Ecrire
son récit de voyage CLOUTEAU
Jacques - Compostelle mode d'emploi.
(FRA.
Sables d'Olonne, Vieux Crayon. 2011)
S'il
est un genre littéraire qui fleurit aujourd'hui,
c'est bien le récit du voyage à Compostelle. Car
beaucoup de pèlerins éprouvent le besoin de retranscrire
par écrit leur voyage, souvent à partir des notes
qu'ils ont prises chaque soir. C'est une façon de
pérenniser cette expérience et de la transmettre
à de futurs pèlerins.
Certains
impriment alors quelques exemplaires sur leur imprimante
pour en faire cadeau à leurs proches. C'est la voie
de la sagesse.
D'autres
passent par une imprimerie numérique. L'imprimerie
numérique peut être comparée à une grosse imprimante
laser capable de générer des livres avec la qualité
traditionnelle, y compris les photos-couleurs, mais
en petit volume. Le coût unitaire reste raisonnable,
et le principe est très simple puisqu'il suffit
d'apporter son fichier sur un CD. Un exemple de
coût: livre de 150 pages avec couverture couleur
tiré à 100 exemplaires = 260 euros, soit 2.60 euros
l'unité. Ceux qui pratiquent ainsi tirent quelques
dizaines d'exemplaires pour les gens du canton.
La distribution est l'affaire de quelques kermesses
et d'une annonce dans le journal local.
D'autres
encore se découvrent soudain une vocation d'écrivain,
et, encouragés par leur proche famille, décident
de faire passer l'ouvrage à la postérité et proposent
le manuscrit à un éditeur local. Celui-ci demande
à l'auteur de l'aider à payer l'impression de 1.050
exemplaires, il en place 1.000 chez les libraires
de son réseau de diffusion, en récupère 800 invendus
après un an, et donne au malheureux écrivain des
cacahuètes de droits d'auteur. Ce dernier se lamente
alors sur l'ingratitude des lecteurs et la rapacité
des éditeurs. Mais il faut savoir à la décharge
des libraires que le nombre de titres sur le thème
de Compostelle est incalculable, au point qu'ils
deviennent très réticents à les mettre dans leurs
rayons.
Tout
ceci pour dire que les meilleures places sont prises
depuis longtemps, et qu'il est très difficile d'imposer
aujourd'hui un nouveau livre sur ce thème, sauf
à aborder avec talent un sujet particulier. A titre
d'exemples réels, voici quelques échecs annoncés:
-
On a vu des pèlerins ayant réalisé l'étape Le Puy
en Velay-Conques, soit 10 jours de marche environ,
imprimer un ouvrage qu'ils estiment impérissable,
et s'étonner ensuite de voir les caisses de livres
s'accumuler dans la cave.
-
On a vu fleurir des centaines de carnets de bord
en style télégraphique qui se ressemblent tellement
que c'en est pitié: "7h36 je me lève, je prends
un petit déjeuner, c'est bon; 8h40 je pars, il fait
beau, le chemin monte, j'ai mal aux pieds, je suis
fatigué; 10h30 je prends un café, c'est bon; midi
je trouve Chantal que j'avais vue à Nasbinals, on
est contents, etc ..."
-
On a vu pondre trop de mémoires évoquant l'immense
souffrance du chemin, l'épuisement du marcheur,
les ampoules monstrueuses, les tendinites violentes,
les grimpettes himalayennes, les descentes vertigineuses.
Ce ne sont évidemment que mensonges pour que le
lecteur plaigne le pauvre pèlerin taraudé par la
mystique chrétienne de la souffrance.
Pour
conclure ce paragraphe, voici quelques conseils
si vous voulez vraiment aller au bout de votre démarche,
et léguer à la postérité subjuguée l'inénarrable
récit de votre expérience jacquaire :
-
Mettez-vous bien dans la tête que ce n'est pas l'écriture
d'un livre qui est difficile, même si on a une jolie
plume, mais c'est la distribution et la vente. Et
que si vous ne voulez pas vous en charger, il faudra
bien que quelqu'un le fasse, et il faudra bien rémunérer
cette personne.
-
N'écoutez pas les flatteurs qui vous certifient
que votre texte est passionnant, surtout si ce sont
des gens de votre proche entourage, ce ne sont pas
eux qui vont payer l'addition. Constituez plutôt
avec des personnes peu connues un comité de lecture
impartial, qui détricotera votre texte pour en extraire
les radotages, les répétitions et les erreurs grammaticales.
-
Si vous souhaitez transmettre la magie de votre
voyage, concentrez-vous sur l'essentiel: la découverte,
la nature, les paysages, les villages, les sentiments,
les autres, l'Espagne, etc ... Et surtout oubliez
les bobos qui n'intéressent personne, l'ampoule
en montant à Roncevaux et le doigt éraflé par un
couteau dans le restaurant de Navarrenx. Ne critiquez
pas sans cesse les autres pèlerins et les hébergeants
au prétexte que vous feriez différemment. Bref positivez
.
-
Et surtout laissez tomber la rencontre avec Paul
de Limoges et Christiane de Tarbes, si c'est juste
pour dire que vous les avez rencontrés. C'étaient
sans nul doute de charmants amis sur votre chemin,
mais le lecteur qui lit votre récit, la tête sur
son oreiller, a bien du mal à chaque page à resituer
cette fameuse Christiane que vous avez croisée juste
après le calvaire sur le pont de Saint-Chély, puis
devant l'office de tourisme de Figeac, qui marchait
alors avec Paul, mais que celui-ci a dû rentrer
en train, et qu'elle marche maintenant avec Wagner,
qui lui-même etc ...
-
Si vous voulez absolument faire un livre au format
papier traditionnel 15x21 cm, utilisez plutôt la
formule de l'imprimerie numérique, qui permet de
réaliser pour un prix abordable un ouvrage en quantité
limitée et raisonnable.
-
Si vous trouvez un éditeur qui accepte votre manuscrit,
ne soyez pas surpris qu'il vous propose 8% maximum
de droits d'auteur (calculés sur le prix de
vente). C'est tout à fait normal, et correspond
à la marge restante après déduction de tous les
frais de production et de distribution. Attendez
vous également à ce que ces droits tombent longtemps
après la sortie du livre, quelquefois un an, car
vous ne toucherez des droits que sur les livres
réellement vendus. Il faut donc attendre, pour des
ouvrages à la durée de vie courte comme des récits
de voyage, le retour des invendus de tous les libraires
avant de solder les comptes.
Et
pour vous éviter toute discussion stérile avec un
éditeur, voici les différents frais qui entrent
dans le prix TTC d'un livre. Pour simplifier, partons
d'un prix de vente de 20 euros. pour un ouvrage
de 256 pages avec quelques photos-couleurs, imprimé
à 2.000 exemplaires et presque entièrement vendu:
-
TVA (5.5% du prix hors-taxes, soit 5.2% du prix
TTC) = 1,04 euros. Va directement dans les caisses
de l'Etat.
-
Coût de l'impression et de la reliure 15% = 3 euros
-
Services de presse 2% = 0.40 euros. Correspond aux
40 exemplaires envoyés à différents journaux partenaires
afin d'en assurer la promotion.
-
Invendus et abîmés 5% = 1 euro. Il existe toujours
un certain nombre de pièces défectueuses dans une
impression, et hélas quelques livres qui ne seront
jamais vendus parce que leur séjour en rayon a laissé
des taches et des rayures.
-
Marge du libraire 30% = 6 euros. Couvre les frais
de fonctionnement de la librairie.
-
Marge du distributeur 25% = 5 euros. Rémunère les
représentants qui sont sur la route et font la tournée
des libraires pour leur proposer l'ouvrage.
-
Marge éditeur 9.8% = 1.96 euros. Couvre les frais
de fonctionnement de l'éditeur.
-
Droits d'auteur 8% = 1.60 euros
Si
vous pensez pouvoir faire mieux que ces coûts, alors
créez votre propre maison d'édition ...
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