L'HOSPITALIER
VOLONTAIRE EN 1999 (Louis)
Ultreia
(A.Suisse - n°23 mai 1999)
C'est
en tant que membre de l'Association Helvétique des
Amis du Chemin de Saint-Jacques que je vais intervenir
pour vous parler, de l'Hospitalité en général, et
des Hospitaliers Volontaires en particulier.
Il
y a 6 ans, les responsables espagnols des H.V. prenaient
contact avec l'Association Suisse pour demander
des volontaires pour les nombreux Refuges et Albergues
de Peregrinos qui allaient ouvrir pour l'Année Sainte
1993.
Et
c'est ainsi qu'en 1994, on m'envoyait à Hornillos
del Camino où j'accueillais un pèlerin dont le visage
m'était connu: 'Vous êtes LE Michel Laborde".
L'hospitalité
vue dans son histoire.
Nous
étudierons l'hospitalité vue dans son histoire.
en commençant par la Bible, puis dans les textes
qui sont la référence des pèlerins, comme le Codex
Calixtinus, puis dans les statuts des Confréries
de Pèlerins.
L'hospitalité
était une des principales oeuvres caritatives, dirait-on
aujourd'hui. C'était une oeuvre de miséricorde:
-1
faire l'aumône aux nécessiteux,
-2
exercer l'hospitalité,
-3
donner à manger à ceux qui ont faim et à boire à
ceux qui ont soif,
-4
donner des vêtements à ceux qui n'en ont pas,
-5
visiter les malades et les prisonniers,
-6
racheter les captifs,
-7
ensevelir les morts.
L'Evangile
dit dans Matthieu XXV, 35 et 36: "Car j'ai
eu faim et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif
et vous m'avez donné à boire; j'étais étranger et
vous m'avez accueilli".
Le
Guide du Pèlerin dans son dernier chapitre, Chapitre
XI, traite de l'accueil à faire aux pèlerins de
Saint-Jacques: "Les pèlerins, pauvres ou riches,
qui reviennent de Saint-Jacques ou qui y vont, doivent
être reçus avec charité et égards par tous; car
quiconque les aura reçus et hébergés avec empressement
aura pour hôte non seulement saint Jacques, mais
aussi Notre-Seigneur lui-même ainsi qu'il l'a dit
dans son Evangile: Qui vous reçoit, me reçoit"
(Matthieu X. 40)".
Le
manuscrit "La Preciosa" qui est à la collégiale
de Roncevaux (Vasquez de Parga, Madrid 1949, Las
Peregrinaciones a Santiago T3, page 66 à 70) dit:
"Accueillant chaque jour sur son parvis généreux,
en' ami, quiconque passe par cette montagne, l'hospice
spontanément les réconforte en leur offrant tous
les biens nécessaires.. La porte est ouverte à tous,
sains et malades, non seulement aux catholiques,
mais aussi, je vous assure, aux païens, aux juifs,
aux hérétiques, aux indifférents, aux méchants,
en deux mots, aux bons et aux impies..".
La
plus ancienne confrérie de pèlerins suisse, celle
d'Altdorf, patrie de Guillaume Tell, demande à ses
membres, en plus du repas confraternel annuel, d'exercer
avec charité l'hospitalité aux pèlerins nécessiteux.
Plus
près de nous, la Charte des Hospitaliers donne un
canevas pour exercer sa mission mettant l'accent
sur l'accueil matériel, et aussi et surtout sur
l'accueil spirituel.
Comment
devient-on Hospitalier?
Beaucoup
de pèlerins à leur retour se demandent: "Et
maintenant, que faire?". S'ils ont une certaine
aptitude à rendre service, s'ils ont une générosité
certaine, s'ils pensent que c'est une autre façon
de pérégriner, de faire des rencontres enrichissantes,
alors qu'ils viennent nous rejoindre, nous en aurons
grand besoin pour l'Année Sainte 99. La pratique
de langues étrangères est un plus, mais rien ne
remplace le sourire pour communiquer.
Il
faut tout d'abord distinguer plusieurs types d'Albergues.
Certains sont privés, donc payants, et tous connaissent
l'accueil de Jesus Rato ou de Maribel Roncal. D'autres
sont la création de confréries, Santo Domingo de
la Calzada par exemple, paroissiaux comme à San
Juan de Ortega et sa soupe à ail, ou Carrion de
los Condes; d'autres municipaux, souvent utilisant
le bâtiment de l'école du village désertifié. La
Junta de Galicia étant à part, ses refuges étant
tenus par des fonctionnaires, ce qui entraîne des
horaires d'ouverture assez particuliers.
D'ou
l'idée de faire des Albergues pour les pèlerins
et par les pèlerins. Les conclusions de la réunion
des H.V. de Grañon du 23 au 25 octobre 1998 indiquent
clairement: "Réaffirmer une fois de plus l'esprit
et la philosophie de l'hospitalité gratuite, et
ne pas envoyer d'H.V. dans des Albergues où on fait
payer les pèlerins".
Prenons
un exemple: comment se passe l'accueil dans un A.
de P.?.
Avec
un grand sourire, l'H.V. prend la sac du pèlerin,
pour symboliser qu'il est là pour l'aider, et lui
offre à boire. Il se présente, donne les renseignements
pratiques, tels que l'indication des douches et
WC, le détergent pour laver le linge, l'endroit
où se trouvent corde et épingles à linge, etc..
Une fois douché, le pèlerin est invité à prendre
un café au lait avec des galettes, et on lui indique
que la soupe sera servie à 20 H 30 - ce qui semble
tôt pour les espagnols - pour avoir le temps de
parler ensemble, d'évoquer les péripéties de la
journée, de raconter son histoire, de commenter
l'étape du lendemain, ce qu'il faut voir, les précautions
à prendre, etc.
Les
bains de pieds à l'eau salée avec du vinaigre, le
soin des ampoules ou des tendinites, et surtout
les séances de psychothérapie nécessaires pour se
rendre compte que le mal de pied est souvent dû
plus à une mauvaise préparation mentale qu'à une
mauvaise préparation physique. "Je crois qu'en
effet, j'ai plus mal là que là", disait une
pèlerine en montrant d'abord sa tète puis ses pieds.
L'état de fatigue qui marquait le visage du pèlerin
à la porte du refuge semble disparaître. Il est
chez lui, on lui parle, on le fait parler.
Pour
le pèlerin qui s'est nourri pendant 15 jours ou
2 mois de bocadillos, d'un morceau de pain et de
fromage, la soupe est la bienvenue. Elle apporte
le liquide, des sels minéraux, des légumes verts,
des féculents. Elle est suivie d'une salade de riz,
oeufs durs, tomates, olives, salade verte, et d'un
dessert, flan au chocolat par exemple
Le
repas du soir est toujours précédé de la bénédiction
de la table que je chantais en français, puis traduisais
en espagnol, allemand ou anglais. Je donnais l'étymologie
de "compagneros", ou compagnons, "con
pan", et je demandais à chacun d'apporter un
peu de provisions de son sac pour mettre en commun
sur la table. Le symbole du repas pris en commun
n'échappait à personne. Ce n'était pas chacun dans
son coin avec son sandwich. Après de nombreuses
heures de marche solitaire, de pensées solitaires,
de prière perpétuelle solitaire, il est bon de se
retrouver avec ses "compagnons" pour partager
ses émotions et le pain de l'amitié.
Je
cite quelques pensées à méditer pour le lendemain:
"Marcher comme si tout dépendait de toi - Prier
comme si tout dépendait de Dieu", ou "Chemin
de solitude et chemin de rencontre", et beaucoup
de pèlerins notent que c'est la première fois qu'ils
reçoivent un accueil spirituel, à part à San Juan
de Ortega. J'avais remarqué que beaucoup me disaient
quand je citais Matthieu; "J'avais faim,...","Attends,
Louis, je voudrais noter dans mon journal".
Et l'année suivante, j'avais sur étiquettes adhésives
les citations en français, espagnol, allemand. anglais
: Matthieu X9,10, 25; 35 et 36, Marc VI 8 et 9.
Une
des particularités de Grañon est qu'on y accueille
tout le monde sans demander de credential. Il n'y
a même pas de sceau au refuge, mais l'hospitalier
inscrit sur la credential quelques mots qui remplacent
bien un sceau anonyme. Par exemple les paroles qui,
au Moyen-Age, saluaient les pèlerins qui passaient
devant ta porte: "priez pour nous à Compostelle".
Chaque pèlerin est inscrit avec son prénom, son
pays d'origine, son moyen de pèlerinage, à pied.
à bicyclette, et surtout sa date d'arrivée probable
au terme de son pèlerinage, ceci afin de prier pour
lui chaque jour jusqu'à son arrivée. On lit le prénom
de chaque pèlerin qui a couché à Grañon, et qui
est encore sur le Chemin, et chacun sait que les
prières de tous l'accompagnent.
J'annonce
qu'il vaut mieux partir à la fraîche, et que le
petit-déjeuner sera servi à 5 H 30, avec café, chocolat
muesli, miel et confitures, madeleines, etc, et
si je demandais à un pèlerin anglais "John,
tes oeufs à la coque, 3 mn et 1/2 ?, il n'avait
pas l'air surpris et disait tout simplement "OK"
Grâce
à l'aide financière de deux pèlerins français. Claude
et Géo, dont je citais les prénoms, je pouvais offrir
cette nourriture, chose assez exceptionnelle sur
le Chemin, à part San Juan de Ortega et Rabanal
del Camino. Cela pouvait se faire sans faire concurrence
au commerce local, dans un village où il n'y a ni
restaurant ni épicerie parfois, comme à Hornillos
del Camino.
Je
racontais l'histoire des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem,
devenus les Chevaliers de Malte, qui servaient les
pèlerins dans de la vaisselle d'or ou d'argent,
les appelant: "Nos Seigneurs les Pauvres ".
Et il y avait toujours au bout de la table "l'assiette
du pauvre" pour perpétuer la tradition d'hospitalité.
Le
petit-déjeuner permet de chanter en canon "Frère
Jacques" chacun dans sa langue, et la séparation
se fait avec un "fuerte abrazo". Quelques
paroles comme: "Tu ne fais pas le Chemin, c'est
le Chemin qui te fait".
L'ambiance
est chaque jour différente, selon que les pèlerins
sont à pied ou à bicyclette, selon l'âge, la sensibilité,
le désir de communication aussi.
La
connaissance des besoins ou des souhaits des pèlerins
est indispensable pour être hospitalier. Pour moi,
le principe de la gratuité est primordial, même
si ce n'est pas l'opinion des autorités espagnoles.
Cette gratuité que je réclame, c'est peut-être pour
remercier tous les Espagnols qui de nombreuses années
m'ont reçu si souvent et si bien.
Merci
de votre attention.
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