En
apparence tout a été simple.
L'apôtre Jacques
vient en Espagne prêcher l'Evangile. Plus tard,
il est décapité en
Palestine. Son corps est transporté en Galice
et enterré. Du fait des persécutions, le lieu
exact de la sépulture est oublié pendant plusieurs
siècles.
Au 9° siècle, dans une partie de l'Espagne
restée chrétienne, l'ermite Pélage voit au dessus
d'une forêt sauvage des lumières surnaturelles
et entend des cantiques angéliques. Il avertit
l'évêque Théodemir, qui réside dans la localité
proche de Iria Flavia. Celui-ci, après trois
jours de jeûne et de prière, fait défricher
l'endroit. Sous un arc de marbre, on découvre
les reliques de saint Jacques.
Le roi Alphonse
II, aussitôt prévenu, le proclame patron de
l'Espagne et fait construire une église au-dessus
du tombeau. Peu après, le saint apparaît sous
forme d'un cavalier monté sur un cheval blanc
au roi Ramire 1° qui remporte sur les
Sarrasins la victoire de Clavijo.
Les chrétiens
entreprennent la Reconquista et libèrent l'Espagne
de l'occupation musulmane. Bientôt une foule
de fidèles, dont l'empereur Charlemagne, en
suivant quatre chemins qui convergent en un
seul (le Camino francés) font le pèlerinage
qu'organise l'ordre de Cluny.
En
fait, la réalité historique est beaucoup plus
complexe.
Elle doit être traquée derrière la légende.
L'invention du tombeau et des reliques de saint
Jacques, au 9° siècle, est rapportée dans des
textes tardifs (Concordia de Antealtares de
1077, Historia Compostelana de 1120-1139), reprenant
une tradition orale progressivement élaborée
à partir de faits réels.
Et encore faut-il distinguer
ce Jacques le Majeur de ses deux homonymes:
Jacques
l'Apôtre, fils d'Alphée d'une part, et d'autre
part Jacques le Juste, personnage historique
relativement connu,
qui a joué un rôle important dans l'organisation
de l'Église primitive de Jérusalem (il serait
l'auteur de l'épître
dite de saint Jacques). Les sources médiévales
feront une certaine confusion entre les différents
personnages: au 12° siècle, le chef du fils
d'Alphée sera transporté dans la basilique du
Majeur, où il est toujours vénéré.
Saint Jacques
le Majeur est le fils de Zébédée, le frère aîné
de Jean l'Évangéliste. Son surnom lui vient
de sa plus grande ancienneté parmi les compagnons
du Christ. Il est présent à des moments importants
de la vie de Jésus, comme la Transfiguration,
la nuit au Mont des Oliviers et l'arrestation.
Mais il est moqué par les autres apôtres quand
sa mère réclame à Jésus, pour lui et pour son
frère, une place importante dans le Royaume
de Dieu.
Selon les Actes des Apôtres et l'historien
juif Flavius Josèphe, il est le premier des
Apôtres à avoir été martyrisé; il aurait été
décapité sous Hérode Agrippa à Jérusalem en
43. Le lieu de sa sépulture reste inconnu.
La
légende du passage par l'Espagne de Jacques.
Elle
s'appuie sur plusieurs sources. L'auteur inconnu
de la "Passio Magna
Sancti Jacobi" (entre le 2° et le 5° siècle)
décrit la prédication du saint en Palestine,
où il convertit notamment le mage Hermogène,
la condamnation à mort de l'Apôtre, son martyre
après la conversion de son geôlier: autant d'éléments
repris dans la Légende Dorée.
En Orient, au
6° siècle, est rédigé en grec le "Catalogue
des Apôtres" où apparaît la tradition selon
laquelle, après la Pentecôte, les Apôtres auraient
tiré au sort le lieu où ils devaient aller prêcher
l'Evangile. À Jacques le Majeur sont attribuées
l'Hispanie et les provinces occidentales. Ignorée
de l'Église wisigothique, cette tradition ne
sera connue en Occident que dans la deuxième
moitié du 7°
siècle, grâce à une traduction latine précisant
que l'Apôtre a été enseveli à Achaia Marmarica,
ou, dans certaines versions, "sub arcis
marmaricis".
Ultérieurement, des indications
plus détaillées viennent compléter le texte
initial: la prédication en Espagne de saint
Jacques aurait rencontré peu de succès; il convertit
neuf disciples. Deux (ou sept) le suivent lors
de son retour à Jérusalem, où il est martyrisé
un 25 mars. Ses disciples ramènent son corps
en Espagne, où ils arrivent le 25 juillet (date
où le saint est officiellement honoré). La reine
païenne Lupa leur donne un couple de taureaux
sauvages pour transporter le sarcophage du saint.
Ceux-ci devenant miraculeusement dociles, la
reine se convertit au christianisme et leur
permet d'ensevelir saint Jacques "sous
un
arc de marbre".
L'ensevelissement a lieu
le 30 décembre car, selon la Légende Dorée,
tout ce temps a été nécessaire pour la construction
du monument (en fait il s'agit de la date où
le saint était honoré dans la liturgie wisigothique).
En tout cas cette version va apparaître et se
diffuser dans le contexte politico-religieux
particulier
de la Reconquête, et compte tenu de la tradition
qui en fait l'évangélisateur de l'Espagne, les
reliques de l'Apôtre y sont activement recherchées.
(Christian
Furia. Notre histoire N° 168)
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