouvelle à l'empereur Charlemagne, le pouvoir
politique plus important de l'époque, et au pape
Léon III. Ensuite, il donna des ordres pour
qu'on entame la construction d'un grand temple qui
hébergerait les reliques sacrées et permettrait
sa vénération par les fidèles. Autour de la tombe
et de la basilique primitive naquit la ville de
Compostelle, qui devra son nom aux lumières vu par
l'anachorète (campus stellae, champ de l'étoile).
Pour
les royaumes chrétiens de l'Espagne, la découverte
de la tombe fut un facteur de suprême importance
pour résister aux attaques islamiques et mobiliser
les forces en faveur de la Reconquête. Pour la monarchie
asturienne ce fut, en outre, un instrument précieux
pour sa consolidation intérieure, pour son prestige
face à l'empire carolingien, ainsi que pour le renforcement
de l'église située dans le royaume, en lutte avec
le siège wisigoth-mozarabe de Tolède. L'importance
de la représentation de l'apôtre comme rassembleur
et guide de la Reconquête, une entreprise commune
chrétienne, fut rapidement mis en évidence, en 944,
avec l'intervention légendaire du saint conduisant
à la victoire les troupes chrétiennes dans la légendaire
bataille de Clavijo, qui donna naissance à la célèbre
iconographie de Saint Jacques Matamoros - monté
sur un cheval blanc et une épée à la main - comme
symbole de la lutte contre l'Islam.
LE
DEBUT DES PELERINAGES.
Les
circonstances précédemment décrites, survenues dans
le cadre d'une confrontation directe entre chrétiens
et musulmans, et à une époque difficile comme
fut celle du démembrement de l'empire de Charlemagne,
au cours de laquelle les habitants de l'occident
européen en plein désordre avaient besoin d'un symbole
d'espoir, furent propices au développement rapide
de la légende jacquaire. Compostelle, proche du
mythique "finis terrae " vers lequel les
hommes étaient allés depuis les débuts de la civilisation,
devint le principal foyer d'attraction spirituelle
de l'Europe naissante, en dépassant Rome et Jérusalem
comme centre de pèlerinage chrétien.
La
route vers Saint Jacques commença à être entreprise,
en affrontant les difficultés et les dangers d'un
voyage long et coûteux, par des milliers de pèlerins
de toutes les régions européennes, soucieux de se
prosterner devant la tombe de l'Apôtre et de connaître
des faits sur sa vie et ses miracles, générant ainsi
une copieuse série de récits hagiographiques et
d'histoires légendaires.
Les
monarchies péninsulaires et de tout le continent
favorisèrent les pèlerinages, pour le notable effet
d'unification et de motivation spirituelle qu'ils
avaient sur la population, et aussi parce que cela
signifiait une importante voie de communication
pour les relations commerciales. On améliora d'anciennes
chaussées, on éleva des ponts et on fonda monastères
et hôpitaux qui seront le noyau de nouvelles villes.
APOGÉE,
DECLIN ET RENOUVEAU DE LA TRADITION JACQUAIRE.
Dans
le cadre ecclésiastique, le développement et apogée
du Chemin est lié aux ordres de Cluny et Citeaux,
soutenus par Rome. Toutes les routes à Saint Jacques
ont vu naître de nombreux monastères qui, outre
l'assistance aux pèlerins, ont étés des centres
importants d'influence spirituelle, culturelle,
politique et économique. Pour leur part, les papes
Calixte II (1122) et Alexandre III (1179) ont institué,
respectivement, l'Année Sainte Jacquaire et l'indulgence
plénière.
De
ce même siècle est le texte classique du Chemin
de Saint Jacques, le célèbre Codex Calixtinus, dû
à l'ecclésiastique français Aymeric Picaud - bien
qu'une importante participation soit attribuée aussi
au pape Calixte II -, dans lequel, avec des textes
liturgiques en rapport avec l'Apôtre et des récits
de sa vie et de ses miracles, est décrit l'itinéraire
à Saint Jacques,
avec les quatre voies qui, en France, rassemblent
les pèlerins à Tours, Vézelay, le Puy et Arles,
et se réunissent en Espagne à Puente la Reina pour
continuer par un seul chemin vers Compostelle; également
sont donnés de nombreux conseils pour effectuer
le parcours, et racontées les péripéties vécues
par l'auteur dans son pèlerinage.
Le
Chemin du Nord, par Oviedo, a été le premier itinéraire
de pèlerinage confirmé; entre les XII° et XIII°
siècles, grâce à l'appui des monarchies navarraise,
aragonaise et castillane, le Chemin français aura
le rôle principal. Toutefois, d'autres routes secondaires,
comme le Chemin portugais, les routes maritimes
qui arrivaient aux ports du Ferrol et de La Corogne,
la route catalane par la vallée de l'Ebre, le Chemin
du sud-est par la Via de la Plata et l'itinéraire
par l'Alava ont aussi canalisé la foi et l'espoir
de milliers de pèlerins.
Depuis
la fin du XIV° siècle, le Chemin commença à décliner;
à cela ont contribué d'abord les épidémies successives
de peste qui ont décimé la population européenne,
l'insécurité des communications et la crise des
monastères. Plus tard, le début d'une ère de progrès
amoindrit l'univers spirituel d'une société chrétienne,
dans laquelle commencèrent à apparaître des failles
doctrinales qui débouchèrent ensuite sur la réforme
protestante. Après un petit regain pendant le XVIII°
siècle, les pèlerinages recommencent à s'affaiblir
pendant le XIX° et la plus grande partie du XX°
siècle.
Le
Chemin renaquit à la fin du siècle passé, dans un
contexte nouveau, poussé par l'Eglise catholique
et par l'administration de Galice; aux traditions
religieuses et pénitentielles se sont unies différentes
formes de spiritualité et aussi d'autres motivations
centrées sur la richesse historique, culturelle
et artistique énorme présente le long de la route
jacquaire.
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