Hôpitaux
et confrérie des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle
à Paris
par
Jean CHEYMOL
Communication
présentée à la séance du 24 novembre 1979 de la
Société française d'histoire de la médecine.
http://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx1980x014x001/HSMx1980x014x001x0029.pdf
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RÉSUMÉ
:
Au
Moyen Age, deux hôpitaux parisiens réservent leur
activité aux "Jacquets":
-
Au nord, intra-muros, l'hôpital Saint-J acques-aux-Pèlerins,
rue Saint-Denis, fondation et siège de la confrérie
du même nom;
-
Au sud, extra-muros, l'hôpital de Saint-Jacques-du-Haut-Pas.
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Dès
le XIe siècle, se dirigeant vers la Galice, les
"Jacquets" venant des Pays-Bas, d'Allemagne
de l'Ouest ou de plus loin (Scandinavie et même
Pologne) - après une halte à l'abbaye de Saint-Denis
- s'engagent dans Paris. Ils suivent
l'ancienne voie romaine Nord-Sud, devenue la voie
royale "Grant-rue-Saint-Denis, Grant-rue-Saint-Jacques".
Les
bourgeois de la ville s'émeuvent... "voyons
que plusieurs pauvres pèlerins, pour être arrivez
tard, ne pouvaient entrer dans la ville et estaient
contraints coucher sur la terre". Bientôt les
secours s'organisent et des maisons accueillantes
s'entrouvrent. Certaines partiellement, car ce n'était
pas leur rôle essentiel:
-
Au coeur de la Cité, l'Hostel-Dieu, bien avant l'an
Mil, recueillait au passage les pauperes Christi
et les voyageurs;
-
Au nord, hors Paris, l'hôpital de la Trinité (à
l'angle de la rue Greneta et Saint-Denis), dont
les fondateurs Jehan Paalee et Guillaume Effacuol,
son frère utérin, exigent en 1202 des Prémontrés
de l'abbaye d'Humières
qui
vont le diriger que trois d'entre eux exercent l'hospitalité
envers "les pèlerins qui ne font que passer";
-
Un peu plus bas, mais dans Paris, l'hôpital de Sainte-Opportune,
à l'angle des rues des Lombards et Saint-Denis,
qui deviendra l'hôpital Sainte-Catherine. Fondé
dès 1188, il sera réservé plus tard uniquement aux
filles et femmes pour trois jours et trois nuits;
-
A la sortie sud de Paris, à l'intérieur de la muraille,
se trouvait un abri modeste pour les pèlerins, pourvu
d'une chapelle dédiée à saint Jacques le Majeur.
Son patronyme s'étendit à toute la rue et au faubourg;
mais en 1218, les Dominicains arrivés récemment
en ville s'y installèrent pour construire leur couvent.
C'est de là que vint le nom de "jacobins"
qui leur fut donné, puis généralisé à tout l'ordre,
du moins en France. L'hospitalité pour les Jacquets
cessa avec leur arrivée.
Deux
hôpitaux vont réserver leur activité aux pèlerins
de Saint-Jacquesde-Compostelle :
-
Au nord, intra-muros, à l'abri, à vingt pas de l'enceinte
de Philippe-Auguste: l'hôpital Saint-Jacques-aux-Pèlerins.
encore dit Saint-Jacques-de-l'Hôpital, rue Saint-Denis;
-
Au sud, extra-muros: Saint-Jacques-du-Haut-Pas,
rue du Faubourg-Saint-Jacques.
Le
premier était-il réservé aux "marcheurs de
Dieu"se rendant à Compostelle et le second
à ceux qui en revenaient, remontant sur Paris ?
Ce serait logique, mais rien ne permet de l'affirmer.
Réservons
notre étude à ces deux gîtes hospitaliers pour les
pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle.
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I.
Hôpital Saint-Jacques-aux-Pèlerins
Sa
création, sa vie, son destin, sont liés à la Confrérie
parisienne des pèlerins de Saint-Jacques. Nous devons
donc les étudier ensemble.
Revenant
du tombeau de l'apôtre, les Jacquets bénéficient
d'un grand prestige moral auprès de leurs concitoyens.
Selon l'esprit de l'époque, ils se réunissent en
une confrérie. Ayant souffert au cours de leur périple,
ils veulent charitablement aider leurs émules.
Créée
vers 1298, ses débuts furent modestes, bornés en
une messe dite dans l'église Saint-Jacques-de-la-Boucherie.
Dès l'année 1315, Louis X le Hutin leur permet par
une charte de se réunir en la maison des Quinze-Vingts
pour s'occuper de leurs affaires.
Son
frère et successeur Philippe V, dit le Long, les
autorise en 1317 à acheter quartier Saint-Denys
des terrains et des maisons. L'officialité de Paris
(22 février 1320) accepte de laisser la confrérie
quêter en ville pour les aider à se procurer les
subsides nécessaires.
Grâce
aux nombreux dons et legs des particuliers, aux
produits des quêtes effectuées, aux cotisations
des confrères, l'implantation est rapidement menée.
Le
quartier choisi mérite qu'on s'y arrête quelques
instants. La rue Saint-Denis est une des plus anciennes
de Paris; souvent rois et reines la parcouraient,
lors de leur entrée solennelle dans leur ville,
et obligatoirement pour leurs obsèques dans la crypte
de l'abbaye de Saint-Denis.
Après
achat de nombreuses maisons particulières, le quadrilatère
occupé comprenait l'espace entre la rue Saint-Denis
à l'est, la rue Mauconseil au nord (proche de la
muraille), la rue Mondétour à l'ouest, la rue du
Cygne et, pour une partie, la rue de la Truanderie
au sud.
Ce
quartier ancien a été profondément transformé par
le percement de deux grandes artères, rue Etienne-Marcel
et rue de Turbigo, et d'une moyenne, rue Pierre-Lescct,
qui ont entaillé largement le périmètre occupé aux
siècles passés par la confrérie.
A
l'époque, c'était le quartier des arts. Enlumineurs,
imagiers, sculpteurs, y tenaient boutiques et ateliers
ainsi que des marchands d'ornements d'église et
quelques orfèvres. La porte Saint-Denis s'appelait
aussi la porte des Peintres (il en reste un vestige
minable: l'impasse des Peintres). En plus de son
emplacement privilégié d'accueil à la porte même
de Paris pour les pèlerins, c'était donc un lieu
de choix pour la confrérie.
La
superficie acquise devait être assez vaste puisque,
lors du banquet annuel, nous verrons qu'on y logeait
jusqu'à 1500 convives assis (en 1327) et qu'il comprendra
de nombreux bâtiments: l'église baptisée modestement
à l'origine chapelle, l'hôpital (40 lits), un cloître,
les logements du personnel, un cimetière et autour
de celui-ci une grande treille bien taillée. Les
bâtiments se construisirent rapidement de 1319 à
1323.
L'église
jouant le rôle de paroisse, des difficultés s'élevèrent
de la part des curés de Saint-Eustache et de Saint-Germain-l'Auxerrois,
menacés dans leurs droits curiaux. Il fallut l'arbitrage
du pape d'Avignon Jean XXII qui, par une bulle du
28 juillet 1321, apaisa le conflit contre un versement
de 400 livres au chapitre de Saint-Germain et de
200 livres au curé de Saint-Eustache. L'église fut
dédiée par Jean de Marigny, évêque de Beauvais,
le jour de la Saint-Rémi 1327; elle possédait un
doigt de l'apôtre saint Jacques. Elle comprenait
deux nefs séparées par une rangée de piliers; au
sud, des chapelles la bordaient, son chevet donnait
sur l'angle des rues Saint-Denis et Mauconseil.
La
statuaire était abondante et de qualité. Au portail,
les nobles donateurs, dont la reine Jeanne de Bourgogne,
accompagnant saint Jacques; contre les piliers de
la nef, 12 grandes statues des apôtres sculptées
et peintes par Robert de Launay entre 1326 et 1327.
Le cloître était en bordure de la rue Mauconseil,
allant jusqu'à la rue Mondétour et s'ouvrant sur
ces deux rues.
L'hôpital
contenait plus de 40 lits. Du ler avril 1368 au
25 juillet (fête de saint Jacques) 1369, 16 690
pèlerins y furent accueillis, soit près de 40 par
jour. Ils y recevaient en plus du gîte "chascun
soir, un quartier de pain
d'un
denier et un gobelet de vin à boire".
Administration
Si,
à l'origine, la confrérie était composée uniquement
des pèlerins effectifs de Saint-Jacques, on y accueillit
plus tard des bourgeois ayant fait le voyage par
procuration ou en payant une somme égale aux frais
nécessités par ce grand voyage. Elle comprenait
des nobles, des bourgeois, de riches marchands,
des artisans. Elle fut fort riche et l'une des principales
confréries de pèlerins de France.
La
confrérie était maîtresse des bâtiments et avait
autorité, par ses administrateurs élus tous les
ans, sur tout le personnel, avec un statut particulier
pour les ecclésiastiques chargés du culte de l'église,
des messes et prières de fondation. Le personnel
hospitalier comprenait un gouverneur et des religieuses.
Les
comptes et procès-verbaux des séances furent tenus
avec soin. Les comptes étaient présentés chaque
année par les deux administrateurs sortants le 25
juillet. Rédigés sur parchemin jusqu'en 1383 - celui
de la période 1319-1324 (5 ans) constitue un rouleau
de 17 m de long - puis sur des registres.
Conservés
précieusement dans une salle voûtée rue Saint-Denis,
ils nous sont parvenus pour la plupart. Actuellement
aux archives de l'Assistance publique, ils ont échappé
à l'incendie criminel de la Commune, avenue Victoria,
en mai 1871.
Chapitres
et chanoines
Les
biens de la confrérie provenaient surtout des dons
et legs de particuliers. Ils s'accompagnaient fréquemment
de fondations pieuses à perpétuité (messes et prières),
véritables assurances pour l'Au-delà. Pour assurer
ces offices, il fallut rapidement un clergé. A u
nombre de 4 chapelains primitivement, leur nombre
s'accrut rapidement pour atteindre jusqu'à 20 au
XIV° siècle. Les 8 premiers s'attribuèrent le titre
de chanoines. Ils dépendaient directement de l'évêque
de Paris au plan spirituel, de la confrérie pour
le temporel. Le premier d'entre eux nommé par l'évêque
avait le titre de trésorier. Il désignait les chapelains
après approbation de la confrérie.
Les
chanoines étaient tenus d'habiter dans l'enclos
de l'hôpital. Sous Charles VI, leur conduite laissa
à désirer. C'est ainsi qu'en 1388 on dut leur interdire
"de jouer aux cartes et aux dés, d'aller à
la taverne en habits de choeur, de faire entendre
à l'église pendant les offices des rires indécents,
des contes facétieux et des disputes". Il fallut
même qu'au XVe siècle le gouverneur demande qu'il
leur soit interdit de prendre des chambrières trop
jeunes. Nous verrons ce clergé, choisi et nommé
par la confrérie, prendre parti contre elle à propos
du banquet.
On
y reçut aussi des pèlerins visitant d'autres lieux,
entre autres des "miquelots" (Mont-Saint-Michel),
plus curieusement de Saint-Claude en Franche-Comté,
et de Saint-Nicolas en Lorraine.
Banquet
La
manifestation la plus importante de la confrérie
était la célébration de la fête du saint patron
Jacques-le-Majeur, le dimanche suivant le 25 juillet.
Après
la messe solennelle, l'Assemblée générale recevait
les comptes des deux administrateurs sortants, puis
élisait les deux nouveaux. Se formant ensuite en
procession, en habits de pèlerins (seuls les anciens
de Compostelle ayant droit à porter le bourdon,
la statue de saint Jacques placée sur un brancard
entouré de bannières, la confrérie au grand complet
défilait à travers la ville. Puis le cortège revenait
à l'église pour les vêpres. Dans les premières décennies,
on servait un repas frugal aux confrères venus de
loin avant leur retour dans leurs foyers. Mais avec
le temps et la prospérité aidant, il fut de tradition
d'organiser un banquet payant qui eut un immense
succès.
Plantureux,
bien arrosé de vins de Gascogne et d'Anjou, il réunit
de très nombreux convives assis à table dans la
"loge" installée sous tentes et abris.
Il
groupa jusqu'à 1 536 convives en 1327 (il fallut
cette année là sacrifier 8 boeufs et 32 porcs pour
ces agapes). A la fin du XV° siècle, le nombre de
participants baissa, mais il était encore de 800
en 1578.
Pour
augmenter la festivité, on fit venir ménestrels
et jongleurs, la fête se terminant par un bal ou
pèlerins et pèlerines entretenaient joyeusement
la fraternité.
Les
pauvres n'étaient pas oubliés: restes abondants,
pain et un denier remis à tous ceux se présentant
aux portes.
Confraternité
joyeuse, bonne chère et bons vins réunis, les excès
étaient inévitables ! Des critiques sévères s'élevèrent.
Curieusement, les plus virulentes vinrent du chapitre
de l'hôpital, surtout quand le nombre des pèlerins
diminua en même temps que les revenus. Les émoluments
dus au clergé furent plus difficilement versés et
il cria au scandale, au gaspillage, réclamant participation
à la gestion. Il demanda au Parlement la suppression
du banquet.
Ses
avocats, dans leurs plaidoiries, firent des descriptions
truculentes des "beuveries et tapages"
entraînés lors de la fête. On peut en avoir une
idée d'après les pamphlets et libelles circulants.
C'est ainsi que si l'on en croit un Antoine Fusil,
curé de Paris, docteur en Sorbonne (?), au cours
du banquet les pèlerins "contrefont ce saint,
sur quelque bon teteur de gobelet qu'ils appelent
roy et le travestissent chapeau, bourdon, canebasse
et d'une robe à l'apostolique, toute recoquillée,
récamée pardessus d'escailles et de moules de la
mer. C'est là que la canebasse est vidée en perfection
et Dieu sait si durant le disner, la bourrache de
cuir bouilli est répétée à tire-larigo; et après
le disner, ils dansent la feste en hymne de chaire
tambourinée solemnisant leur pèlerinage, en bacchantes,
ainsi ils bacchanalisent la sainteté de leur solemnité.
Ils dansent, gimbettent et caracollent le mérite
supposé de leur voyage en Galice. Cela est blasphématoire
de honnir impudiquement la mémoire des apostres
et serviteurs de Dieu"; mais... indignation
vraie ou libelle injurieux comme il en existait
tant alors ?
Procès
devant le Parlement aux péripéties multiples, celui-ci
donnant tantôt raison aux confrères, avec maintien
du banquet, tantôt au Chapitre et l'interdisant.
Cependant
les mauvais jours sont arrivés: peu de pèlerins,
peu de revenus.
L'hôpital,
faute de "jacquets", accueille pauvres
et mendiants, se transformant plus ou moins en asile
de nuit. A partir de 1672, on le rattache tantôt
à l'Ordre de Notre-Dame-du-Mont-Carmel, tantôt à
celui de Saint-Lazare-de-Jérusalem (arrêté du 5
mai 1676). La lutte cesse enfin entre les deux parties
(Confrérie-Chapitre), l'Etat les mettant d'accord
en gobant les biens pour l'Hôpital-Général en gestation
(vraie illustration des deux pèlerins de la fable
L'huître et les deux plaideurs).
E
n 1781, l'hôpital est uni aux "Enfants-trouvés".
A la veille de la Révolution, le Chapitre lui-même
est réduit à 4 chapelains, un vicaire-sacristain
et 4 enfants de choeur; mais il conserve dans le
trésor de magnifiques reliquaires qui disparaîtront
lors de la tourmente révolutionnaire.Comme toutes
les confréries, celle-ci fut abolie par la loi du
18 août 1792.
Fermé
à la Révolution, l'ensemble fut vendu par l'Administration
des hospices en 24 lots entre 1812 et 1821. Démolie,
il ne restait en 1840 de son église que quelques
pans de murs; lors des travaux de démolition, on
trouva dans les fondations 14 des statues de la
nef et du portail dissimulées pour les soustraire
aux profanations. Cinq d'entre elles (saint Jacques
reconnaissable à la coquille sur l'escarcelle et
4 autres apôtres) furent acquises en 1852 par le
musée de Cluny. Elles sont exposées au rez-de-chaussée,
salle 9. Trois autres furent placées au 1er étage
sur la façade d'un magasin de nouveautés (actuellement
133, rue Saint-Denis), où l'on voit encore l'inscription
à demi-effacée Aux statues de Saint-Jacques, maison
occupée aujourd'hui par le restaurant Aux mandataires.
Un
événement surprenant en 1328
Dans
cet hôpital, se détachant sur la grisaille des nuitées
d'accueil des pèlerins, un événement surprenant
- qui changea l'histoire de France - se déroula
en 1328.
Le
2 février, jour de la Chandeleur, le roi Charles
IV meurt; la reine Jeanne d'Evreux est enceinte.
Si l'enfant à naître est une fille, elle ne régnera
pas: la loi salique (coutume franque) écarte les
filles de la Couronne. Les
Grands
du royaume devront élire un roi pris dans la famille
régnante. Pour qu'on soit certain qu'il n'y ait
pas supercherie, l'accouchement se fera dans un
lieu sûr.
L'hôpital
Saint-Jacques-aux-Pèlerins est choisi, et c'est
dans ce lieu insolite pour une maternité royale
que l'événement eut lieu le 1" avril. Une fille
naquit, prénommée Blanche; elle fut écartée du trône.
Ce fut Philippe VI de Valois, cousin germain de
son père, qui fut élu. Avènement des Valois aux
conséquences considérables !
Ceci
montre la confiance témoignée en l'honnêteté des
administrateurs de l'hôpital Saint-Jacques par les
autorités du royaume.
On
trouve dans les comptes de la confrérie pour l'année
1328 les traces, combien coûteuses, de cette naissance
princière.
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II.
Hôpital Saint-Jacques-du-Haut-Pas
A
la sortie sud de Paris, un autre gîte attendait
également les pèlerins.
Au
XIII° siècle, on divisait Paris en trois parties:
la Cité au centre, reliée au nord par le Grand-Pont
et au sud par le Petit-Pont. La partie nord s'appelait
"Outre-Grand-Pont", la partie sud "Outre-Petit-Pont";
Grand-Pont défendu par le Grand-Châtelet, Petit-Pont
par le Petit-Châtelet.
Ce
n'est qu'au XIVe siècle que la voie du sud prend
le nom de rue Saint-Jacques. On trouve dans les
documents anciens les noms suivants:
-
E n 1263, elle s'appelle "Grand-Rue-outre-le-Petit-Pont
";
-
E n 1284, "Grand-Rue-vers-Saint-Mathurin"
(à cause d'une chapelle sous l'égide de saint Mathurin);
-
E n 1323, on trouve "Grand-Rue-Saint-Jacques",
mais aussi parfois comme en 1416 "Grand-Rue-Saint-Benoît-le-Bestonnet",
du nom d'une église ayant ce vocable; puis ce ne
fut que rue Saint-Jacques.
Les "frères
hospitaliers de Saint-Jacques d'Alto-Passo"
A
l'extérieur, mais proche de la porte Saint-Jacques,
à droite en prenant le chemin de Bourg-la-Reine,
dit alors faubourg Saint-Jacques (actuellement rue
de la Tombe-Issoire), se trouvait dès 1180 une commanderie
d'un ordre militaire et religieux italien: les "frères
hospitaliers de Saint-Jacques d'Alto-Passo",
qualificatif que l'on traduisit par Saint-Jacques-du-Haut-Pas.
Soumis à la règle de saint Augustin, cette communauté
se consacrait aux soins pour les pèlerins de Compostelle
et des pauvres malades. Les débuts furent modestes,
mais des dons permirent d'y adjoindre des maisons
voisines. L'établissement comprit bientôt chapelle,
hôpital et cimetière. Il fut béni par l'évêque de
Paris en 1360.
Sa
vie fut secouée par de nombreuses vicissitudes :
-
Gestion parfois difficile; vers 1458, le pape Pie
II pensa même le supprimer;
-
Par contre, prospérité en 1519: la chapelle est
alors transformée en église de style flamboyant;
en 1532, on y adjoint un bâtiment pour les pestiférés.
E n 1555, le grand architecte Philibert Delorme
dessine pour lui les plans "de deux corps d'hôtel
en potence";
-
Il échappe à la spoliation des biens hospitaliers
prescrite sous le règne bref de François II (1544-1560)
en arguant de son appartenance à un ordre italien.
Ses
malheurs vont s'accumuler, dus en partie à sa sollicitude
envers la population voisine. Hors les murs de la
ville, celle-ci est très éloignée des églises et
des cimetières parisiens. Le couvent accepte de
la recevoir en son église. Ce rôle bienfaisant est
reconnu par l'Official en 1566, décision homologuée
par Charles IX en 1567. Mais les voisins exagèrent
leurs prétentions et les "frères" ont
bien du mal à préserver leurs biens.
Pour
compléter leurs soucis, en 1572, la reine-mère Catherine
de Médicis décide d'y installer dans les mêmes lieux
les douze derniers moines bénédictins bretons de
l'abbaye de Saint-Magloire, venant de la rue Saint-Denis.
Elle partage l'église entre les "frères du
Haut-Pas", les bénédictins et les villageois;
elle construit dortoir, réfectoire, pour ses protégés
bretons dans l'enclos et un cloître dans le cimetière.
La
fin est proche;
La
fin est proche; "frères" et bénédictins
vieillissent et ne se renouvellent pas. Les villageois
deviennent de plus en plus exigeants et décident
de construire (1630) une autre église voisine et
parallèle à la première. Elle mettra quarante ans
à finir de s'édifier, mais sera reconnue cure de
Paris en 1633.
En
fait, l'hôpital des Pèlerins n'existe plus depuis
1618, date où Mgr de Gondi, évêque de Paris, installe
somptueusement dans tout le domaine le séminaire
de l'Oratoire sous le nom de séminaire de Saint-Magloire.
Cette pépinière d'un clergé éminent cessera de fonctionner
en 1790. Quatre ans plus tard, la Convention y installe
l'Institut des sourds-muets. Il y est toujours.
L'église
du couvent disparaît; il ne reste plus que celle
construite par et pour les habitants du quartier.
Elle a pris et conservé le nom initial de sa voisine,
Saint-Jacques-du-Haut-Pas, et fut au XVIIe siècle
un haut lieu du
jansénisme....
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Ayant
entendu messe après la halte miséricordieuse dans
l'hôpital Saint-Jacques de la rue Saint-Denis, les
pèlerins reprennent bourdon et besace. En descendant,
ils saluent le grand saint Jacques qui les domine
de ses 4 m au faîte de la tour de l'église des Bouchers,
passent le Grand-Pont, adressent en traversant la
Cité une prière à Notre-Dame sise dans sa cathédrale
puis, par le Petit-Pont, gagnent et remontent la
rue Saint-Jacques. Ils passent la porte... Leur
groupe, grossi de ceux hébergés au Haut-Pas, s'arrête.
Là, c'est l'heure des adieux avec parents et amis
qui les ont accompagnés. Chantant et priant, ils
se scindent bientôt en deux:
-
Une partie, la plus importante, par Bourg-la-Reine,
Longjumeau, Monthléry, gagnera Orléans;
-
L'autre, par Palaiseau, Gometz-le-Château, etc.,
se dirige vers Chartres.
Ils
se retrouveront en général à Tours pour la poursuite
du voyage.
A
leur image, bien des siècles plus tard, d'autres
"marcheurs de Dieu" jeunes et ardents
reprennent le chemin entre les champs de blé vers
la Vierge reine de Chartres. Quelques-uns même,
empruntant les vieilles routes devenues souvent
"chemins de grande randonnée" poussent
jusqu'à la lointaine Galice.
Avec
Péguy, s'adressant à la reine de Chartres, ils disent:
Vous
nous voyez marcher sur cette route droite
Tout
poudreux, tout crottés, la pluie entre les dents,
Nous
allons devant nous, les mains le long des poches,
Sans
aucun appareil, sans fatras, ni discours,
D'un
pas toujours égal, sans honte, ni recours,
Des
champs les plus présents, vers les champs les plus
proches,
Vous
nous voyez marcher, nous sommes la piétaille,
Nous
n'avançons jamais que d'un pas à la fois!
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