LE
TRIOMPHE DE COMPOSTELLE (Louis Mollaret et Denise
Péricard-Méa)
Louis
Mollaret et Denise Péricard-Méa "Le triomphe
de Compostelle",
SaintJacquesInfo
Histoire du pèlerinage à Compostelle, mis à jour
le : 29/05/2009,
http://lodel.irevues.inist.fr/saintjacquesinfo/index.php?id=113
Du
Nouveau Testament à l’Itinéraire culturel
européen,
ou
Comment bâtir un patrimoine sur des postulats erronés
Devenus
Itinéraire culturel européen en octobre 1987 et
inscrits au Patrimoine Mondial de l’humanité, les
chemins de Compostelle sont un symbole fort de la
construction européenne. Sur quoi repose ce succès
? Quelle a été l’histoire de Compostelle ? Quels
hommes, quelles initiatives, ont fait la renommée
médiévale de Compostelle et ont sorti le sanctuaire
galicien de l’oubli dans lequel il était tombé au
XIXe siècle ?
Née
au IXe siècle, Compostelle fut un pôle de la chrétienté
médiévale luttant, à la suite de Charlemagne contre
l’envahisseur sarrasin. Son histoire a été embellie
et enrichie par les érudits de la fin du XIXe, parmi
lesquels beaucoup de prêtres pensant avec nostalgie
à son lustre qu'ils croyaient définitivement perdu.
Léon XIII l'a sauvée en y reconnaissant la présence
des restes de saint Jacques. Un siècle plus tard,
Jean-Paul II lui donnait un nouvel élan alors que
des pèlerins commençaient à la redécouvrir.
Mais
Compostelle est bien plus qu'un sanctuaire de pèlerinage.
Sa place politique est importante. En Espagne, saint
Jacques y est vénéré comme saint national, patron
des Armées. Poussés par des associations dont certaines
ont rêvé de la chrétienté médiévale, des hommes
politiques s'en sont emparés pour en faire un symbole
européen. Mais n'y avait-il pas contradiction entre
la promotion d'un chemin symbolique et son exploitation
touristique et économique ? Aujourd’hui ce pèlerinage
contemporain répond à un besoin de la société que
ses promoteurs n’avaient sans doute pas soupçonné.
Son essor est réel mais au-delà des transformations
individuelles, il soulève envies et passions.
Naissance
de Compostelle et du pèlerinage
Jacques
le Majeur
Plus
que de la réalité historique, les origines de Compostelle
relèvent d’une légende tissée aux premiers siècles
du christianisme, à partir de quelques phrases du
Nouveau Testament. Dans l’Espagne médiévale, l’apôtre
Jacques le Majeur fut choisi comme patron de la
Reconquista, longue série de luttes pour chasser
l’envahisseur sarrasin. La découverte miraculeuse
de son tombeau dans la première moitié du IXe siècle
mobilisa les énergies pour la défense de la Chrétienté.
La première dimension européenne du pèlerinage est
apparue avec la Chronique de Turpin, légende du
XIIe siècle, considérée jusqu’au XVIIIe comme partie
authentique de l’histoire de France. Cette légende
est intégrée dans le Codex Calixtinus, manuscrit
conservé à la cathédrale de Compostelle, dont la
première traduction intégrale en français ne date
que de 2003. Après les chevaliers venus chasser
l’envahisseur, des pèlerins se sont rendus à Compostelle
au cours des siècles. Il est souvent écrit que le
pèlerinage a connu son apogée aux XIIe et XIIIe
siècles, ce qui est démenti par les recherches historiques.
Les
Évangiles disent peu de chose de l’apôtre Jacques
le Majeur. Ils montrent Jésus appelant les deux
frères Jacques et Jean sur les bords du lac de Tibériade.
Il leur donne le nom énigmatique de "Boanergès"
qui signifie "Fils du Tonnerre" (Mc. 3,
13-19). S’agit-il d’évoquer leur tempérament de
feu ? Sont-ils appelés à devenir des foudres de
l’évangélisation ? Est-ce pour signifier que leur
parole emplira le monde ? Un jour les deux frères
proposent à Jésus de faire tomber le feu du ciel
sur les Samaritains qui refusent de l’héberger,
mais ceci est pour Jésus l’occasion de dire qu’il
n’est pas venu apporter aux hommes la mort mais
la vie (Luc 9, 51-56). Jacques et Jean se font réprimander
lorsqu’ils demandent de siéger à la droite et à
la gauche de Jésus dans sa gloire. Ils assistent
à la Transfiguration (Mc.9, 1) et à l’agonie au
Jardin des Oliviers (Mc.14, 33). Dès le Ier siècle,
les Actes des apôtres ajoutent que le martyre de
Jacques est dû à Hérode, qui "supprima par
le glaive Jacques le frère de Jean" (12,2).
Les
origines de Compostelle
C’est
tout, mais, de siècle en siècle, de textes en textes,
s’embellit "l’histoire". Ecrits à une
date incertaine (IVe, Ve siècle ?), les Actes de
saint Jacques montrent l’apôtre propageant la foi
dans les villes de Judée, pendant dix ans. Au VIe
siècle, le pseudo-Abdias, dans son Histoire du combat
apostolique raconte la conversion par l’apôtre Jacques
du magicien Hermogène. Jusqu’au VIIe siècle, personne
ne suppose que saint Jacques soit sorti de Judée.
Le premier à émettre l’idée d’une mission en Hibernie,
ou Hibérie (ce qui désigne aussi bien l’Irlande
que l’Espagne) est précisément un Anglo-Saxon, Aldhem
de Malmesbury, qui, dans un poème, déclare que saint
Jacques "convertit le premier les Espagnols
à la foi" (Espagnols étant une traduction moderne
de Ibères). Quel pays était-ce dans l’esprit d’Aldhem
? On ne sait.
Au
VIIIe siècle, deux ouvrages attribués (tout aussi
faussement l’un que l’autre) à saint
Jérôme et à Isidore de Séville, le
"Bréviaire des apôtres" et "Naissance et mort des
Pères" reprennent l’idée d’une
prédication de saint Jacques à
l’extrémité de la terre, qu’ils situent
à l’extrême ouest du monde connu, que ce soit
l’Irlande ou l’Espagne ne changeant rien à cette
direction : "Jacques, fils de Zébédée,
frère de Jean, prêcha l’Évangile en Espagne
(Hibernie ou Hibérie) et dans les contrées occidentales,
et versa la lumière de la prédication au coucher du
monde". Dès la fin du VIIIe siècle circule dans les
milieux chrétiens un poème qui donne saint Jacques comme
saint patron à l’Espagne souffrante, et le moine Beatus de
Liebana, réfugié dans les montagnes des Asturies, le
présente comme "Chef resplendissant de l'Espagne, notre
protecteur et patron de notre pays".
C’est
sans doute à partir du XIe siècle que se dessine
l’image du saint cavalier descendant du ciel. Comme
il est d’usage, les chroniques espagnoles lui bâtissent
une légitimité remontant quelques siècles en arrière
: le saint tueur de Maures serait né au cours de
la bataille de Clavijo, sous le règne du roi Ramire
I (842-850). Peut-être cette image, aussi prestigieuse
que la croix des Croisés, n’est-elle née que pour
retenir en Espagne les Galiciens qui partaient en
foule à Jérusalem ? En 1099, le pape Pascal II somme
le clergé et le roi Alphonse VI de remédier à cet
exode. Il écrit : "nous avons interdit aux
chevaliers de votre royaume et à ceux qui veillent
sur les frontières des royaumes les plus proches
des vôtres, de se rendre à Jérusalem… Que personne
ne leur reproche ce retour comme une infamie ou
ose les accuser par quelques calomnies. À vous tous,
nous prescrivons derechef de combattre les Maures
demeurant sur vos terres, de toutes vos forces".
En
France
Jusqu'au
XIIe siècle, Compostelle n'existe que pour d'étroits
cercles s'intéressant à la politique internationale,
indissociable de la politique religieuse. On parle
beaucoup aujourd’hui de Godescalc, évêque du Puy
parti à Compostelle en 951 (dans quel but autre
que de dévotion ?). Le duc Guillaume d'Aquitaine
y vient souvent au tournant de l'an Mil, et les
moines de l'abbaye Saint-Jacques de Liège en 1056.
A partir de 1078, les Bourguignons y sont présents,
tant à la tête du comté de Galice qu'à la cathédrale
même de Compostelle.
La
chronique qui fit en France la renommée de Compostelle
est vraisemblablement née à l'abbaye de Saint-Denis
en 1119, d'une collaboration entre les tenants du
roi de France, les chanoines de Compostelle, et
le pape bourguignon Calixte II. Cette Chronique
de Turpin (du nom d’un archevêque de Reims) raconte,
quatre siècles après, l'histoire de Charlemagne,
de Roland et des chevaliers français partis délivrer
le tombeau de saint Jacques. Elle fut insérée dans
l'histoire officielle de France, et largement diffusée
dans les milieux aristocratiques, ainsi qu'en témoignent
les quelques trois cent manuscrits conservés. Reconnue
fausse au XVIIIe siècle, elle est dénommée depuis
"Chronique du pseudo-Turpin". A Compostelle,
vers 1150, elle fut incluse dans un volumineux manuscrit,
le Codex Calixtinus ou Livre de Jacques. Sa popularité
est venue de l'utilisation qui en fut faite, en
1165, lors du procès de canonisation de Charlemagne,
suivie par la diffusion ultérieure d'autres manuscrits
composés à des fins politiques.
Vers
1146, un autre appel est lancé aux seigneurs d’outre-Pyrénées,
pour qu’ils viennent participer à la lutte contre
le péril musulman. Il figure dans la chronique de
Turpin réécrite à ce moment, en se référant très
explicitement à Charlemagne. Elle indique pour la
première fois un chemin européen, au départ du palais
d’Aix-la-Chapelle. La Voie Lactée est désormais
le "chemin de Saint-Jacques". "Charlemagne
vit dans le ciel une sorte de chemin formé d’étoiles
qui commençait à la mer de Frise et, se dirigeant
entre la Germanie et l’Italie, entre la Gaule et
l’Aquitaine, passait tout droit à travers la Gascogne,
le Pays basque, la Navarre et l’Espagne jusqu’en
Galice, où reposait le corps du bienheureux saint
Jacques".
La
Chronique toute entière appelle les chevaliers à
la croisade en Espagne. Ils doivent venger Roncevaux.
Qu’importe si Charlemagne n’est jamais venu en Galice,
le texte passe dorénavant pour vrai. Les images
créées par cette fiction historique ont eu une telle
force qu’elles se sont ancrées dans la mémoire collective.
Ce très beau texte, souvent copié et remanié, a
fait rêver dans les châteaux de l’Europe entière,
et a été source d’inspiration des poètes et des
imagiers.
Le
Codex Calixtinus, le manuscrit de Compostelle
Ce
manuscrit, conservé à Compostelle et très peu recopié,
rassemble plusieurs éléments : Livre I, des sermons,
Livre II le Livre des Miracles (composé loin de
Compostelle vers 1130), Livre III l'histoire de
la Translation de saint Jacques (d'après des textes
antérieurs), Livre IV le Turpin et un Livre V, intitulé,
au XXe siècle seulement, sous le nom de Guide du
pèlerin.
Le
Codex Calixtinus a été composé, pense-t-on aujourd’hui,
pour répondre à des menaces qui pesaient sur l’avenir
de Compostelle et de la royauté de Castille-Léon-Galice
: l’occupation berbère faisait craindre un recul
de la Reconquête, et l’avènement de deux rois mineurs
(Alphonse VII et Alphonse VIII) avait fragilisé
le trône. A cela s’ajoutaient la prétention de trois
royaumes (France, Empire germanique, Castille) à
la succession de Charlemagne, trois schismes pontificaux
entre 1119 et 1160, ainsi que des tensions entre
Augustins, Clunisiens et Cisterciens qui fragilisaient
l’Eglise. Pendant ces années cruciales, la vassalité
des grands seigneurs d’Aquitaine fut très recherchée,
tant par la France que par l’Angleterre et la Castille.
Qui va l’emporter ? Les rois de Castille aidés par
les Bourguignons, les moines de Cluny et la cathédrale
de Compostelle, ne ménagent pas leurs efforts.
Le
dernier Livre du Codex Calixtinus
Le
dernier Livre, Livre IV, n’a pas de titre dans ce
manuscrit, mais, dès sa première version (1132-1135),
il commence par ces mots "Quatre chemins vont
à Saint-Jacques ; ils se réunissent à Puente-la-Reina".
Ensuite ces quatre chemins y sont décrits de façon
sommaire par quelques étapes :
–
le premier, par Saint-Gilles, Montpellier et Toulouse,
va au port d’Aspe
–
le deuxième passe par Notre-Dame du Puy, Sainte-Foy
de Conques et Saint-Pierre de Moissac
–
le troisième, par Sainte-Madeleine de Vézelay, Saint-Léonard
en Limousin et Périgueux
–
le quatrième, par Saint-Martin de Tours, Saint-Hilaire
de Poitiers, Saint-Jean d’Angély, Saint-Eutrope
de Saintes et Bordeaux ».
Dans
la suite du texte de ce Livre IV, on retrouve des
descriptions plus ou moins longues de ces lieux,
à l’exception de Montpellier, Notre-Dame du Puy
et l’abbaye de Moissac dont il n’est dit mot. En
revanche sont ajoutées des descriptions de lieux
non mentionnés au début : Arles, Saint-Guilhem,
Saint-Thibéry, Orléans, Blaye et Belin.
Les
"foules" de pèlerins médiévaux. 1.
Le
tombeau d’un apôtre ne pouvait manquer d’attirer
les visiteurs qui pouvaient effectuer le voyage.
Celui de saint Jacques devait d’abord être défendu,
et Compostelle était à la tête de la reconquête
de l’Espagne sur les Sarrasins. Les premiers pèlerins
furent les chevaliers, à la suite de Charlemagne.
Vrais ou faux, réels ou imaginaires, d’autres après
eux ont fréquenté les routes de Compostelle : ceux
du Moyen Age vivent leur dévotion en même temps
qu’ils guerroient, commercent ou s’amusent, ceux
du XVIe siècle sont plus concentrés sur la démarche
pénitentielle, pénétrés déjà des canons du Concile
de Trente, ceux des XVIIe et XVIIIe siècles sont
plutôt des gueux à la recherche de travail ou d’assistance.
Que de fictions a engendré la légendaire Chronique
de Turpin ! A son inspiration, juristes, biographes
et romanciers ont lancé sur le chemin des meurtriers,
des alchimistes, des compagnons bâtisseurs. Chaque
époque ayant rajouté sa touche personnelle, tous
ces pèlerins se croisent et s’entrecroisent sur
un chemin devenu labyrinthe, où il est délicieux
de se cacher pour les voir surgir, bien vivants
le temps d’un éclair.
Charles
V, à son avènement en 1365, s’affirme comme le descendant
de Charlemagne, et place sur son nouveau sceptre
une statuette de Charlemagne assortie de trois scènes
du Turpin, se présentant donc lui aussi comme le
serviteur de saint Jacques. Concrètement, il marche
sur les traces de Charlemagne en envoyant Bertrand
du Guesclin et vingt à trente mille hommes soutenir
le prétendant au trône de Castille, Henri Trastamare.
Si Charles V est un nouveau Charlemagne, du Guesclin
est un nouveau Roland, et tous ses chevaliers sont
les compagnons valeureux qui vengent encore Roncevaux.
En 1380, en reprenant le sceptre de son père, Charles
VI se place encore sous la protection de saint Jacques,
et n’hésite pas à intervenir en Espagne lorsque,
en 1386, l’ennemi anglais menace à nouveau le tombeau
de saint Jacques à Compostelle. Il est soutenu par
Jean de Montreuil qui, dans son traité "À toute
la chevalerie de France" incitait à combattre
les Anglais de la même façon que Charlemagne l’avait
fait pour les Sarrasins. Dix-huit vaisseaux quittent
la Rochelle pour aller garder Compostelle, mais,
lorsque les troupes anglaises arrivent, en nombre
supérieur, les Français prennent la fuite, peu soucieux
de finir comme Roland à Roncevaux. Un traité d'éducation,
"L’imagination de vraie noblesse", rédigé
au début du XVe siècle à l’intention des jeunes
bourguignons, explique encore qu'il est "bienséant
que les jeunes de noble lignage fassent les pèlerinages
de Jérusalem ou Saint-Jacques, et qu'en même temps
ils guerroient contre les Sarrasins et autres mécréants".
Ainsi fait un jeune savoyard, vers 1430, Jacques
de Montmayeur. Accompagné de son père, il va à Jérusalem,
à Saint-Patrick en Irlande, puis à Compostelle,
et de là, "monté sur la flotte du roi de Castille,
il conduisit à ses frais un grand nombre de valeureux
nobles combattre les Infidèles".
Les
"foules" de pèlerins médiévaux. 2.
Barret
et Gurgand, les premiers journalistes-pèlerins contemporains,
ont ancré dans les esprits l’image de millions de
pèlerins médiévaux, ces "pauvres pèlerins"
dont parlent souvent les textes du XIXe et les ouvrages
contemporains, mais que les témoignages historiques
montrent peu. Certes, les pauvres n’ont pas d’archives,
mais s’ils avaient été nombreux, des documents existent
qui le rapporteraient. Les chroniques ont assez
parlé de la "croisade des paysans" vers
Jérusalem et de certains mouvements de masse surprenants,
pour que, si des foules s’étaient vraiment pressées
sur les chemins de Compostelle, elles nous l’aient
laissé ignorer. Au Moyen Age, ce sont surtout des
nobles et des marchands qui circulent. Comment imaginer
que, sans une raison puissante, des foules de ruraux
tenus par leurs terres, leur bétail, leurs familles,
leur manque de temps, soient parties sur les routes
? Il faut être, soit bien irréaliste soit bien coupé
de ses racines paysannes, pour les imaginer. Pourtant,
les estimations circulent. En 1954, sous la plume
de Daniel Rops "Les chiffres qu’on connaît
sont à peine croyables : un demi-million de personnes
chaque année sur la route de Compostelle".
Ces estimations seront inlassablement reprises :
"Le Camino francés était parcouru, au plus
fort de la saison, par deux flots, jusqu’à deux
mille pèlerins par jour se croisant en chacun des
sept-cent-quarante-sept kilomètres séparant Roncevaux
de Santiago". Les historiens scrutent en vain
les textes, les archives de confréries, les rapports
de police, les registres de chancellerie. Là où
l’imaginaire voit des millions, ils en dénombrent
quelques centaines.
Qui
aujourd’hui n’a pas lu que saint François d’Assise
est allé à Compostelle ? Cela figure partout, même
dans les discours de Jean-Paul II. Mais l’histoire
n’en fournit pas trace. Les études franciscaines
affirment qu’il n’y est jamais allé. Cependant,
dès avant 1275, saint Bonaventure l'y envoie. Ceci
souligne l'importance déjà prise par ce pèlerinage
sur la route de la sainteté. Plusieurs biographes
de saints incluent donc un pèlerinage à Compostelle
comme un événement susceptible d’ajouter à leur
sainteté. En 1125, une Vie de saint Evermare le
fait ainsi aller en Galice… vers 695 ! Pour Pons
de Léras, moine fondateur de l’abbaye de Silvanès
en 1132, le pèlerinage se serait situé au moment
où il pensait quitter sa vie agitée de laïc pour
la vie monastique. Avant la fin de ce XIIe siècle,
Godric de Norfolk serait allé à Rome et à Compostelle
entre le moment où il a abandonné sa fonction de
marchand et celui où il est devenu ermite.
Au
XIIIe siècle, les Dominicains ont repris la très
ancienne formule du pèlerinage pénitentiel comme
moyen de lutte contre l'hérésie cathare. Le concile
de Béziers en 1246 fixe la liste des sanctuaires
choisis, parmi lesquels figure Saint-Jacques-de-Galice.
Quelques condamnations collectives ont été prononcées,
mais sans que l’on sache si elles ont été exécutées.
Souvent, les Inquisiteurs trop zélés ont été relevés
de leurs fonctions. Les pèlerins pénitentiels apparaissent
encore, mais en nombre très limité, dans les lettres
de rémission par lesquelles le roi de France accorde
grâce à certains condamnés. Cette grâce n'est donnée
parfois que sous condition d'accomplissement d'un
ou plusieurs pèlerinages. Aux XIVe ou XVe siècle,
très peu de grâces sont soumises à l’accomplissement
d’un pèlerinage à Compostelle, à peine 1 % des peines
infligées, lesquelles ne concernent que 20 % des
grâces accordées sans condition. Ces pèlerins ne
sont jamais de dangereux meurtriers, ils ont tué
par accident et leur éloignement a pour but d’apaiser
la communauté de leur ville ou de leur village.
Pèlerins
des XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles. 1.
Contrairement
à ce qui est souvent écrit dans de nombreux ouvrages,
la Réforme n’a pas sonné le glas du pèlerinage à
Compostelle. Au contraire, le sanctuaire, épargné
par les troubles que connaissait l’Eglise, était
propice à tous ceux qui recherchaient un réconfort
face au Protestantisme. Dans son journal, Claude
Haton, prêtre de Provins, écrit en 1578 une page
dans laquelle il analyse fort bien le phénomène
qui poussa en Espagne nombre de catholiques effrayés
de la montée du Protestantisme : "les catholiques…s'entremirent
à faire voyages et pèlerinages es lieux saints où
reposent les reliques et corps des saints de Paradis…
De la ville de Sens l'an dernier, y en alla plus
de vingt personnes, et de la ville de Provins en
cette présente année, bien autant et plus, en trois
bandes". Partout on parle des pèlerins de Galice,
ainsi à Mâcon où il apparaît dans trois comptes
tenus de 1578 à 1580 qu’à l’hôpital Saint-Jacques
"il convient recevoir tous pèlerins ou pèlerines
allant et revenant de Saint-Jacques de Galice".
En juin 1580, lorsque Henri III donne la commanderie
Saint-Jacques de l’Epée d’Etampes aux Capucins,
il évoque également le passage de pèlerins, bien
que l’hospitalité, selon lui, ne soit plus exercée
dans cette commanderie (si tant est qu’elle y ait
jamais été) : "Saint-Jacques-de-l’Epée où anciennement
logeaient ceux qui visitaient et allaient à Saint-Jacques
en Galice…". Les confréries patronnent nombre
de ces voyages, et le nombre de leurs membres se
gonfle de façon spectaculaire. De Limoges en 1595,
Bardon de Brun signale que ses compagnons et lui
ont fait partie de "mille et mille bandes".
De Cléry en 1592, seize confrères sont allés en
Galice, de Chalon-sur-Saône en 1598 ils sont quatre-vingt-quinze
dont quatorze femmes, d’Aire-sur-la-Lys en 1609
ils sont cent soixante-dix-sept.
Mais
tous ceux qui font le voyage de Compostelle ne sont
pas à la recherche d’un réconfort spirituel. Dès
le début du XVIIe siècle, Cervantés observe avec
lucidité "ces pèlerins, qui ont coutume de
venir en grand nombre chaque année visiter les sanctuaires
de l'Espagne, qu'ils regardent comme leurs Grandes-Indes,
tant ils sont sûrs d'y faire leur profit. Ils la
parcourent presque tout entière, et il n'y a pas
un village d'où ils ne sortent, comme on dit, repus
de boire et de manger, et avec un real pour le moins
en argent. Au bout du voyage, ils s'en retournent
avec une centaine d'écus de reste, qui, changés
en or, et cachés, soit dans le creux de leurs bourdons,
soit dans les pièces de leurs pèlerines, soit de
toute autre manière, sortent du royaume et passent
à leur pays, malgré les gardiens des ports et des
passages où ils sont visités".
Pèlerins
des XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles. 2.
En
1595, la confrérie Saint-Jacques d’Orléans met à
la disposition des confrères les notes prises par
l’un d’entre eux, J. Gouyu, lors de son voyage en
Galice en 1583. Elle commande à Robert Collot, libraire
à Orléans, un Guide du chemin qu’il faut prendre
pour aller de la ville d’Orléans au voyage de Saint-Jacques-le-Grand
en Compostelle, ville du royaume de Gallice aux
Espagnes. Plusieurs autres villes font de même dans
les années suivantes, ainsi Rouen ou Senlis. A l’extrême
fin du XVIe siècle, deux confréries distinctes séparent
à Aire-sur-la-Lys ceux qui sont allés à Compostelle
de ceux qui honorent simplement saint Jacques dans
la chapelle Saint-Jacques de la collégiale. Ils
sont 58 membres à la "grande confrérie",
250 à la petite. On arrive même en 1609 aux chiffres
respectifs de 177 et 500. Cette plus grande "affluence"
n’est d’ailleurs pas du goût de tous les Espagnols.
Les Cortés de Castille en 1523, 1525, 1528, introduisent
des contraintes pour limiter le droit d’entrée des
étrangers, et en juin 1590, Philippe II exige des
étrangers une autorisation des autorités civiles
et religieuses, ainsi que le devoir de ne pas s’écarter
du "droit chemin". En 1598, Don Cristobal
Perez de Herrera écrit vigoureusement son impression
devant cette recrudescence de pèlerins qui ne lui
convient pas du tout :
"On
voit passer et on héberge chaque année à l’hospice
de Burgos, où on leur donne à manger gratis deux
ou trois jours, huit à dix mille Français et Gascons
qui viennent dans nos royaumes à l’occasion du pèlerinage
… En France, dit-on, ils promettent pour dot à leurs
filles ce qu’ils auront amassé au cours d’un voyage
aller et retour à Saint-Jacques, comme si c’était
aux Indes, en venant en Espagne avec des pacotilles".
Vint
le temps des guerres d’Espagne avec Louis XIV et
les réglementations des pèlerinages. Chaque trêve
conclue ramène l’euphorie. Le 7 août 1660, 800 pèlerins
de Saint-Jacques, dit le chroniqueur Loret, "montrent
plus de réjouissances que jamais, car la paix avec
l’Espagne facilite le pèlerinage. Ils banquètent".
Mais peu après, le roi constate que "plusieurs
soi-disant pèlerins partent à Saint-Jacques en Galice,
Notre-Dame de Lorette et autres lieux saints hors
du royaume en quittant parents, femmes et enfants,
en laissant leur apprentissage, tout cela dans un
esprit de libertinage". Certains, dit-il, se
font mendiants tandis que d’autres "s’établissent
dans des pays étrangers où ils trompent des femmes
qu’ils épousent au préjudice des femmes légitimes
qu’ils ont laissées en France". Il ne souhaite
certainement pas voir partir des gens susceptibles
d’être enrôlés dans une armée ennemie, ce qui se
fait couramment. En conséquence de quoi il demande,
dès 1665, que ces pèlerins ne sortent du royaume
que dûment autorisés par des papiers officiels.
Sans doute pas trop obéi, il renouvelle ces obligations
en 1671 et 1686, tant ils sont nombreux. Ces réglementations
sont renouvelées par le Régent en 1717, puis durcies
encore par le Roi Louis XV en 1738. Certains ont
maille avec la police qui pourchasse les errants,
parfois même ceux qui sont munis de tous les papiers
nécessaires. On colporte en effet partout que certains
pèlerins, même munis de passeports "n’en sont
pas moins de vrais brigands". La peur du pauvre
et de l’étranger grandit avec la dureté des temps.
Quelle place occupent les pèlerins de Compostelle
dans ces masses errantes ? De l’examen des comptabilités
hospitalières de Dax ou Pau, il ressort que quantité
de ces pèlerins ne savaient même pas donner le but
de leur pèlerinage, le pourcentage des pèlerins
déclarant aller à Saint-Jacques ne dépassant pas
15 %, presque toujours réunis en petits groupes
et tous réduits à la mendicité.
Les
apports des érudits et des chercheurs
Les
curés du XIXe
De
nombreux abbés se sont intéressés à l’histoire de
Compostelle et du pèlerinage. L’abbé Pardiac est
un de ceux-ci. Dans un ouvrage paru en 1863, publié
à Bordeaux, il mentionne le souvenir d’un pèlerin
vivant encore à Moissac en 1830. "Souvenirs
[…] comme les miettes précieuses qu’il faut recueillir,
de précieux débris qui rappellent les festins du
cœur et de l’esprit les plus suaves, pour quiconque
ne vit pas seulement de pain". Pour lui, c’en
est bien fini du pèlerinage, ce pèlerin moissagais
était le dernier représentant d’une race à jamais
disparue.
Mais
c’est l’abbé Daux, historiographe du diocèse de
Montauban, qui est le plus connu des curés érudits
du XIXe ayant diffusé la nostalgie du pèlerinage
sans imaginer qu’il renaîtrait. En 1898, il récapitule
des travaux antérieurs, et rassemble des Souvenirs
historiques, anecdotiques et légendaires sur les
chemins de Compostelle, il établit une carte routière
des quatre grandes voies déduites du dernier Livre
du Codex. Son intention "n’est pas d’entraîner
à ce lointain pèlerinage, même avec le confort d’un
wagon capitonné", mais de "fixer les souvenirs
du vieux monde qui s’en va", comme il l’écrit
dans la préface de l’édition de l’année 1909, une
année de "grand Jubilé" à Compostelle.
L’abbé Daux déplorait l’oubli dans lequel se trouvait
ce pèlerinage malgré la "recognition des reliques"
faite par Léon XIII en 1884. Sans doute a-t-il contribué
au-delà de toutes ses espérances secrètes à faire
naître le pèlerinage contemporain. En 1899, il publie
"Les chansons des pèlerins de Saint-Jacques",
puis "Le pèlerinage à Compostelle et la confrérie
des pèlerins de Monseigneur Saint-Jacques de Moissac
en Quercy". Son œuvre comprend en fait beaucoup
d’emprunts à ses prédécesseurs. Ceux qui lui rendent
hommage englobent, sans le savoir, plusieurs de
ses confrères curés et érudits de la fin du XIXe,
qu’il n’a malheureusement pas tous cités.
Léopold
Delisle
En
1866, Léopold Delisle, archiviste paléographe, découvre
dans un manuscrit de la Bibliothèque Nationale la
mention du voyage à Compostelle de l’évêque du Puy
Godescalc en 951. Il publie cette découverte dans
les annales de la société savante du Puy. Elle contribuera
plus d’un siècle plus tard à faire du Puy-en-Velay
le point de départ privilégié des marcheurs qui
prennent le chemin de Compostelle. Au moment de
sa publication, l’information passe inaperçue. Le
pèlerinage de Galice est tombé en désuétude, et
personne ne pense qu’il renaîtra, et que le Puy
puisse jouer un rôle dans son renouveau. Godescalc
a été oublié, de même que la place du Puy, dans
la légende de Compostelle.
Comment
est né le Guide du pèlerin ?
Un
document redécouvert au XIXe sicle
Aujourd’hui
chacun connaît le livre de Jeanne Vielliard, intitulé
par elle le ""Guide du pèlerin",
sur lequel repose toute l’histoire contemporaine
du pèlerinage à Compostelle. D’où vient-t-il ?
Le
Codex Calixtinus et son dernier Livre restèrent
largement méconnus pendant sept siècles, contrairement
aux récits de miracles, à la Translation et au Pseudo-Turpin
qui, eux, furent très connus en Europe, souvent
rassemblés dans des manuscrits intitulés "Livre
des miracles". Il fallut attendre 1882 pour
que le Codex soit exhumé des archives de la cathédrale,
dans le cadre des études entreprises au moment de
la reconnaissance officielle du corps de saint Jacques
à Compostelle. A ce moment, le père Fita édite (en
latin) le Livre IV, dans le but évident de relancer
les pèlerinages vers Compostelle. L’opération réussit
fort bien, car ce texte excite l’imagination et
l’intérêt de tous les latinistes d’Espagne et de
la France du Sud-Ouest, en particulier des ecclésiastiques.
Ainsi, par exemple, l’évêque de Montpellier n’hésite-t-il
pas à publier l’intégralité de la lettre "Deus
Omnipotens" envoyée dans tous les diocèses
par le pape Léon XIII, par laquelle il authentifie
les reliques de saint Jacques à Compostelle.
D’emblée
et sans la moindre hésitation, ce Livre IV fut considéré
comme un guide écrit à l’intention des pèlerins,
en particulier sur la foi de sa première phrase.
Il est censé avoir été, dit l’abbé Daux, un "guide
officiel" utilisé par les "caravanes"
de pèlerins. Personne ne cherche à comprendre ni
sa diffusion ni la cause de son insertion dans le
manuscrit de Compostelle. Dès sa parution, des cartes
ont été dressées à partir des quelques indications
qu’il donne.
A
ce propos, Alexandre Nicolaï écrit en 1897, après
avoir présenté une carte des chemins en Aquitaine
: "au sujet des chemins de Saint-Jacques, il
sera peut-être oiseux pour l’avenir de chercher
à compléter davantage le réseau … ce sera sans grand
intérêt, car on ne fera que reconstituer le réseau
des communications pendant le moyen âge". Ce
sage conseil n’a pas été suivi.
A
l’origine de postulats erronés
Dès
l’édition du dernier Livre du Codex Calixtinus,
et sans la moindre étude critique, sont posés les
postulats suivants :
-
Depuis le Moyen Age, des millions de pèlerins sont
accourus pour vénérer le tombeau de saint Jacques
à Compostelle.
-
Ces pèlerins marchaient au long de quatre routes
créées pour eux.
-
Ils étaient reçus dans des établissements charitables
eux aussi créés pour eux.
Un
grand nombre d’érudits se mirent donc à chercher
ces fameux "chemins", et à tracer des
cartes qui, notons-le, ne dépassaient pas encore
l’Aquitaine. Pour retrouver les lieux capables d’abriter
ces millions de personnes, il a fallu balayer large,
et c’est ainsi que tout lieu d’hospitalité, hôpital,
commanderie, abbaye recevant des pèlerins, ou même
de simples voyageurs, balisait un chemin de Compostelle.
Avec force, on affirma que tout établissement portant
le vocable Saint-Jacques avait forcément été fondé
pour les pèlerins de Compostelle, et que toute confrérie
Saint-Jacques était une confrérie d’anciens pèlerins
de Compostelle.
Ces
postulats n’ont pas été remis en cause après la
publication de la traduction de Jeanne Vielliard,
et hélas ont encore cours aujourd’hui. Ainsi, sur
la foi des affirmations de Joseph Bédier, le savant
professeur Pierre Tisset, en 1933, ne douta pas
un instant de la position de Saint-Guilhem-le-Désert
sur le chemin de Compostelle.
En
1884, Léon XIII publie la lettre apostolique Deus
Omnipotens
Entre
1825 et 1885, 100 pèlerins par an en moyenne ont
été reçus à l'Hôpital des Rois Catholiques. Compostelle
sombrait dans l’oubli et perdait sa place de capitale
au profit de La Corogne qui s’industrialisait. En
1879, l’archevêque de Compostelle entreprit des
fouilles pour retrouver les restes de saint Jacques
dont on disait qu’ils avaient disparu en 1589. Il
découvre des restes humains, rapidement identifiés
comme ceux de l'apôtre et de ses compagnons. Les
précieuses reliques sont retrouvées. Le Vatican
est aussitôt saisi pour une reconnaissance officielle.
Après s’être entouré des précautions d’usage et
avoir consulté le Sacré Collège, le pape Léon XIII
publie en 1884 la Lettre Apostolique ou Bulle "Deus
Omnipotens", dans laquelle il répond par l’affirmative
à la question : "[…] la sentence portée par
le Cardinal archevêque de Compostelle sur l'identité
des reliques […] qu'on dit être de saint Jacques
le Majeur apôtre et de ses disciples Athanase et
Théodore, doit-elle être confirmée dans le cas et
pour le but dont il s'agit ? ". En 1886 la
crypte de la cathédrale est ouverte, et un reliquaire
y est, pour la première fois dans l’histoire de
Compostelle, proposé à la vénération des pèlerins.
Dix ans plus tard le nombre de pèlerins a doublé.
Léon XIII a sauvé Compostelle.
Des
erreurs méthodologiques certaines
La
première erreur a consisté à tout vouloir expliquer
par le chemin de Compostelle. Ce fut celle des débuts
du XXe siècle, dont Bédier et Mâle fournissent les
exemples les plus célèbres. Après la parution du
Guide du pèlerin vint la recherche des chemins à
partir d’indices considérés a priori comme des balises
des chemins. Ensuite, tout ce qui portait le vocable
Saint-Jacques fut attribué à Compostelle, et tout
pèlerin fut compris comme pèlerin de Compostelle.
C’est ainsi que la tour Saint-Jacques à Paris fut
considérée comme la première et la plus haute des
bornes du chemin, sans égard pour son histoire propre.
Un
des fondateurs de la Société, professeur à la Sorbonne,
fournit un modèle de l’enthousiasme coupable qui
s’est emparé de bien des érudits qui se sont intéressés
à Compostelle. En 1958, Elie Lambert constate que
le Guide est incomplet et que beaucoup de sanctuaires
importants n'ont pas été mentionnés
"
… comme pour Rome, tous les chemins conduisaient
à Compostelle. Il ne saurait y avoir de meilleure
preuve de l’importance considérable du pèlerinage
de Galice dans la vie générale de notre pays … les
indications qu’on y trouve sont loin d’être complètes,
et ne sauraient suffire pour bien étudier l’extraordinaire
mouvement qui conduisit vers la Galice la foule
énorme des pèlerins"
Il
s'emploie à compléter le Guide et publie, lui aussi,
une carte. Cet enthousiasme a ensuite quitté le
camp des érudits pour se répandre dans celui beaucoup
plus important, et encore moins critique, des pèlerins
et des journalistes, ce qui en a amplifié l’ampleur.
Ceci faisait écrire, à un observateur sceptique
: "les historiens dès qu’ils parlent de Compostelle
s’enivrent d’hyperboles". Mais il ne suffit
pas de parler d’histoire pour être historien. Et
il a manqué de vrais historiens pour s’intéresser
à Compostelle toujours abordée sous l’angle de l’art,
de la littérature ou du patrimoine. Il a fallu attendre
1996 pour qu’une thèse d’histoire soit consacrée
à ce sujet dans l’université française, mais dès
le colloque organisé à Bamberg en 1988, des voix
s’étaient élevées pour dénoncer ces erreurs. La
plupart d’entre elles se sont tues, écrasées par
le conformisme du discours politique convenu.
D’une
liste de sanctuaires aux cartes des chemins
Reprenant
en 1900 la carte de Nicolaï, l’abbé Daux fait remonter
jusqu’à Paris la route partant de Tours. Dans la
région qu’il connaît bien, le sud de la Garonne,
il multiplie les routes qu’il déclare principales
ou secondaires. En 1937, Francis Salet reprend cette
même technique pour l’ensemble de la France et fait
peindre aux murs du Musée des Monuments Français
à Paris une immense carte des "chemins de Saint-Jacques".
A
partir de 1960, René de La Coste-Messelière assure
la véritable promotion du Guide du pèlerin en lui
consacrant des dizaines d’articles. Inspiré par
les cartes précédentes, il en fait dessiner une
autre, en 1965, qu’il complète en y plaçant une
kyrielle d’hôpitaux, aumôneries, etc., tous les
établissements charitables sous le vocable Saint-Jacques,
et même, emporté par son élan, tous ceux qui mentionnent
qu’ils reçoivent des pèlerins. Il est à l’origine
de la pose d’une plaque au bas de la tour Saint-Jacques
à Paris, tour qu’il définit comme "la première
borne haute de cinquante-huit mètres qui marque
le point de départ vers Compostelle". Première
flèche jaune du balisage, bientôt suivie de millions
d’autres, plus nombreuses que les pèlerins. Faisant
fi du fait que le Guide fut inconnu en France au
Moyen Age, les médias ont fini par imposer ces villes
comme points de rassemblements en tête de chemins
présentés comme historiques.
Sur
la base de ce travail, un artiste établit, au début
des années 1970, une fausse carte à l’aspect ancien,
datée de 1648. Cette carte est doublement fausse,
elle n’est pas de 1648 mais de 1970, elle ne représente
pas des chemins de Compostelle. Elle est néanmoins
diffusée par tous les Musées nationaux.
Des
initiatives politiques, individuelles et associatives
Des
initiatives françaises
Saint
Jacques apôtre est un saint ancré dans la conscience
des Espagnols. Il est populaire, mais aussi vénéré
solennellement par les autorités publiques chaque
année. Cette caractéristique de la vie espagnole
a été utilisée à plusieurs reprises dans l’histoire
pour créer ou renouer des liens entre la France
et l’Espagne.
En
1934, des intellectuels français créent l’association
France-Espagne, sous le haut patronage de M. Edouard
Herriot et de M. l’ambassadeur d’Espagne. Elle a
pour but, selon ses statuts, " le développement
des relations intellectuelles, artistiques et économiques
entre la France et la République espagnole, ainsi
que l’étude, dans un esprit de concorde et d’amitié,
de toutes les questions pouvant intéresser réciproquement
les deux nations".
Sa
première action est l’organisation d’un pèlerinage
à Compostelle avec le soutien du ministère des Affaires
Etrangères. Voici un extrait du rapport du consulat
de France à la Corogne : "Excursion d’intellectuels
français en Galice, …Excursion présidée par le sénateur
ex-ministre Mario Roustan et Jean Camp, agrégé d’université,
composée d’une quarantaine d’excursionnistes distingués
… Les ayuntamiento se sont partout fait un plaisir
de réserver aux visiteurs un accueil des plus chaleureux.
Ils venaient en dernier lieu de Santiago de Compostelle
après avoir parcouru les principales villes de la
Galice".
L’année
1938 voit l’organisation d’un autre grand pèlerinage
à Compostelle. Charles Pichon, journaliste à l’Echo
de Paris, devenu président du comité France-Espagne,
organise un pèlerinage de 300 personnes à Compostelle.
C’est le premier grand pèlerinage contemporain.
Il raconte lui-même bien plus tard : "la guerre
civile sévissait alors en Espagne, mais son issue
ne faisait pas de doute … se détache soudain un
nom prestigieux, auréolé de la brume dorée des plus
anciennes histoires, Compostelle ! ".
Dans
les archives du ministère des Affaires étrangères
pour l’Ambassade de Madrid figure une lettre manuscrite
en date du 9 octobre 1939, signée Charles Pichon,
sur papier à en-tête "Pèlerinage national Saint-Louis
aux sanctuaires d’Espagne". En exergue, une
citation imprimée de S. Em. le Cardinal Verdier
: "Allez dans ces pays enchanteurs porter le
baiser de la France Catholique à la Catholique Espagne.
L’archevêque de Paris vous accompagne de ses souhaits
les plus affectueux et, de toute son âme, il vous
bénit".
Le
destinataire est inconnu. A cette époque l’ambassadeur
de France en Espagne est le maréchal Pétain. C’est
avec son successeur que la "propagande catholique"
proposée par Charles Pichon s’organisera.
1938,
Pie XI accorde une année sainte exceptionnelle
Compostelle
est le lieu du grand pèlerinage annuel au saint
patron du pays. La cérémonie traditionnelle du 25
juillet revêt toujours une grande importance, mais
le nombre de pèlerins reste modeste. Pendant le
second Congrès national de 1932 des Jeunesses d’Action
Catholique Espagnole fut prise la décision d’organiser
le troisième Congrès de l’association à Compostelle
pendant l’Année Sainte de 1937. En février 1936,
Manuel Aparici, son président, est reçu par le Pape
Pie XI auquel il expose le projet d’un pèlerinage
de 100 000 jeunes à Compostelle pour l’année 1937,
mais en juillet 1936 éclate la guerre civile espagnole.
La revue Signo, organe de l’association, rapporte
: "Sur l’Espagne pesait une menace. Les fils
des ténèbres prétendaient lui arracher son esprit.
Ils voulaient faire de l’Espagne une main ensanglantée
qui, avec la Russie, prendrait en tenaille l’Europe
et le monde entier et étranglerait la civilisation
chrétienne".
1937
voit, malgré la guerre civile, la reprise de l'ancienne
coutume de l'offrande à saint Jacques qui avait
été supprimée par la République. A l’approche de
la fête de saint Jacques, le 15 juillet 1937, Manuel
Aparici publie une formule de vœu de pèlerinage
adressée à tous les jeunes : "Je promets d’aller
en pèlerinage jusqu’à ton tombeau en Compostelle
quand dans la splendeur du triomphe de l’Espagne
se lèvera le jour de la paix".
C’est
dans ces circonstances que le Pape Pie XI décide
de prolonger l’Année Sainte jusqu’à 1938 en espérant
la fin de la guerre. La revue Signo relate : "A
la demande du Cardinal Gomá, de nos prélats et de
la Jeunesse de l’Action Catholique Espagnole, Sa
Sainteté le Pape Pie XI donne à l’Espagne une preuve
d’amour exceptionnelle. Pour la première fois dans
l’histoire se prolonge l’Année Sainte de Compostelle.
C’est une remarquable distinction. C’est une réponse
paternelle à une demande pleine de foi. Sa Sainteté
élargit l’Année Sainte 1937 à 1938 afin que, si
la guerre prend fin, les jeunes de l’Action Catholique
Espagnole puissent réaliser leur souhait le plus
cher, mais la paix n’est pas encore arrivée".
La
guerre civile ne prend fin qu’en 1939. Devant l’impossibilité
de réaliser un véritable pèlerinage comme il était
envisagé pour 1938, les journées du 24 et 25 juillet
sont marquées par une simple veillée de prière.
Toujours selon la revue Signo : "Le président
national de l’Action Catholique, Manuel Aparici,
lance un appel aux jeunes catholiques hispano-américains
pour qu’ils se joignent à la jeunesse espagnole
dans cette marche de pénitence. Le jour de la fête
de saint Jacques en 1938, avec les jeunes espagnols,
étaient présents à la vigile de prière des jeunes
d’El Salvador, du Guatemala et d’autres pays de
l’Amérique latine". La veillée aurait réuni
environ cent cinquante participants. Le pèlerinage
des jeunes a finalement eu lieu à l’occasion de
l’année sainte 1948.
1938,
Saint Jacques au service de Franco et le Guide du
pèlerin
Avec
la guerre civile en Espagne, saint Jacques est enrôlé
pour un nouveau combat contre des Infidèles. Il
s’agit cette fois du communisme athée. Galicien,
le général Franco fait ouvrir les archives de Compostelle
et encourage leur étude, ce qui devait raviver le
sentiment national espagnol pour une lutte contre
un nouvel ennemi de la Chrétienté, le communisme
qui prenait la place de l’envahisseur sarrasin.
La politique entre en jeu. Franco se fait représenter
en vaillant chevalier médiéval, surmonté de saint
Jacques Matamore.
C’est
dans ce contexte qu’en 1938 intervient Jeanne Vielliard
qui donne le titre de "Guide du pèlerin"
à sa traduction du dernier Livre du Codex Calixtinus.
Pourtant diplômée de l’Ecole des Chartes, elle ne
pensa pas plus que les autres à étudier sa diffusion.
Cette
même année 1938, Compostelle prit une nouvelle dimension,
des pèlerins songeant à y revenir pour recréer des
liens entre deux nations européennes séparées par
la guerre civile en Espagne. Charles Pichon, journaliste
à l’Echo de Paris, obtient du gouvernement français
l’autorisation d’emmener sept autocars, sous la
conduite des autorités espagnoles. Vingt-cinq ans
après, il se souvient : "C’était l’été 1938.
La guerre civile sévissait alors en Espagne, mais
son issue ne faisait pas de doute pour ceux qui
jetaient sur la carte des opérations un œil clair.
Et parmi eux, les hispanisants, les amis de l’Espagne,
se posaient des questions sur l’avenir des relations
franco-espagnoles au lendemain de la décision militaire…
se détache soudain un nom prestigieux, auréolé de
la brume dorée des plus anciennes histoires, Compostelle
! ".
Dans
les années sombres
Vint
la guerre en France. Durant toutes les années de
guerre, Charles Pichon s’est ensuite efforcé de
promouvoir des pèlerinages comme symboles de Paix
entre peuples européens en guerre. Il n’était pas
le seul. Tous les intellectuels français qui avaient
travaillé avec l’Institut français de Madrid se
sentaient concernés.
Les
relations avec l’Eglise d’Espagne permettaient de
contrer l’influence allemande auprès d’un corps
social plus facile à sensibiliser à la critique
du nazisme anti-chrétien. Compostelle ne fut pas
le seul pèlerinage utilisé pour ces relations. Plusieurs
projets délirants de pèlerinage international
pour la paix visitant divers sanctuaires en Italie,
France et Espagne sont échafaudés par Charles Pichon.
Dans la période de guerre que vit la France, ils
ne peuvent aboutir. Deux pèlerinages verront néanmoins
le jour. Le premier, en mai 1940, un pèlerinage
à Notre-Dame du Pilar, à Saragosse, conduit par
le cardinal Suhard dont l’ambassade rend compte
en ces termes : " [ …] les pèlerins qui ont
défilé dans les principales artères de la ville
ont reçu un accueil enthousiaste de toute la population.
Des cris Vive la France et Vivent les Français fusaient
de toute part [ …] le Cardinal Suhart, archevêque
de Paris précédait la procession et bénissait la
foule avec une telle majesté dans l’allure et une
telle bonté dans le regard que la foule entière
l’acclamait… La Phalange germanophile qui voulait
saborder cette manifestation a été priée officiellement
de se tenir tranquille et 800 gardes assuraient
l’ordre. Deux personnalités de Saragosse n’ont pas
craint de se compromettre [ …].Remerciements à l’abbé
Boyer du Mas, du ministère de l’information et le
maire de Pau. [ …]dès le lendemain, protestations
officielles de l’Ambassade d’Italie et de celle
d’Allemagne[ …]. Le Gouvernement espagnol décommande
une seule réception officielle, celle de la fête
de la jota"..
En
1941 un pèlerinage est organisé pour le 8 septembre
à Notre-Dame de la Peña. Il est annoncé ainsi par
l’Agence Havas, le 30 août 1941 : "Le Maréchal
t procédera lundi à l’hôtel du Parc, à la remise
d’un drapeau qui partira prochainement pour l’Espagne.
Ce pèlerinage qui sera organisé par le comité de
Saint Louis et Saint Ferdinand comprendra, outre
les personnalités parmi lesquelles [ …] de l’Académie
française et 30 jeunes gens et jeune filles, dirigeants
des Mouvements de la Jeunesse de la Révolution Nationale.
Ce drapeau reproduit l’image des deux rois Soldats
qui étaient cousins germains, saint Louis et saint
Ferdinand".
Prévus
parmi les personnalités, l’évêque coadjuteur de
Toulouse et Charles Pichon sont refoulés à la frontière.
L’ambassade rend compte en ces termes : "[
…]accueil inattendu par son empressement et sa cordialité
que les formations des jeunesses phalangistes et
catholiques ont fait à leurs camarades français"..
Enfin
un dernier pèlerinage des années de guerre a été
organisé en 1943, auquel ne participèrent que des
français résidant en Espagne, conduits par l’ambassadeur
de France. Depuis Vichy, le maréchal Pétain l’envoie
porter à Compostelle un ciboire d’argent massif
qu’il offrait à la cathédrale (ce ciboire, dû à
la maison Puiforcat, est encore dans le Trésor de
la cathédrale). Et l’Ambassadeur conclut : "Ces
opérations resteront bien modestes au regard de
l’ensemble des questions du ressort de cette ambassade
mais elles ont sans doute marqué des esprits".
Succession
et continuité
En
1948 qui est une année sainte, la réouverture des
frontières permet de répondre à l’invitation de
l’Action catholique espagnole qui souhaite y réunir
100 000 jeunes dans un pèlerinage pour la paix.
Selon la revue Signo, plus de 60 000 jeunes pèlerins
sont arrivés à Compostelle à pied ou dans les 900
camions qui les ont transportés. A partir de 1948,
commémorations et pèlerinages se succèdent.
En
1950 est fondée à Paris, la "Société des amis
de Saint-Jacques", qui regroupait ces intellectuels
catholiques hispanisants. Le premier président est
Jean Babelon, conservateur à la Bibliothèque Nationale.
Jeanne Vielliard en fait également partie, et Charles
Pichon figure parmi les membres du Conseil d’Administration.
L’action d’intellectuels catholiques français issus
des milieux diplomatiques va donc se prolonger au
sein de cette association en lien avec des universitaires.
Parmi les membres d’honneur on peut noter la présence
de Monseigneur Martin, l’ancien évêque du Puy, devenu
archevêque de Rouen, Paul Guinard, directeur de
l’Institut français de Madrid, Maurice Legendre,
ancien conseiller culturel de l’ambassade jusqu’en
1943. L’année 1951 est celle du millénaire du voyage
de Godescalc, évêque du Puy. Mgr Blanchet, recteur
de l'Institut Catholique de Paris, conduit un pèlerinage
organisé par Charles Pichon. Il est parti de la
tour Saint-Jacques dont on croyait à l’époque qu’elle
était un point de départ de pèlerins. En 1954, à
l’occasion de l’année sainte, le Mouvement international
pour la paix Pax Christi organise un important pèlerinage
auquel participe son président Mgr Feltin, archevêque
de Paris, accompagné d’une importante délégation.
La presse nationale française s’en fait l’écho en
publiant des extraits des discours appelant à la
lutte contre le communisme. En 1962, la célébration
solennelle du millénaire de la consécration de la
chapelle de Saint-Michel l’Aiguilhe est une occasion
de resserrer les liens entre Compostelle et Le Puy.
Le cardinal archevêque de Compostelle préside la
cérémonie.
L’emballement
collectif
René
Frottier de La Coste-Messelière
Les
fondateurs de la Société sont rejoints, quelques
années après sa création, par le marquis René Frottier
de La Coste-Messelière, qui devient président en
1978, à la mort de Jean Babelon. L’année sainte
1965 est celle d’une véritable explosion d’initiatives
de la Société des amis de Saint-Jacques sous son
impulsion. La principale manifestation est une grande
exposition aux Archives Nationales, "Pèlerins
et chemins de Saint-Jacques en France et en Europe",
pour laquelle tous les services d’archives départementales
de France ont été mobilisés pour une enquête nationale.
Elle montre pour la première fois au public plus
de 700 objets des collections nationales et connaît
un très grand succès. La même année sont organisées
des chevauchées internationales vers Compostelle
et la participation aux manifestations à Compostelle.
L’Espagne s’associe aux cérémonies organisées à
Paris, et offre à la ville une plaque commémorative
apposée sur la tour Saint-Jacques. Celle-ci devient
la preuve qu’une erreur historique peut être durablement
gravée dans le marbre, car les historiens n’ont
jamais pu prouver l’hypothèse de l’époque faisant
de ce lieu un lieu de rassemblement de millions
de pèlerins en partance vers Compostelle.
Les pèlerins
modernes s’y retrouvent pour le départ, et le café
restaurant le Saint-Jacques appose son cachet sur
les carnets de pèlerins. De façon anecdotique on
note, pour cette année 1965, que le bulletin de
la Société annonce "qu’un membre de l’association
part du Puy à pied". Le pèlerinage à pied ne
redeviendra vraiment d’actualité qu’un quart de
siècle plus tard, mais l’élan est lancé, et son
promoteur consacrera le reste de son existence à
la promotion de Compostelle et à sa reconnaissance
européenne. Il tentera, sans succès, de rassembler
sous la houlette de la Société les associations
de pèlerins qui se créent en France, et engagera
des actions de recherche, en particulier en histoire,
pour valider ses hypothèses sur les chemins en France.
C’est à lui que l’on doit la formalisation des journées
de la France à Compostelle, et l’idée de faire de
Compostelle un symbole européen.
Il
fut, jusqu’à sa mort, le personnage-clé de la promotion
des chemins en France et en Europe. Dans un enthousiasme
coupable, en 1967, il déclarait, lors d’une exposition
commémorant le 300e anniversaire de l’hôpital de
Cadillac-sur-Garonne : "Depuis le Moyen Age,
la dévotion à la tombe de saint Jacques a jeté sur
les routes des millions d’hommes et de femmes… Il
fallait pourvoir aux besoins de ces foules… Ainsi
naquirent des établissements tenant de l’hospice,
du gîte d’étape et de l’hôpital, formant un véritable
réseau hospitalier et constituant des éléments fondamentaux
de l’histoire des hôpitaux… Ce réseau hospitalier
qui trouve son origine dans le pèlerinage de Compostelle
couvre toutes les contrées qui forment aujourd’hui
les pays occidentaux… Il devient particulièrement
dense des pays de Loire jusqu’à la Galice".
Pas
plus que Jeanne Vielliard, cet ancien élève de l’Ecole
des Chartes n’a jamais songé à faire une étude critique
du Guide du pèlerin qu’il a d’emblée accepté comme
tel, et dont il disait qu’il était "la source
de tout".
Retour
aux racines
Les
mouvements de 1968, avec les idées de retour aux
racines, font redécouvrir les vertus de la campagne
et de la marche à pied. La Fédération Française
de Randonnée Pédestre publie en 1972 le premier
fascicule "Le Puy-Aubrac" du sentier de
Saint-Jacques. Là encore, le tracé en a été défini,
non pas en retrouvant les routes médiévales, mais
en joignant d’un trait les chapelles Saint-Jacques,
les statues, les coquilles… et les aubergistes qui
acceptaient de recevoir des pèlerins (plutôt considérés
comme des parasites à cette époque). Vinrent le
choc pétrolier de 1973 et les premiers chômeurs,
suivis par les premières mises à la retraite anticipée.
Ils ont certainement contribué à grossir les rangs
des marcheurs et des baliseurs de chemins… C’est
ensuite une succession de dates qui mène directement
à l’engouement actuel.
En
1977, deux journalistes, Pierre Barret et Jean-Noël
Gurgand, entreprennent un pèlerinage à Compostelle
depuis Vézelay. L’année suivante, leur livre "Priez
pour nous à Compostelle" est un succès qui
lance la médiatisation du pèlerinage. La quatrième
de couverture de cet ouvrage sera reprise par toute
la presse, propageant des idées qui deviendront
des certitudes. Ce livre reste un des meilleurs
livres sur le pèlerinage, bien qu’il ne soit pas
à jour du point de vue historique. A partir de 1981,
la Galice nouvellement autonome œuvre à la renaissance
du pèlerinage
En
1982, Jean-Paul II se fait pèlerin de Saint-Jacques
En
1982, l’année suivant l’autonomie de la Galice,
le pape Jean-Paul II se fait lui-même pèlerin de
Compostelle. Dans le discours qu’il prononce à l’occasion
de ce pèlerinage, il souligne le caractère privilégié
de Compostelle pour la jeune Europe, et lui lance
un vibrant appel pour qu’elle retrouve ses racines
chrétiennes : " … ô vieille Europe je te lance
un cri plein d’amour : retrouve toi toi-même, sois
toi-même, découvre tes origines, renouvelle la vigueur
de tes racines, revit ces valeurs authentiques qui
couvrirent de gloire ton histoire et firent bénéfique
ta présence dans les autres continents".
En
1989, Jean-Paul II donne un nouvel élan au pèlerinage
à Compostelle en y conviant les Jeunes pour les
quatrièmes Journées Mondiales de la Jeunesse.
Une
initiative espagnole qui conduit au symbole européen
La
demande des Amis des châteaux
L’idée
de faire de Compostelle un symbole européen était
dans les esprits, en particulier sous l’impulsion
de René de la Coste-Messelière. Mais la dynamique
européenne en faveur des chemins de Compostelle
a été lancée en 1982 par l’association espagnole
Amigos de los Pazos.
Dans
un projet de recommandation adressé au président
de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe
cette association propose de reconnaître le Chemin
de Saint-Jacques comme un "bien culturel commun
de l'Europe" et d'élaborer un plan d'action
en faveur du chemin de Compostelle. Voici le texte
de la lettre du Président de l'Association Amigos
de los Pazos au Président de l'Assemblée (10 mars
1982):
"L'Association des Amigos de los Pazos
(amis des châteaux) est un organe s'occupant de
la défense du patrimoine artistique qui, en reconnaissance
de ses activités, a été déclaré d'utilité publique
par le Gouvernement espagnol. Depuis 1980, cette
association a mené une campagne active en faveur
de Saint-Jacques-de-Compostelle et de son chemin,
ce qui a permis la mise en chantier de onze projets
de restauration de monuments et la commande d'un
plan d'urbanisme pour Saint-Jacques. Les Amigos
de los Pazos, estimant que le Chemin de Saint-Jacques
revêt une dimension internationale et constitue
un bien commun à tous les Européens, car il fait
partie de leur patrimoine artistique et religieux,
constitue un moyen de communication entre tous les
peuples d'Europe, et occupe même d'importantes pages
de leur histoire, s'adressent à vous afin qu'en
votre qualité de Président de l'Assemblée parlementaire
du Conseil de l'Europe, vous portiez cette demande
à la connaissance de la commission compétente, ce
qui permettra après l'élaboration d’un rapport sur
ce sujet, son examen en séance plénière par l'Assemblée.
Nous demandons à cette Assemblée : de reconnaître
le Chemin de Saint-Jacques comme un "bien culturel
commun de l'Europe" en raison de la richesse
de son patrimoine artistique des valeurs spirituelles
qu'il incarne, et du fait qu'il a constitue un des
premiers éléments de communication entre les peuples
d’Europe ; de recommander aux Etats membres de procéder
à la restauration des monuments jalonnant le chemin
qui le nécessitent ; de recommander aux Etats membres
d'encourager la réalisation d'études et de recherches
consacrées au Chemin de Saint-Jacques et la diffusion
des valeurs qu'il incarne".
Un
intérêt pour les itinéraires internationaux de pèlerinage
L'Assemblée
Parlementaire du Conseil de l'Europe soumit la question
à la Commission de la culture et de l'éducation.
Celle-ci présenta un projet de recommandation (doc.
5196) en mars 1984. Le 28 juin 1984, dans sa trente-sixième
session ordinaire, la Commission Permanente, agissant
au nom de l'Assemblée, adopta la recommandation
987 relative aux itinéraires européens de pèlerinage.
Ce document ne cite ni étude ni consultation d'historiens
à l'appui des nombreuses affirmations qui ont orienté
ses propositions. Il mit en évidence la place particulière
du chemin de Saint-Jacques, et recommanda de "s'inspirer
de son exemple comme point de départ d'une action
relative à d'autres itinéraires de pèlerinage".
L’exposé des motifs de cette recommandation montre
le rôle important joué par les autorités espagnoles,
relayées par la Société des amis de Saint Jacques
de Paris, au profit des chemins de Compostelle.
Mais elle souligne néanmoins l'intérêt de la Commission
pour "d'autres lieux et d'autres routes de
pèlerinage". En voici des extraits :
"
[ …] en s'inspirant de l'exemple du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle,
l’Assemblée recommande :
-
d'encourager une coopération entre les Etats membres
[…] préserver les itinéraires internationaux de
pèlerinage
une
action concertée en vue de faire figurer les itinéraires
les plus significatifs et leurs monuments sur le
répertoire du Patrimoine mondial de l'UNESCO
-
de demander aux gouvernements des Etats membres
d'encourager les villes situées sur des routes de
pèlerinage à coopérer à des activités communes
-
de promouvoir le tourisme culturel le long de ces
itinéraires [ …]
-
d’autoriser l'utilisation d'un emblème spécial du
Conseil de l'Europe par les villes et les institutions
qui participent à la sauvegarde et à la promotion
des itinéraires de pèlerinage".
Il
faudra attendre 1987 pour que soit précisée la notion
d'Itinéraire culturel Européen dans une déclaration
politique, et 1989 pour qu’un premier congrès scientifique
soit organisé sur le thème des Chemins de Saint-Jacques
de Compostelle. Ce congrès arrivait trop tard pour
que les voix des scientifiques soient écoutées.
Entre temps, une importante manifestation internationale
en l’honneur de l’Espagne entrant dans l’Europe
institutionnelle avait appelé l’attention sur Compostelle.
Le
festival Europalia de 1985
En
1985, à la veille de l’entrée de l’Espagne dans
le Marché Commun, le festival Europalia qui a lieu
tous les deux ans depuis 1969 est consacré à ce
pays. Dans ce cadre, une importante exposition est
organisée à Gand sous le titre : "Santiago
de Compostela, 1000 ans de Pèlerinage Européen".
Plus de 600 pièces y sont exposées couvrant tous
les aspects du pèlerinage compostellan, depuis les
recherches archéologiques jusqu’aux témoignages
les plus divers du culte rendu à saint Jacques.
Le catalogue de l’exposition, de près de 500 pages,
présente de nombreuses illustrations et une abondante
documentation. Il comprend également seize articles
présentant l’état des connaissances dans les différents
domaines relatifs au pèlerinage. Tout ce qui a été
dit ou écrit sur le pèlerinage depuis 20 ans s’y
trouve officialisé, et des clichés se trouvent confirmés
: Compostelle n’a cessé de drainer des nuées de
fidèles; les villes du chemin organisèrent un réseau
serré de refuges; Compostelle creuset de la civilisation
européenne; Compostelle carrefour d’échanges et
d’idées. Néanmoins des idées nouvelles apparaissent
: il y a des reliques de saint Jacques ailleurs
qu’à Compostelle ; l’histoire et de la légende sont
intimement mêlées dans le discours sur Compostelle
et son pèlerinage ; les transports par mer, débarquant
à La Corogne leurs contingents de pèlerins ont eu
de l’importance. Ce document amorce aussi une réflexion
sur les chemins. En cette même année 1985 est mis
en place par le Conseil de l'Europe un comité d'experts
dont tout le travail, très influencé par René de
La Coste-Messelière, est basé sur le Guide du pèlerin
Les
chemins de Compostelle seul itinéraire de pèlerinage
reconnu
Premier
Itinéraire Culturel Européen du Conseil de l'Europe
Le
23 octobre 1987, les chemins de Compostelle sont
solennellement déclarés "Premier Itinéraire
Culturel Européen du Conseil de l'Europe".
Voici un extrait de la déclaration solennelle faite
à cette occasion :
"L’identité
culturelle est, aujourd'hui comme hier, le fruit
de l'existence d'un espace européen chargé de la
mémoire collective, et parcouru de chemins qui surmontent
les distances, les frontières et les incompréhensions.
Le
Conseil de l'Europe propose la revitalisation de
l'un de ces chemins, celui qui conduisait à Saint-Jacques
de Compostelle. Ce chemin, hautement symbolique
dans le processus de construction européenne, servira
de référence et d'exemple pour des actions futures".
Le
Conseil fait appel aux autorités, institutions et
citoyens pour :
"1.
Poursuivre le travail d'identification des chemins
2.
Etablir un système de signalisation
3.
Développer une action de restauration et de mise
en valeur du patrimoine architectural et naturel
situé à proximité de ces chemins.
4.
Lancer des programmes d'animation culturelle afin
de redécouvrir le patrimoine historique, littéraire,
musical et artistique créé par les pèlerinages à
Saint-Jacques de Compostelle
5.
Promouvoir l'établissement d'échanges permanents
entre les villes et les régions situées le long
de ces chemins
6.
Stimuler, dans le cadre de ces échanges, la création
artistique culturelle contemporaine".
Là
se trouve le point de départ de l'extension contemporaine
du pèlerinage et le tracé de nombreux itinéraires
en Europe. Les intentions exprimées en 1984 par
la Commission de la culture et de l’éducation n'ont
pas été pas suivies d'effet pour les itinéraires
de pèlerinage autres que Compostelle. Entre 1984
à 1987, les chemins de pèlerinage ont été réduits
au "tout Compostelle" qui sévit encore
aujourd'hui. Les visées initiales ont été dénaturées,
mais, nous le verrons, les esprits évoluent, fût
ce lentement.
De
l´itinéraire symbolique aux chemins balisés
Alors
qu’en 1984 la Commission de la Culture s’intéressait
à tous les itinéraires de pèlerinages, en faisant
seulement des chemins de Compostelle un modèle,
la décision de 1987 reconnaît ce modèle comme "hautement
symbolique". Et simultanément elle crée un
emblème spécial pour baliser des itinéraires qu’il
reste à définir.
Sans
le moindre souci d'authenticité, de nouvelles cartes
furent tracées. Elles prolongeaient arbitrairement
les quatre routes de France en amont par huit ou
neuf routes européennes. Le caractère illusoire
des cartes, reconnu pour l'Aquitaine par Alexandre
Nicolaï et pour la France par Elie Lambert, l'est
encore plus pour l'Europe. Le Conseil de l'Europe
avait vu le caractère symbolique de ces chemins
en faisant d'eux un "Itinéraire Culturel"
immatériel, mais simultanément il a défini un logo
pour le balisage, et encouragé la publication d'un
guide et d'une carte conduisant à des actions de
terrain sans base historique sûre. Les historiens
qui à l'époque ont plaidé pour une méthodologie
sérieuse dans la recherche des itinéraires n'ont
pas été écoutés. Des tronçons entiers de ces chemins
sont maintenant classés au titre de patrimoine mondial
de l'humanité, au prétexte qu'ils sont historiques.
Cette
reconnaissance officielle est une manifestation
contemporaine d'un comportement tout médiéval, du
passage d'un mythe à la réalité. En effet, rien
ne prouve que les quatre routes ni leurs prolongements
n'aient jamais vu passer plus de pèlerins que les
autres. Certes, Vézelay, Tours, Arles ou Le Puy,
ont vu converger vers elles, à certaines dates,
des foules de pèlerins venus honorer spécialement
ici Marie-Madeleine, là saint Martin, là saint Trophime
ou saint Césaire, là enfin une merveilleuse Vierge
Noire. Mais l'histoire n'a jusqu'à présent livré
aucune trace de grands départs pour Compostelle
à partir de ces villes. Considérant les itinéraires,
l'Europe a oublié les pèlerins bien réels qui les
ont parcourus. Elle aurait pu susciter une grande
étude aboutissant à une base de données sur les
pèlerins de Saint-Jacques de Galice qui l'ont parcourue.
Elle a laissé poser sa marque de façon désordonnée
sur quantité de chemins qui n'ont rien à voir avec
Compostelle.
La
lente maturation du pèlerinage contemporain
Malgré
les regards tournés vers Compostelle par toutes
ces initiatives, le pèlerinage reste affaire de
petits nombres de personnes dans les premières années
suivant cette déclaration. Il faudra attendre l’année
sainte 1993 pour voir le nombre de pèlerins enregistrés
à Compostelle croître de façon considérable et atteindre
presque les 100 000, puis 1996 pour dépasser 10
000 pèlerins dans l’année. On assiste ensuite à
une expansion imprévue et continue du pèlerinage.
L’inflation du nombre de pèlerins sur le Camino
francés conduit à la redécouverte d’anciens chemins
en Espagne et au Portugal pour gagner la Galice.
Mais
le discours reste encore très largement orienté
par Compostelle. Les médias ne s’intéressent qu’à
ce qui plaît à leur lectorat, et répètent inlassablement
les mêmes histoires et les mêmes clichés. Peu de
sanctuaires de pèlerinage anciens n’osent s’affirmer
comme tels sans référence à Compostelle. Rocamadour
paraît faire exception qui se présente "comme
Compostelle", et non pas comme une étape sur
le chemin de Galice.
L’inscription
au Patrimoine Mondial de l’UNESCO
Inscription
de sites ou villes de France
Vingt
sites ou villes de France ont l’insigne honneur
de figurer dans le manuscrit du XIIe siècle, connu
depuis 1938 sous le nom de Guide du pèlerin. Huit
siècles plus tard, les noms de ces vingt lieux inscrits
dans ce document historique ont été portés sur la
liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO, au titre
des chemins de Compostelle… à l’exclusion de six,
parmi lesquels Montpellier, Saint-Thibéry Tours,
Orléans, Blaye et Belin. Pourquoi cet ostracisme,
alors que, dans l’Hérault fut inscrit le pont du
Diable et, non loin de là, le dolmen de Pech-Laglaire
à Gréalou, dans le Lot ?
Cette
incohérence est la conclusion d’une histoire totalement
mythique, écrite depuis un siècle, ayant abouti
à la naissance, bien réelle, des chemins d’aujourd’hui.
Il est intéressant et utile de comprendre la genèse
de cette histoire pour sortir du discours stéréotypé
et banal présenté en chacun de ces lieux, et mettre
en valeur la richesse d’histoires originales et
de légendes locales liées à saint Jacques, voire
même à Compostelle.
Contrairement
au vœu exprimé par le Conseil de l’Europe d’une
action concertée entre pays européens, les inscriptions
au patrimoine mondial se sont faites en ordre dispersé.
Le Camino francés a été classé au Patrimoine mondial
de l’UNESCO dès 1993 grâce à une action vigoureuse
des autorités espagnoles, car 1993 était une année
sainte. Les premières foules de pèlerins contemporains
apparaissent réellement (près de 100 000 pèlerins).
Historique
de l'inscription
En
France l’enthousiasme de l’administration était
moindre. Les raisons d’une inscription l’étaient
sans doute encore moins. Si le pèlerinage de Compostelle
est une réalité incontestable en Espagne, et le
chemin qui y conduit historiquement attesté, l’existence
de chemins de Saint-Jacques en France est loin d’être
établie. Les nombreux sanctuaires mentionnés avaient
des cultes et une existence propres. Néanmoins,
en 1998, la France propose à son tour un dossier
de classements au Patrimoine Mondial de l’UNESCO
au titre des chemins de Compostelle. La manière
dont se sont effectués les choix est assez surprenante
: le ministère de la Culture avait déposé des dossiers
de demandes en 1997, dossiers censés s’appuyer sur
l’Histoire, mais établis sans la participation d’aucun
historien. Des inspecteurs de l’ICOMOS (International
Council On Monuments and Sites) ont fait des enquêtes
auprès des trois organismes choisis, pour vérifier
si les demandes correspondaient bien aux critères
fixés par l’UNESCO.
Ces
trois organismes étaient :
-
la Société des Amis de Saint-Jacques à Paris qui
a délégué trois personnes : deux anciens pèlerins,
l’un ancien ingénieur, l’autre marchand de chaussures,
et la secrétaire de René de La Coste-Messelière,
décédé en 1996. Aucun n’a remis en cause quoi que
ce soit.
-
la Fédération Française de Randonnée Pédestre dont
les membres délégués étaient des marcheurs (aucun
d'eux ne se doublant d’un historien professionnel).
-
l’Association interrégionale des chemins de Saint-Jacques,
organisme politique qui n’avait aucune connaissance
historique propre à être mise en perspective touristique.
Il
en est résulté une liste de soixante-et-onze monuments
et sept tronçons du chemin du Puy, inscrits au Patrimoine
Mondial "au titre des chemins de Compostelle".
Leur choix est rien moins que discutable, eu égard
à la relation avec Compostelle : outre le Pont du
Diable et le dolmen déjà cités, la ville du Puy
fournit un autre exemple. Là, pour satisfaire aux
critères de l’ICOMOS, l’hôtel-Dieu fut baptisé Saint-Jacques,
affirmation fausse, doublée de celle qui le prétendit
fondé pour les pèlerins de Compostelle, alors qu’il
était sous le vocable Notre-Dame, et qu’il fut fondé
pour accueillir les pèlerins du Puy. Pourquoi Montpellier,
par exemple, capitale languedocienne, fut-elle oubliée
dans cette liste surabondante ? Est-ce par ignorance
de son patrimoine jacquaire ? Est-ce à cause de
l’absence d’un monument sur lequel apposer une plaque
? Est-ce la trace de quelque conflit politique contemporain
? Aucun document ne permet d’en juger.
Mais
il y a pire que ces erreurs ou approximations. Depuis
10 ans des plaques sont apposées sur les monuments,
avec l’assentiment de l’UNESCO, affirmant que les
chemins de Compostelle en France sont inscrits par
l’UNESCO au Patrimoine Mondial de l’humanité. Voilà
comment est menée une action prétendument culturelle.
Et tout le monde trouve normal qu’un fois de plus
le public soit trompé. Peut-être parce que chacun
sait que, de toute façon, rien n’est vrai s’agissant
de Compostelle, et que les touristes "ont besoin
de bons gros mythes", comme nous le disait
récemment un responsable culturel local passablement
désabusé par toutes ces actions soit disant culturelles
qui servent des intérêts tout autres. Cette inscription
annoncée comme globale alors qu’elle n’est que partielle
s’inscrit bien dans la tradition des légendes de
Compostelle.
Des
études historiques sérieuses qui arrivent trop tard
Quelques
voix
Dans
tout ce qui précède, aucune mention d’un travail
historique obligatoirement basé sur l’étude des
textes. Quelques voix, sans doute trop discrètes,
s’étaient cependant élevées en leur faveur. En 1965,
René de La Coste-Messelière lui-même évoquait la
nécessité de réaliser une étude d’ensemble des "milliers
d’hôpitaux pour voyageurs parmi lesquels les pèlerins
étaient tenus pour privilégiés", afin d’y comptabiliser
les pèlerins de Compostelle. En 1978 il témoignait
encore d’une certaine clairvoyance : "il ne
nous échappe pas, écrivait-il, que le vocable Saint-Jacques
ne suffisait pas à décerner une vocation pèlerine
aux établissements en question, mais il a cependant
valeur indicative". Enfin, en 1983, il me recommandait
d’entreprendre des études universitaires : "nous
avons besoin de scientifiques pour étudier toutes
ces questions". C’était trop tard : ma thèse
n’a été soutenue qu’en 1996, l’année de sa mort.
Mais en aurait-il supporté les conclusions ? Car
lui-même, on l’a vu, s’est laissé emporter par le
succès.
Certains
auteurs ont eu également quelques presciences, sans
pour autant aller jusqu’au bout, ou sans oser émettre
une critique. Alexandre Nicolaï, tout en publiant
sa carte d’Aquitaine, écrivait en 1897 dans "Monsieur
saint Jacques de Compostelle" : "au sujet
des chemins de Saint-Jacques, il sera peut-être
oiseux pour l’avenir de chercher à compléter davantage
le réseau … ce sera sans grand intérêt, car on ne
fera que reconstituer le réseau des communications
pendant le Moyen Age".
Et
l’abbé Daux, tout en parlant des caravanes de pèlerins
passant à Moissac, observait cependant au détour
d’une phrase que "guides et chansons se taisent
sur le parcours entre le Puy et Moissac".
Doutes
des médiévistes
A
partir des années 1970, les médiévistes commencent
à s’intéresser au sujet et émettent des doutes.
En 1969 Charles Higounet pense qu’ "on se complait
peut-être un peu trop dans les mini-enquêtes locales
qui, après la phase des itinéraires stéréotypés
du Guide du pèlerin, nous plongent dans un chevelu
de chemins dans lesquels on risque de se perdre.
L’heure d’une synthèse devrait bientôt venir".
En 1980, le conservateur des Archives départementales
de l’Aude, une région considérée comme riche en
chemins de Saint-Jacques, constatait pourtant que,
pour la période XIIe-XIIIe siècles, "la médiocrité
des sources concernant les pèlerinages dans l’Aude
a le mérite d’attirer l’attention sur le danger
des généralisations qui auraient tendance à surestimer
les itinéraires liés aux anciennes voies romaines
comme les sites consacrés à saint Jacques, ou tout
simplement l’accueil réservé aux pèlerins… ".
En
1985 une exposition internationale à Gand donne
l’occasion de la rédaction d’un catalogue où percent
quelques nouvelles pistes de recherche, en particulier
à propos des reliquaires de saint Jacques, ce qui
sous-entendait qu’il existait des reliques en dehors
de Compostelle, et mettait en doute l’une des affirmations
du Guide. En 1988, deux médiévistes allemands estimaient
à leur tour "exagéré d'assimiler toute trace
d'un culte à saint Jacques à un point du chemin
menant à Compostelle. À trop chercher les routes
de Saint-Jacques, on risque de perdre le pèlerin,
le vrai protagoniste de l'échange culturel… "
et ajoutaient : "jusqu’ici nous n’avons pas
trouvé [en Haute-Rhénanie] de preuves d’un nombre
remarquablement important de pèlerins, du pays ou
de passage, ni dans les documents, ni dans les chroniques
diverses". Ils refusent donc la recherche systématique
d’ "un réseau européen de prétendues routes
de Saint-Jacques [qui leur] semble plutôt être un
camouflage des données". En 1993, les études
d’Alison Stones montrent enfin que le Guide du pèlerin
au titre trompeur n’a pas été connu en France, ni
ailleurs, avant la fin du XIXe siècle.
En
1994, Bernard Guenée me conduisit à contester les
postulats de base sur lesquels étaient (et sont
encore pour certains) basées les recherches compostellanes.
Les premiers doutes des scientifiques sont alors
confirmés et transformés en nouvelles certitudes.
Cette contestation ouvre sur une autre histoire,
celle des cultes et pèlerinages médiévaux à saint
Jacques. Compostelle y occupe certes une place majeure,
due en partie aux nombreux sanctuaires où étaient
vénéré saint Jacques, souvent même avec des reliques.
Ils ont contribué à faire connaître le sanctuaire
galicien sans pour autant y précipiter des foules.
En effet l’étude des registres des hôpitaux, y compris
les hôpitaux Saint-Jacques, n’a livré que quelques
rares pèlerins de Compostelle. En outre, l’étude
des documents de fondation d’hôpitaux a permis de
confirmer qu’aucun d’eux (sauf La Rochelle au XIVe
siècle) n’a été construit pour les pèlerins de Galice.
Et l’étude des statuts de confréries a mis en évidence
le fait que la moitié seulement faisait référence
à un pèlerinage à Compostelle, et que ce n’est guère
avant le XVIIe siècle qu’elles furent composées
d’anciens pèlerins, devenus alors plus nombreux.
Plus
que les chemins étaient intéressants les pèlerins,
leurs récits, ce qu’en disent les documents historiques
(registres paroissiaux, procès-verbaux de police,
jugements des tribunaux, registres des confréries
et des hôpitaux …). A l’évidence, aucune route n’était
plus historique que l’autre, à l’exception de la
route atlantique à partir de la Loire, mentionnée
parfois comme "chemin de Saint-Jacques"
par des guides et des pèlerins, au XVe siècle. Jamais
aucun texte ne fait état de "regroupements"
de pèlerins en tels ou tels points. Les pèlerinages
à Compostelle ont été plus nombreux à partir des
XVIe-XVIIe et XVIIIe siècles; en témoignent surtout
les mentions plus nombreuses dans les archives et
les réglementations royales.
La
recherche historique aujourd’hui
Fondation
David Parou Saint-Jacques, Bernard Gicquel
Ces
recherches demandaient à l’évidence à être continuées,
ce qui fut fait avec la création de la Fondation
David Parou Saint-Jacques, et à être diffusées,
ce qui fut commencé avec le site Internet et des
publications de livres.
On
doit à Bernard Gicquel d’avoir présenté la première
traduction intégrale en français de ce manuscrit
dans son ouvrage "La légende de Compostelle"
. Il l’a accompagnée d’une "vision globale
des origines et des développements de la légende
de saint Jacques". Cette compilation, figée
dans sa forme définitive vers 1160, "ne reproduit
pas toutes les composantes de la légende de l’apôtre".
Sa constitution à partir de textes antérieurs explique
que cette légende ait pu être connue et diffusée
alors que le manuscrit lui-même est resté confiné
à Compostelle et très peu copié. Ce manuscrit comporte
un dernier Livre qui opère la synthèse de plusieurs
documents dont le Pèlerinage de Saint-Jacques, apparu
dans une première version vers 1130. On doit à
l’initiative du père Fita, directeur de la Real
Academia de Historia à Madrid, l’édition, en 1882,
de ce dernier Livre. Il n’a pas d’autre titre que
"Ici commence le IVe Livre de l’apôtre saint
Jacques". Son premier chapitre "Les chemins
de saint Jacques" commence par ces mots "Quatuor
vie sunt que ad Sanctum jacobum tendentes".
Ces quatre routes y sont sommairement indiquées
en Aquitaine par la mention des principaux sanctuaires
que doivent visiter les pèlerins. L’itinéraire en
Espagne, par la principale route reliant la Navarre
à la Galice, y est décrit avec plus de détail, et
seul qualifié de "chemin de Saint-Jacques".
Ce Livre donne en outre des indications pratiques
pour ceux qui se rendent à Compostelle, des descriptions
pittoresques des régions traversées, et une présentation
de la cathédrale de Compostelle. En 1938, Jeanne
Vielliard, en publiant sous le nom de "Guide
du pèlerin" une traduction de ce dernier Livre
du Codex Calixtinus, renouvela l’intérêt pour les
"chemins de Saint-Jacques". Avant que
n’ait été entreprise son étude critique, ce texte
qui se trouvait dorénavant à la portée de tous devint
le socle de la recherche sur saint Jacques et Compostelle.
Il ouvrit la voie à toute une école de pensée, et
favorisa le développement d’une approche trop exclusivement
centrée sur la recherche géographique de chemins
de Compostelle.
Dès
2003, les études de Bernard Gicquel confirmaient
que le Guide du pèlerin n’a pas été diffusé dans
toute l’Europe. La traduction qu’il fît de la totalité
du Codex Calixtinus a mis en évidence l’origine
du mythe des millions de pèlerins. Nos études conjointes
ont permis enfin de comprendre le pourquoi de cette
croyance qui n’est rien d’autre que le désir d’assurer
la promotion du sanctuaire : le "Veneranda
dies", ce long sermon inclus dans la première
partie du Codex donne une longue liste de ces peuples
venus à Compostelle. C’est effectivement impressionnant
: "Là viennent les peuples barbares et civilisés
des régions du globe, à savoir les Francs, les Normands,
les Écossais, les Irlandais, les Gaulois, les Teutons,
les Ibères, les Gascons, les Bavarois, les Navarrais
impies, les Basques, les Provençaux, les Garasques
(tarasque ?), les Lorrains, les Goths, les Angles,
les Bretons, les Cornouaillais, les Flamands, les
Frisons, les Allobroges, les Italiens, les Pouilleux,
les Poitevins, les Aquitains, les Grecs, les Arméniens,
les Daces, les Norvégiens, les Russes, les Georgiens,
les Nubiens, les Parthes, les Romains, les Galates,
les Éphésiens, les Mèdes, les Toscans, les Calabrais,
les Saxons, les Siciliens, les Asiates, les Pontiques
(Pont-Euxin, la mer Noire), les Bithyniens, les
Indiens, les Crétois, les Jérusalemois, les Antiochiens,
les Galiléens, les Sardes, les Chypriotes, les Hongrois,
les Bulgares, les Esclavons (slaves), les Africains,
les Perses, les Alexandrins, les Égyptiens, les
Syriens, les Arabes, les Coloséens (colossiens),
les Maures, les Éthiopiens, les Philippiens, les
Cappadociens, les Corinthiens, les Élamites, les
Mésopotamiens, les Libanais, les Cyrrhénéens, les
Pamphiliens, les Ciliciens, les Juifs et d’autres
peuples innombrables. Toutes les langues, tribus
et nations tendent vers lui ".
Ce
l’est beaucoup moins quand on constate que les bons
chanoines de Compostelle n’ont fait que recopier
une liste figurant dans les Actes des Apôtres (2,
7-11), auxquels ils ont ajouté les noms des peuples
destinataires des épîtres bibliques, et quelques
noms de pays connus au XIIe siècle. Procédé courant
au Moyen Age que de puiser dans la Bible sans pour
autant la citer.
Le
pourquoi de la rédaction du Guide
Ces
études ont également permis de comprendre le pourquoi
de la rédaction du Guide : il n’est rien moins qu’un
guide écrit pour tous les seigneurs aquitains conviés
(parmi eux, Guillaume de Montpellier), en 1135,
au couronnement d’Alphonse VII comme empereur. Ce
dernier se voulait l’héritier de Charlemagne, et
voulait attirer dans sa vassalité tous les seigneurs
de la grande Aquitaine. A cette date, Aliénor, héritière
de Guillaume X duc d’Aquitaine, n’était pas encore
mariée, et la Castille pouvait espérer une alliance
matrimoniale lui permettant une mainmise sur cette
grande principauté. Encore en 1137 ces espoirs étaient
permis : Guillaume X, duc d’Aquitaine, part pour
Compostelle où il est sûr d’être accueilli (il a
des ennuis graves avec quelques uns de ses vassaux).
Malheureusement, il y meurt, le Vendredi Saint 9
avril, à 38 ans. Les espérances d’Alphonse VII ont
été détruites, puisque les chroniqueurs du temps,
Geoffroy de Vigeois, Suger, Orderic Vital, soulignent
qu’avant de partir le duc avait confié sa fille
Aliénor au roi de France Louis VI, lui-même agonisant,
qui la donna aussitôt à son fils. On connaît la
suite…
Vers
1157, au moment de la minorité menacée du jeune
Alphonse VIII, la Chronique d’Alphonse VII se
fait l’écho de ces espoirs et de ces projets nés
aux alentours de 1135, et rappelle la légitimité
du jeune héritier. Elle donne une liste de lieux
et de personnes ayant assisté au couronnement de
1135 qui avait fait de lui "le chef de l’Empire
de tous… semblable à Charlemagne dont il a suivi
les faits. Ils furent égaux par la race, identiques
par la force des armes". "tous les seigneurs
de toute la Gascogne et de toutes les régions qui
s’étendent jusqu’au Rhône, ainsi que Guillaume de
Montpellier, vinrent ensemble trouver le roi, reçurent
de lui de l’argent et de l’or, de nombreux cadeaux,
divers et précieux, beaucoup de chevaux, se reconnurent
comme ses sujets et promirent de lui obéir en toute
chose. Et beaucoup de fils de comtes, de ducs et
de seigneurs de France, ainsi que des Poitevins
en grand nombre vinrent à lui, et reçurent des armes
ainsi que d’autres présents en grande quantité.
Ainsi les frontières du royaume d’Alphonse, roi
de Léon, s’étendirent-elles désormais des rives
de l’Océan, c’est-à-dire du rocher de Saint-Jacques,
jusqu’au cours du Rhône".
Cette
cartographie coïncide avec celle du dernier Livre
du manuscrit qui donne la liste des sanctuaires
favoris des seigneurs aquitains, en citant néanmoins,
en frontière, Orléans, en hommage aux "ducs
et seigneurs de France". Comment ne pas voir
que ce schéma se superpose exactement avec les indications
du Guide rédigé lui aussi vers ces années 1132-1135
?
Les
études continuent.
Chaque
fois qu’un chercheur compulse les registres d’hôpitaux
ou d’autres documents d’archives, il y trouve mention
de quelques pèlerins dont la majorité n’indique
pas sa destination. Que ce soit à Manosque, à Issoudun,
à Lyon, à Prague, à Nîmes, à Lodève, les documents
sont muets sur Compostelle. Enfin en 2006, Ofelia
Rey-Castelao, universitaire, professeur à Santiago,
n’hésite plus à s’attaquer aux "Mythes de Santiago"
: elle sait de quoi elle parle, elle a travaillé
sa thèse durant quatre années dans les archives
de la cathédrale.
Toute
cette histoire mythique de Compostelle peut avantageusement
être remplacée par des éléments spécifiques à chaque
lieu ou région, ce qui aura pour avantage d’offrir
aux pèlerins, aux touristes, aux curieux de toute
espèce un florilège de textes historiques ou légendaires
propres à alimenter leur imaginaire. Et chaque guide
de chaque région, au lieu de recopier une ou deux
pages soi-disant historiques, toujours les mêmes
et toujours fausses, pourra s’en inspirer pour donner
envie d’en savoir plus et de revenir afin de découvrir
un patrimoine original. L’Hérault en est un exemple,
même si l’on peut considérer comme très exagérée
l’opinion de Marie Mauron qui s’exclamait en 1955
que "la ville de Montpellier doit tout aux
Saint-Jacquaires" !
L’Europe
c’est le chemin
Vingt
ans sont passés depuis la définition des chemins
de Compostelle comme premier Itinéraire culturel
du Conseil de l’Europe. Les erreurs faites il y
a vingt ans commencent à être reconnues. Les leçons
en sont tirées, sans publicité, car il ne faut pas
tuer cette espèce de "poule aux œufs d’or"
qu’est devenu le pèlerinage, ni décevoir tous ceux
qui s’engagent sur un chemin de Saint-Jacques, le
cœur plein de rêves, et mélangeant allègrement légendes,
mythes et histoire.
Compostelle
n’est plus le seul pèlerinage dont les chemins sont
Itinéraire Culturel. La création de la via Francigena
due à la ténacité d’une initiative privée a apporté
une première diversification. D’autres ont vu le
jour ensuite, comme les chemins du Mont Saint-Michel
ou ceux de Saint-Martin de Tours. Les éléments sont
en place pour que les pèlerins de Galice puissent
"croiser ceux qui se rendent à Chartres",
ou Aix-la-Chapelle, et que l’Europe soit sillonnée
de marcheurs sur des chemins de pèlerinages, reconnus
comme porteurs de culture européenne, comme ils
l’étaient au Moyen Age. Alors, se réalisera ce beau
slogan adopté à Santiago à l’occasion du 20e anniversaire
du premier Itinéraire Culturel du Conseil de l’Europe
: "L’Europe c’est le chemin".
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at wanadoo.fr - 08/12/2009
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