Donativo
(Louis Mollaret)
Donativo
(Louis Mollaret) PDF
2015,
l’année du donativo
Ce
mot devenu fétiche dans le monde pèlerin désigne
une façon de payer un hébergement sur le chemin
de Compostelle. A son départ du gîte, le pèlerin
dépose discrètement dans une boîte ou un tronc le
paiement qui lui semble convenir pour la prestation
qu’il a reçue.
Ce
mode de paiement permet "aux plus démunis de
profiter aussi du bénéfice du chemin de Compostelle".
Ils peuvent ne rien mettre dans la boîte, ou juste
selon leurs moyens. Le système fonctionne à condition
que certains donnent une somme supérieure, coût
de la prestation pour l’hébergeur, le "donativeur".
Le
donativeur se trouve transformé en collecteur des
dons des plus généreux. Si la collecte ne couvre
pas les besoins, et s’il n’a pas la vocation de
faire lui-même la charité en s’appauvrissant, il
finit par mettre la clef sous la porte. Il peut
aussi modifier le système en suggérant un donativo
minimum, les montants à déposer, ou en supprimant
l’anonymat du don au départ ….
Les
donativeurs peuvent être des municipalités, des
associations, ou des personnes. Parmi elles, beaucoup
d’anciens pèlerins. Ils souhaitent "rendre
ce qu’ils ont reçus sur le chemin". Mais aussi,
ils rêvent de prolonger l’ambiance du chemin. Ouvrir
un donativo, c’est s’offrir chaque soir une tablée
cosmopolite pour parler du chemin, comme le confie
cette pèlerine :
J’ai
fait le chemin de Compostelle du Puy en Velay à
Saint Jean Pied de Port, puis une partie du chemin
espagnol. J’ai trouvé cette Aventure exceptionnelle.
Alors, j’ai acheté une maison sur le Chemin, dans
un village qui voit passer des dizaines de pèlerins
chaque jour, pour la partager avec ces marcheurs.
Les soirées sont très riches et conviviales … avec
des pèlerins de nationalités et d’horizons très
différents, Bretons, sud Africaines, Brésiliens,
Américains, Anglais ! L’ambiance entre pèlerins
est énorme …
L’extrait
ci-dessous du document de l’évêque du Puy, publié
en novembre 2015 sous le titre Les accueils tenus
par les chrétiens sur le chemin de Saint-Jacques,
montre que l’Eglise bénit ce système
http://www.catholique-lepuy.cef.fr/Les-accueils-tenus-par-les.html
Donativo
(LePuy)
:
Sur
ces chemins de pèlerinage, de renouveau, de rencontre,
l’accueil est un patrimoine spirituel inaliénable
que l’Église cherche sans cesse à encourager, et
notamment sous la forme d’hospitalité des "donativo",
où l’accueil se fait dans une grande liberté de
participation financière, et offre des services
spécifiques : accueil des démunis, partage entre
pèlerins, propositions spirituelles… Leur présence
est un témoignage et un bienfait pour le chemin
de Saint Jacques et pour bon nombre de pèlerins.
Les "donativo" sont une des diverses formes
d’accueil sur la route, et contribuent, modestement
mais sûrement, à ce que le chemin soit accessible
à tous, en particulier aux plus pauvres.
Le
nombre croissant d’hébergements proposant le donativo,
est une source d’inquiétudes, et parfois de plaintes
des hébergeurs classiques, soumis à des règles commerciales
strictes. A leurs yeux et selon leur expérience,
les donativos sont une concurrence déloyale.
Certains
écrits de pèlerins opposent le donativo aux pratiques
commerciales avec des jugements bien différents.
Le patron d’une auberge ou d’un hôtel reçoit des
clients qu’il exploite pour son profit en vendant
ses prestations. Le donativeur accueille des amis
ou des frères, il leur offre le gîte et le couvert,
sans attendre une rémunération mais un don. La réalité
n’est elle pas plus complexe ? Les pèlerins peuvent-ils
se contenter de ces jugements sommaires ? Le pèlerinage
a un coût, ne pas soupçonner ceux qui en vivent,
chercher à comprendre les situations et les personnes
pourrait aussi relever de l’esprit du pèlerinage.
Le
grand avantage du donativo est, en effet, d’être
un don, offert en échange de l’hébergement fourni
par le donativeur. Fiscalement parlant, un don ne
se déclare pas.
S’agissant
de concurrence, la première question soulevée a
été celle des taxes de séjour que les donativos
ne collectaient pas. Cette question, sans doute
marginale, a été jugée par le tribunal de Rodez
en 2009. Voici comment ce jugement est présenté,
en 2010, dans un entretien publié par un blog du
site du Pèlerin Magasine :
"…
en l’état de ces textes (code général des collectivités
territoriales, article L 2333-26 et suivants, articles
R 2333-43 et suivants), le législateur […] n’a point
manifesté son souhait d’imposer (dans le sens de
prélever un impôt) les activités dites spirituelles,
d’accueil, d’entraide et de partage, exemptes de
rémunération, ce qui permet assurément à un accueil
bénévole sur le chemin de Saint-Jacques d’affirmer
qu’il "doit absolument persister dans notre
société des espaces de vie bénévoles et non lucratifs,
assurant une grande part du lien social".
Cette
présentation appelle des commentaires et des questions.
Le jugement porte sur des activités "exemptes
de rémunération". Est-ce bien le cas des prestations
proposées en donativo ? L’accueil de pèlerins comprenant
la fourniture d’un hébergement avec repas, couchage
et douche peut-il être inclus dans des "activités
dites spirituelles" ? Cette façon de jouer
sur les mots a sans doute été proposée par un bon
avocat. Peut-elle pour autant satisfaire les professionnels
de l‘hôtellerie ?
Le
soupçon de concurrence déloyale s’estompe si les
prestations des donativeurs sont de moindre qualité
et proposent un autre contenu. A qualité égale,
les donativos offrent d’autres propositions : échanges,
conseils, temps de prière qui ne figurent pas dans
les offres commerciales, pas plus que le repas pris
en commun auquel beaucoup de pèlerins sont sensibles.
Ces propositions augmentent-elles le coût des prestations
à la mesure de l’avantage que représente l’absence
de déclaration des dons ?
La
pratique du donativo comme collecte de dons pour
les plus démunis, décrite plus haut, reste couverte
par le secret des dons. Il faut certes savoir faire
confiance. Mais n’est il pas compréhensible que
des commerçants, soumis à une certaine transparence
et aux déclarations fiscales, s’inquiètent de cette
zone d’ombre couvrant les recettes d’autres prestataires
?
Souvent
retraité, le donativeur est bénévole, et n’attend
pas de rémunération de son temps. Il est parfois
assisté d’hospitaliers eux-mêmes bénévoles. A prestations
équivalentes, il est forcément moins cher que le
commerçant qui doit gagner sa vie. N’y a-t-il pas
là une source de concurrence déloyale ?
D’autres
questions mériteraient d’être posées. Il est clair
que chaque conflit est un cas particulier qui mérite
examen en tant que tel. L’importance économique
prise par le pèlerinage impose, nous semble-t-il
de revoir certaines règles en vue de plus de clarté
et de transparence. Les associations de pèlerins
n’auraient-elles pas là un rôle à jouer ?
A
côté des "donativeurs professionnels",
qui peuvent recevoir jusqu’à 15 personnes, existent
des familles d’accueil qui ouvrent leur porte occasionnellement
aux pèlerins, et reçoivent gratuitement, sans même
solliciter de don au départ. Ce type d’accueil nous
semble être le seul méritant les encouragements
sans réserve de l’Eglise.
--------------------------------------------------------------------
retour
à Q.Pratique retour
home
|