POÈME
HISTORIQUE SUR RONCEVAUX
in
RONCEVAUX
Charte
de fondation - Poème du Moyen Age - Règle de St
Augustin - Obituaire
Etude
historique et littéraire
par
l'abbé V. DUBARAT
Aumônier
du Lycée de Pau
Pau
- 18889
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Poème
Preciosa (V.Dubarat) PDF (3 Mo) : Poème
Preciosa (V.Dubarat) PDF
Cette
belle pièce de poésie chante les bienfaits de Roncevaux.
Nous voyons la description des montagnes Pyrénéennes
et une "maison admirable" y fleurir "comme
une rose". Sa nécessité, sa fondation, l'asile
sûr et hospitalier qu'elle offre aux pèlerins et
aux étrangers, y sont racontés en vers rimés, sans
doute afin que la mémoire puisse en garder un meilleur
souvenir, et aussi pour que la gloire de Roncevaux
se répande au loin, par la bouche des troubadours,
et sur tous les rivages, dans une harmonieuse prosodie
qui charme les oreilles et réchauffe le coeur.
A
n'étudier que le mérite littéraire de ce poème,
on n'y trouverait peut-être pas un grand souffle
d'inspiration. C'est un poème historique; et l'histoire,
même en vers, est une Muse sévère qui ne permet
guère les écarts d'imagination; ici, elle promène
notre esprit curieux, à travers quarante deux strophes
de quatre vers chacune, et nous fait connaître en
détail le "vénérable et glorieux" séjour
de Roncevaux.
Nous
ne sommes pas en face d'une poésie savante et mesurée,
à l'instar de celles qui nous ont été léguées par
l'antiquité. La mesure est simplement syllabique,
si je puis m'exprimer ainsi; ou, en d'autres termes,
comme dans la poésie française, on s'y préoccupe
du nombre des syllabes et non de la quantité. Ce
sont des vers rimés de treize syllabes; et les rimes
se suivent et sont les mêmes dans les quatre vers
de chaque strophe. On compte 168 vers dans tout
le poème, se succédant ainsi dans une sorte d'alternance
de rimes très variées. Cela nous rappelle les proses
et les hymnes d'Eglise du moyen âge
Ce
poème est-il du XIIIe siècle, comme le croit le
P. Fita ? Pour appuyer son opinion, cet érudit se
base sur le vers où l'on parle du prieur de Roncevaux,
alors vivant, "Martin, le gardien de cet hôpital,
homme respectable et plein de charité pour les malheureux".
Il s'agirait ici de Martin Guerra, mort le 1er décembre
1215. Il avait succédé à Fortunio de Baldostain,
le 31 août 1199. Cette preuve serait irréfutable,
si l'on possédait le catalogue, et sans lacune,
des prieurs du monastère de Roncevaux, et qu'on
ne trouvât qu'une seule fois le nom de Martin. Mais
il n'en est pas ainsi.
L'historien
de l'abbaye, Saraza, se contente de dire souvent
"Era prior en tal año". Il y a des lacunes,
et elles sont nombreuses. De plus, en 1439, l'on
voit un "Martin" Perez de Tafalla. Il
y aurait alors à discuter sur le caractère d'antiquité
que présente l'écriture elle-même. Il est fort possible
en effet que la transcription soit du XVe siècle.
Il
y aurait quelques autres objections à produire à
l'encontre de cette opinion. On y dit que l'église
a été construite par Sanche le Fort, roi de Navarre,
de 1194 à 1234. Or, d'après Sarasa, celui-ci l'avait
bâtie, après la bataille de las Navas, qui eut lieu
en 1212. Resteraient trois années, limite extrême
jusqu'en 1215, date de la mort du prieur Martin
Guerra, pendant lesquelles eût été édifiée l'église
de Roncevaux; celle-ci était primitivement pareille
à la cathédrale de Pampelune "era tan esbelto
y tan bien trazado como el [templo] de la catedral
de Pamplona". Est il possible qu'en trois ans
un tel monument ait été élevé ?
Enfin
il ne semble pas que la description de l'église
du S. Esprit, telle qu'on la voit dans le poème,
nous rappelle le style gothique du XIIIe siècle;
"quadrata" et "orbicula". A
moins qu'il ne s'agisse là du style romano-bysantin
? Je me contente d'exprimer ces doutes.
En
donnant, sans la discuter, la date des premières
années du XIIIe siècle, le savant jésuite se demande
ensuite quel a pu être l'auteur de ce remarquable
poème. Il pense que c'est le célèbre historien espagnol,
D. Rodrigo Jimenez de Rada, qui, voulant raconter
l'origine véritable de Roncevaux, a combattu ceux
qui l'ont entourée de fables et de légendes, "histrionum
fabulis inhoerentes". Le P. Fita base son opinion
sur ce fait que la description de l'hôpital de Burgos
est faite dans des termes qui se retrouvent dans
le poème; on y rencontre le val de la rosée "Roscida
vallis", l'accueil hospitalier "nullo
patiente repulsam", les soins affectueux "mulierum
misericordium et virorum", et toutes les oeuvres
de miséricorde "opera pietatis".
D.
Rodrigo était accouru de Paris en 1204 pour pacifier
les rois de Castille, Léon et Navarre: Sanche le
Fort se trouvait alors près de Roncevaux, et l'historien-poète
y aurait chanté ses merveilleux exploits. On pourrait
répondre, il est vrai, que les mêmes institutions
rappellent les mêmes idées et souvent les mêmes
mots. Les descriptions de deux hôpitaux doivent
contenir des expressions semblables sans être pour
cela nécessairement l'oeuvre d'un même auteur. Cette
preuve ne paraîtra pas bien convaincante. Néanmoins,
l'opinion du P. Fita deviendrait d'autant plus probable
que la date de 1099-1215 présumée pour la composition
du poème serait plus certaine.
Quoi
qu'il en soit, ajoute ce savant, l'auteur parait
doué d'un talent qui fait honneur au siècle précurseur
d'Alphonse le Sage. Une strophe du poème inspire
au P. Fita des réflexions qu'il est bon de noter:
"Les anges visitent souvent les ossements des
morts. On a entendu leurs concerts". Ces apparitions
n'étaient elles pas racontées dans les vieilles
archives de la Collégiale, dans toute une collection
de légendes merveilleuses "leyendas maravillosas",
- trésor sans prix pour élucider les premières origines
de la littérature espagnole? Mais le texte dit-il
tout cela ? Et n'est-ce peut-être pas tirer une
conclusion forcée de ces deux vers:
Angelorum
agmine soepe visitatur
Ore
audientium eos hoc probatur ?
Reste
maintenant à parler du poème, tel qu'il nous a été
légué par les âges. Est-ce un original ? est-ce
une copie ? Le P. Fita croit que c'est un véritable
original qui se conserve encore aux archives de
Roncevaux :
"El
original de este bello poema existe inedito en el
libro antiguo de pergaminos, titulado Pretiosa,
que se guarda en el archivo de Roncesvalles".
Si
cet illustre savant avait vu le manuscrit de ses
propres yeux, il aurait modifié son sentiment, car
le poème se trouve écrit entre des actes assez modernes.
Or s'il faut admettre le XIIe siècle pour date de
sa composition, il est impossible que ce soit un
original. On pourrait admettre plus facilement l'opinion
du P. Fita. si l'on fixe la composition du poème
au XIVe ou au XVe siècle.
J'ai
déjà dit que le manuscrit n'était pas malheureusement
conservé aux archives, mais au chœur de l'église
où il subit de journaliers outrages et de malheureux
contacts.
Ce
poème est écrit en caractères menus sur deux colonnes,
aux fol. 89 v. et 90 v.
Le
P. Fita l'a publié, d'après une copie de D. François
Polit, alors prieur de Roncevaux.
Le
savant espagnol a eu la bonne fortune de pouvoir
rétablir le texte effacé ou mutilé, grâce à une
autre copie conservée dans la bibliothèque royale
de Munich. Ce dernier texte est très défectueux; peut-être a-t-il été transcrit de mémoire; en
tout cas. c'est certainement une main inhabile qui
l'a copié, car les erreurs et les omissions y sont
nombreuses.
"Probablemente
se copió alli de segunda ó tercera mano porque incurro
en muchos erros y omisiones propias de amanuense
imperito". C'est le Dr Baist qui a transmis
cette copie au P. Fita.
A
l'exemple de ce dernier, j'ai noté les variantes
qui existent entre les deux textes de Roncevaux
et de Munich, par les signes Var. ou V. Elles sont
parfois peu importantes. Si dans notre transcription
les mots enlevés et mis entre crochets ne concordent
pas toujours avec le texte du P. Fita, c'est que
la leçon du prieur F. Polit est parfois défectueuse.
Inutile de dire que j'ai profité du travail du P.
Fila, même pour rectifier ma copie faite à Roncevaux.
Une
traduction française accompagne le poème latin.
On aura ainsi une idée des anciennes poésies, des
romans de troubadour; et des chants du moyen âge
jusqu'à la Renaissance.
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POÈME
[les
mots placés entre crochets sont effacés ou enlevés
dans la Preciosa]
Domus
venerabilis, domus gloriosa,
Domus
admirabilis, domus fructuosa,
Pireneis
montibus floret sicut rosa,
Universis
gentibus valde gratiosa.
Maison
vénérable, maison glorieuse, maison admirable. maison
abondante en fruits, elle fleurit comme une rose.
sur les monts Pyrénées, très gracieuse pour toutes
les nations.
Ejus
beneficia cupio narrare,
Quam
sincere teneor et semper amare,
Earn
multipliciter potero laudare :
Video
materiam undique manare.
Je
désire raconter ses bienfaits ; je dois l'aimer
toujours et avec sincérité ; je pourrai la combler
de louanges : je vois tout ici en fournir la matière.
Volo
tamen laudibus eam collaudari
Que
possint ydoneis testibus probari ;
Qui
vult verum tempnere falsum venerari
Nimis
est odibilis celo, terre, mari.
Je
veux cependant l'exalter en des éloges que puissent
confirmer des témoins impartiaux. Vouloir prendre
en mépris la vérité pour honorer l'erreur, c'est
se rendre odieux au ciel, à la terre, à la mer.
Domus
ista dicitur Roscidee vallis,
Domus
necessaria, domus hospitalis,
Bonis
vaccans omnibus, terga prebens malis ;
Suis
hanc Omnipotens semper tegit alis.
Cette
maison s'appelle Roncevaux, maison nécessaire, maison
hospitalière, ouverte à tout ce qu'il y a de bon,
fermée aux méchants ; le Tout-Puissant la couvre
toujours de ses ailes.
Fundens
rorem gratiae, hec largitur dona
Spiritus
Paraclitus a quo cuncta bona ;
Sub
presenti seculo cunctis est annona ;
Erit
et fidelibus in celis corona.
Répandant
les rosées de la grâce, le Saint-Esprit fait ces
largesses. lui l'auteur de tout bien ; ici-bas il
nourrit le monde, au Ciel. il sera une couronne
pour ceux qui auront été fidèles.
Sancius
episcopus, caput hujus rei,
In
honore Virginis Genitricis Dei,
Ad
radicem maximi montis Pirenei ,
Hospitale
statuit quo salvantur rei.
L'évêque
Sanche en fut le fondateur ; en l'honneur de la
Vierge, Mère de Dieu, il établit aux pieds d'une
des plus hautes montagnes des Pyrénées un hôpital
pour le salut des malheureux.
Nominatus
pontifex cum Pampilonensis
Fundaret
hospitium montibus immensis,
Bonis
eum maximis juvit in expensis
Ildefonsus,
inclitus rex Aragonensis .
Lorsque
l'évêque de Pampelune fondait l'hôpital sur ces
montagnes immenses, Ildefonse, célèbre roi d'Aragon,
l'aida dans ses dépenses par de nombreuses largesses.
Videns
venerabilis hoc canonichorum
Conventus,
invigilans honestati morum,
Hospitali
tribuens plurima donorum,
Fecit
se participem illius bonorum.
A
cette vue, le vénérable chapitre des chanoines,
gardien soucieux de la morale, fit de généreux dons
à l'hôpital et participa à ses mérites.
Post
eram, preteritis annis mille centum,
Quibus
datis, septies decem ad augmentum ,
Hospitalis
fieri cepit f'undamentum,
Quod
iter agentibus est operimentum .
Mil
cent soixante-dix ans après l'ère, commença l'hospitalité,
refuge de ceux qui voyagent.
Locum
in quo situm est rigor yemalis,
Glacies
perpetua, nec non nix annalis,
Fere
semper agravant, et aer brumalis ;
Sola
est serenitas domus hospitalis.
Les
rigueurs de l'hiver, la glace perpétuelle, la neige
éternelle et les brumes de l'air attristent presque
toujours ces lieux: la sérénité règne seule dans
la maison hospitalière.
Terra
per circuitum sterilis omnino ;
Habitator
quilibet eget pane, vino,
Sicera
et oleo, et lana , et lino ;
Hospitale
regitur Spiritu divino.
Alentour,
le sol est tout à fait stérile ; l'habitant manque
de pain, de vin, de cidre et d'huile, de laine et
de lin; l'hôpital est gouverné par l'Esprit divin.
In
eodem aliquis vim frigiditatis,
Non
sentit pauperiem nec sterilitatis.
Manet
enim jugiter hic fons bonitatis
Qui
pellit inediam omnis egestatis.
Là
dedans, personne ne souffre ni la rigueur du froid,
ni les misères de la pauvreté ; là toujours en effet
se trouve une source généreuse qui chasse la faim
et le besoin.
Bona
norunt plurimi hujus hospitalis ;
Via
requirentibus est universalis
Beatorum
limina ; non est via talis
Jacobum
petentibus , nec sic generalis .
Ils
sont nombreux ceux qui connaissent les bienfaits
de cet hôpital ; là passent tous les pèlerins aux
tombeaux des Apôtres ; et, pour les pèlerins de
S. Jacques, il n'y a pas de voie si fréquentée.
Hospitale
hospites generosa fronte
Omni
die colligens, quamvis sit in monte,
Eos
necessariis consolatur sponte,
Que
sibi proveniunt ex predicto fonte.
Chaque
jour l'hôpital accueille ses hôtes avec générosité
; et, quoique établi sur des cimes, il les réconforte
volontiers par des secours nécessaires, qu'il puise
aux sources déjà vantées.
Porta
patet omnibus, infirmis et sanis,
Non
solum catholicis verum et paganis
Judeis,
hetereticis, ociosis, vanis,
Et,
ut dicam breviter, bonis et profanis .
Sa
porte s'ouvre aux malades et aux gens vigoureux,
et non seulement aux catholiques, mais aussi aux
païens, aux juifs, aux hérétiques, aux oisifs et
aux désoeuvrés, en un mot, aux bons et aux profanes.
Hic
fiunt sex opera que precepit Deus
Fieri
ab homine ne, cum jubileus
Annus
supervenerit, judicetur reus ,
Et
sic a fidelibus erit fariseus .
Là
s'accomplissent les six oeuvres ordonnées par Dieu
à l'homme, pour qu'en l'année jubilaire (au Ciel),
il ne soit pas condamné et séparé des fidèles.
Hujus
domus bonitas sic amplificatur
Quod
per eam Dominus sepius laudatur.
Supernorum
civium cohors gratulatur ;
Sed
catherva demonum nimis perturbatur .
Les
bienfaits de cette maison se répandent au loin ;
et le Seigneur, grâce à elle, est souvent loué.
Les cohortes célestes s'en réjouissent, mais les
légions de Satan poussent des rugissements.
In
hac domo pauperum pedes abluuntur ,
Barbe
cum rasoriis eis aufferuntur,
Lavatis
capitibus, capilli tolluntur ;
Non
est parum dicere ea que sequntur .
Là
on lave les pieds aux pauvres, on leur rase la barbe,
on leur lave la tête, on leur coupe les cheveux.
Il est long le récit des autres merveilles.
Si
videres pauperum ibi sotulares
Resarciri
corio, tunc Denm laudares ,
Domus
beneficia vocibus narrares,
Eam
totis viribus mentis adamares .
Si
vous voyiez réparer les chaussures des pauvres,
alors vous loueriez Dieu, et racontant hautement
les bienfaits de cet asyle, vous aimeriez Roncevaux
de toutes les forces de votre âme.
Quidam
stat ad januam panis portionem
Prebens
transeuntibus, nullam actionem
Preter
istam faciens et orationem,
Ut
det Deus domuy consolationem .
Toujours
quelqu'un reste à la porte, offrant du pain aux
passants, ne faisant rien autre chose que prier,
pour attirer sur la maison les consolations divines.
Hic,
qui petit, accipit munus caritatis,
Repulsam
non patitur quis a postulatis ;
Quod
largitur omnibus domus ista gratis,
Non
est opus hominis, ymo deitatis.
Ici,
celui qui demande reçoit les bienfaits de la charité
; personne n'essuie le refus dans ses prières. A
tous cette maison donne gratuitement : c'est une
œuvre, non pas humaine, mais bien de Dieu.
Plures
nutrit orphanos hec materno more ,
Eos
pie corrigens, manu, virgis, ore ,
Ut
sic discant vivere manuum labore ,
Ne
cogantur querere victum cum rubore .
Comme
une mère, elle nourrit de nombreux orphelins , les
corrige sagement, de la main, de la verge, ou par
des conseils ; ainsi ils apprendront à vivre de
leur travail manuel et à n'être pas obligés de chercher
honteusement leur subsistance.
Domus
ista providet egris somma cura,
Preciosa
quelibet que producunt rura
Eis
ultro p[roferens ; ymmo mu]lta plura
Quam
ea que [numerat nobis hec scriptura] .
C'est
une véritable providence pour les malades ; elle
leur donne les meilleurs soins ; elle leur fournit
volontiers les fruits les plus précieux de la terre
et avec bien plus d'abondance que nous ne saurions
le dire .
Mulieres,
splendida mor[um honestate],
Carentes
spurcicia et deformitate],
Eorum
se[rvicio ihi deputate],
Egros
[fovent jugiter plena pietate].
Des
femmes d'une grande honnêteté, chastes et modestes,
sont chargées de les servir ; elles soignent toujours
les malades avec un entier dévouement .
Due
sunt aptissime domus infirmorum ,
Quarum
una feminis, altera virorum
Deputatur
usibus, voluptati quorum
Presto
sunt per omnia genera bonorum .
Deux
corps de logis sont affectés aux malades ; l'un
pour les femmes, l'autre pour les hommes; ils sont
admirablement disposés pour leurs besoins et leur
bien-être.
Est
in eis camera fructibus ornata ;
Ibi
sunt amigdala et mala granata ,
Ceterorum
fructuum [genera probata] ,
Que
diversis partibus [mundi sunt creata] .
On
y voit une serre remplie de fruits variés : des
amandes, des grenades, et tous les fruits produits
dans les diverses parties du monde entier.
Infirm[orum
domibus die lux divisa] ,
No[cte
splendent lampades, ut lux matutina] ,
E[st
altare medium, in quo Catherina]
V[eneratur
jugiter, simul et Marina] .
Le
jour, la lumière divine éclaire les chambres des
malades ; la nuit, les lampes brillent comme une
aurore matinale ; au milieu se trouve l'autel où
l'on vénère Sainte-Catherine et Sainte-Marine.
In
egris perficitur opus pietatis
Requiescunt
mollibus lectis et ornatis .
Non
recedit aliquis, nisi cedat gratis ,
Donec
quis accipiat donum sanitatis .
La
compassion s'épuise en oeuvres auprès des malades.
Ils reposent sur des lits moelleux et choisis ;
tous s'en vont, sans payer, et après avoir recouvré
la santé.
Eis
diversoria ibi deputantur
Que
circumfluentibus aquis emundantur ;
Balnea
petentibus statim preparantur
Horum
ut corporee sordes abluantur .
Ils
ont des réfectoires lavés par des eaux courantes
; des bains, aussitôt préparés pour ceux qui les
demandent, purifient des souillures du corps.
Infirmorum
socii, si velint morari ,
Jubet
pater ordinis eos venerari ,
Eis
necessaria diligenter dari ,
Quousque
contigerit eos relevari .
Si
les compagnons des malades désirent rester, le Prieur
ordonne qu'on leur fasse honneur et qu'on pourvoie
diligemment à tous leurs besoins, jusqu'à complète
guérison.
Dum
eorum aliquis migrat, sepulture
Datur,
ut precipiunt leges et Scripture ;
Est
ibi basilica in qua, qui nature
Sua
solvunt debita, sunt perhenny jure .
Et
lorsque un malade vient à mourir, on l'ensevelit,
selon les prescriptions de la loi et des Saints
Livres ; il y a là une chapelle où les défunts vont
dormir leur éternel sommeil.
Mortuorum
carnibus eo quod aptatur,
A
carne carnarium recte nuncupatur.
Angelorum
agmine sepe visitatur
Ore
audientium eos hoc probatur .
On
l'appelle à bon droit carnarium (du mot chair),
parce qu'elle est destinée à recevoir les dépouilles
mortelles. Les légions angéliques y descendent souvent
; des témoins qui ont entendu leurs concerts l'assurent.
Est
hujus basilice medio preclarum
Altare,
contagia purgans animarum ;
Fit
ibi misterium regum Regi carum ,
Tenebrarum
principi nimis est amarum .
Au
milieu de cette chapelle se dresse un bel autel
où l'on prie pour l'âme des défunts ; là se célèbre
le mystère si agréable au Roi des Rois : tourment
trop amer pour le Prince des ténèbres !
Jacobite
Jacobum pie requirentes,
Sua
secum Jacobo munera ferentes ,
Sepulture
machinam circumspicientes ,
Laudes
Deo refferunt genua flectentes .
Les
pèlerins de St-Jacques allant à Compostelle, et
portant à l'apôtre leurs présents dans leurs mains,
contemplent cet ossuaire et s'agenouillent pour
prier Dieu.
Hujus
est materia undique quadrata
[Quadrature]
summitas est orbiculata
[Cujus
in pignaculo crucis] est parata
[Forma
per quam rabies hostis jacet strata .]
Ce
temple est de forme carrée, et surmonté d'une coupole
: au faite se dresse l'image de la Croix qui triomphe
de la rage de Satan.
[Verum
strenuissimus vir, rex Navarrorum ,]
[Construxit
ecclesiam hic peregrinorum ;]
[Eis
decem milium prebens solidorum]
[Duraturos
redditus et quadringentorum .]
C'est
le très vaillant roi de Navarre qui bâtit l'église
des voyageurs, en lui donnant à perpétuité les revenus
de 1,400 sous.
Hujus
regis genuit matrem imperator ;
Pater
ejus extitit Sancius bellator :
Res
sapientissimus, tocius amator
Probitatis,
hostium erat et fugator.
Un
empereur fut son aïeul maternel ; son père était
Sanche le Batailleur ; roi, plein de sagesse, ami
de toute honnêteté, et vainqueur de ses ennemis.
Domus
dicte sepius fratres et sonores
Predictorunm
omnium sunt dispensatores ;
Vitam
regulariter ducunt atque mores ,
Seculum
despiciunt et ejus honores .
Des
confrères et des soeurs administrent souvent toutes
choses en ce séjour ; ils ont une vie et des moeurs
régulières, méprisant le siècle et ses honneurs.
Custos
horum omnium dicitur Martinus ,
Vir
vite laudabilis, relut alta pinus ,
Erga
Christi pauperes late pandens sinus ;
Ejus
implet viscera spiritus divinus .
Le
gardien de ces lieux s'appelle Martin ; homme d'une
vie recommandable ; comme le sapin répand son ombre
bienfaisante, ainsi pour les pauvres du Christ ouvre-t-il
largement ses bras ; son coeur est rempli de l'esprit
divin.
Servat,
auget pauperum has possessiones ,
Sibi
pro pauperibus prebens passiones ,
Nam
celestis patrie gratulationes ,
Habentur
per maximas tribulationes .
Il
conserve, il agrandit le domaine des pauvres ; pour
eux il s'impose des souffrances, car les gloires
de la patrie céleste s'acquièrent au prix des plus
grands sacrifices.
Dedit
ei Dominus villicationem,
Petiturus
siquidem de hoc rationem ;
Cum
bene reddiderit commutationem
Dignamque
recipiet retributionem .
Le
Seigneur lui a confié ce dépôt et il lui en demandera
compte ; et lorsque Martin aura prouvé sa fidèle
administration, Dieu le récompensera dignement.
Bona
prestat plurima domus pretaxata
Que
presenti pagina non sunt declarata ,
Nisi
rimi series foret fini data
Auditori
tedium daret protelata.
Cette
maison répand beaucoup d'autres bienfaits dont on
ne parle pas ici ; mais si nous ne terminions ces
strophes rimées, le lecteur s'ennuierait en d'excessives
longueurs.
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