Donativo
(Louis Mollaret - SaintJacquesInfo)
Donativo
(Mollaret-SaintJacquesInfo) PDF 
http://lodel.irevues.inist.fr/saintjacquesinfo/index.php?id=1468
Des
scellés sur les lits d’un accueil chrétien sur les
chemins de Compostelle ont fait sensation : Beaucoup
de bruit pour rien ou réel problème ?
Donativo,
mot fétiche du pèlerinage contemporain - Louis Mollaret,
2015
a vu naître un conflit juridique qui a attiré l’attention
sur la pratique du donativo comme moyen de paiement
des hébergements sur les chemins de Compostelle.
Nous proposons des pistes de réflexion
Résumé
Le
donativo est d’invention récente. Il n’est lié à
l'histoire du pèlerinage à Compostelle que depuis
le début des années 1980, mais tend à devenir un
nouveau mythe. Après en avoir rappelé la définition,
l'article examine quelques pratiques, pose des questions
pour étudier la question de la concurrence avec
les hébergements commerciaux, et interroge la position
de l’Eglise, car beaucoup d’accueils chrétiens pratiquent
le donativo. La question de la concurrence entre
divers types d’hébergement mérite un examen au plus
proche possible du terrain. Il en va de l’intérêt
commun. Quel rôle peuvent jouer les associations
de pèlerins ?
Table
des matières
-
Vous avez dit donativo ?
-
Une pratique de plus en plus répandue
-
Qui pratique le donativo ?
-
Réflexions sur la concurrence
-
Et l’Eglise ?
-
Donativo et hospitalité
------------
Vous
avez dit donativo ?
Ce
mot espagnol signifie "don, présent ou offrande". Un donativo
est un don qu’un prestataire attend en échange d’un
service. Son montant - en principe inconnu du prestataire, puisque
déposé anonymement dans un tronc - est laissé
à l’appréciation du bénéficiaire.
Contribution financière non obligatoire, il s'oppose à
prix ou tarif, mais n’est en aucun cas synonyme de
gratuité.
Par extension le même mot désigne le
prestataire acceptant ce mode de paiement, voire la prestation, et
s'utilise comme adjectif ou adverbe. Il est devenu omniprésent
dans le langage pèlerin :
Le
"refuge des Etoiles est donativo"; "le
repas est payant mais le couchage est donativo",
ou "Madame Emilie est donativo"; "le
gîte est payant, mais une séance de relaxation est
proposée en donativo"; à cette étape il n'y
a pas de donativo; les donativos de fruits et boissons
sont plus appréciés que les distributeurs de Coca-Cola.
Une
pratique de plus en plus répandue
Engagés
dans une démarche chrétienne, les premiers pèlerins
du XXe siècle se tournèrent naturellement vers les
curés pour trouver un gîte, au presbytère ou dans
un local paroissial. Et ceci jusque dans les années
1990. Les curés répondirent à ces sollicitations
à la mesure de leurs moyens. Sans besoin immédiat
de rentabiliser des prestations, au demeurant modestes
à l’origine, et peu habitués à vendre leurs services,
ils se contentèrent de recevoir ce que le pèlerin
voulait bien donner. Ainsi naquit le donativo.
En
Espagne, le développement du pèlerinage conduisit,
à partir du début des années 1980, à l’aménagement
de locaux d’accueil pour les pèlerins, à côté, ou,
en l’absence, d’hébergements commerciaux. Ces initiatives
vinrent le plus souvent de prêtres ou de paroisses
qui ne pouvaient plus satisfaire les demandes, ou
souhaitaient mieux accueillir les pèlerins. La plupart
choisirent la formule du donativo, dans l’esprit
désintéressé de la charité vécue en Eglise. Le cas
de Grañon, où il était offert au pèlerin de puiser
dans la caisse du donativo s’il était dans le besoin,
reste la manifestation la plus exemplaire de cet
esprit.
En France, le premier accueil donativo a
été l’Hospitalité Saint-Jacques à Estaing dans le
diocèse de Rodez, née de l’initiative d’Elisabeth
et Léonard Tandeau de Marsac,et Louis-Marie Gousseau,
en 1992. Leur intuition, allant plus loin que les
initiatives espagnoles, fut de créer une communauté
laïque au service des pèlerins. Leur projet a été
approuvé, facilité, puis officialisé par l’Eglise.
Il ne s’agissait plus de proposer un simple hébergement,
mais bien un accueil par une communauté partageant
sa vie de foi.
Une
floraison d’accueils privés, publics ou associatifs
pratiquant le donativo a accompagné l’augmentation
constante du nombre de pèlerins, beaucoup se déclarant
,accueils chrétiens,. La pratique est peu à peu
entrée dans la mentalité pèlerine, au point qu’elle
est considérée comme une tradition du pèlerinage.
Elle est même devenue un des éléments constitutifs
de l’esprit du chemin, au même titre que tolérance,
ouverture, liberté, fraternité... et certains pensent
que sa disparition ,dénaturerait le chemin,.
Qui
pratique le donativo ?
Le
nombre croissant d’hébergements proposant le donativo
est une source d’inquiétudes, et parfois de plaintes
des hébergeurs classiques, soumis à des règles commerciales
strictes. A leurs yeux et selon leur expérience,
les donativos sont une concurrence déloyale. Qui
sont donc ces concurrents ?
Comme
les raisons de prendre le chemin, les raisons de
s’installer durablement au service des pèlerins
dans une relation non commerciale sont multiples,
et propres à chacun, individus, municipalités, paroisses,
associations...
Une
première motivation, commune à tous, est résumée
par cette affirmation généreuse qui ne fait d’ailleurs
pas l’unanimité chez les pèlerins :
"Le
bénéfice du pèlerinage est tel que nul ne doit en
être privé quels que soient ses moyens".
Le
donativo est présenté comme une – sinon LA – solution
facilitant l’accès du pèlerinage à tous.
Une
seconde motivation est propre aux anciens pèlerins,
soucieux de "rendre ce qu’ils ont reçu sur
le chemin". Ils ont été à ce point marqués
par leur "Aventure" qu’ils rêvent de la
faire durer, de continuer à vivre l'ambiance et
l’esprit du chemin, nourri de partages et de rencontres,
de gratuité et de charité. Ils souhaitent le faire
découvrir et le transmettre en proposant de l'expérimenter.
Ils s’installent sur le chemin pour y pratiquer
un accueil permanent :
"J’ai
fait le chemin de Compostelle du Puy en Velay à
Saint Jean Pied de Port, puis une partie du chemin
espagnol. J’ai trouvé cette Aventure exceptionnelle.
Alors, j’ai acheté une maison sur le Chemin, dans
un village qui voit passer des dizaines de pèlerins
chaque jour, pour la partager avec ces marcheurs.
Les soirées sont très riches et conviviales … avec
des pèlerins de nationalités et d’horizons très
différents, Bretons, Sud Africains, Brésiliens,
Américains, Anglais ! L’ambiance entre pèlerins
est énorme …"
Collectives
ou individuelles, ces initiatives créent des "donativeurs",
sorte de professionnels du donativo. Le donativeur
attend, de ceux qui peuvent contribuer au-delà du
coût de la prestation reçue, une compensation pour
ceux qui paient moins, voire ne peuvent ou veulent
pas payer. Il collecte ainsi des dons lui permettant
d’exercer la charité.
Des
professionnels du secteur touristique proposent
eux aussi aux pèlerins des formules donativo à côté
de leurs prestations traditionnelles. Ainsi un hôtel
restaurant peut-il proposer une tente ou un mobile-home
en donativo, voire un simple emplacement de camping,
avec accès aux sanitaires en donativo, et la restauration
selon les modalités classiques. Il existe aussi
des prestataires du secteur commercial pratiquant
exclusivement le donativo pour les pèlerins.
Il
arrive aussi que le donativo soit dénaturé par des
indications sur le coût des prestations, orientant
le choix du montant du don, par la demande d’un
don minimum ou par la suppression de l’anonymat
du don.
Réflexions
sur la concurrence
Certains
écrits de pèlerins opposent le donativo aux pratiques
commerciales, avec une connotation négative pour
ces dernières. Le patron d’une auberge ou d’un hôtel
et le donativeur sont vus et jugés différemment.
Le premier reçoit des clients qu’il exploite pour
son profit en vendant ses prestations. Le second
accueille des amis ou des frères. Il leur offre
le gîte et le couvert, sans attendre une rémunération
mais un don.
La réalité n’est elle pas plus complexe
? Les pèlerins peuvent-ils se contenter de ces jugements
sommaires ? Le pèlerinage a un coût; ne pas soupçonner
ceux qui en vivent, chercher à comprendre les situations
et les personnes, pourrait aussi relever de l’esprit
du pèlerinage. Quel rôle pourraient jouer sur ce
point les associations de pèlerins ?
S’agissant
de concurrence, la première question soulevée a
été celle des taxes de séjour que les donativos
ne collectaient pas. Cette question, sans doute
marginale, a été jugée par le tribunal de Rodez
en 2009. Voici comment ce jugement est présenté,
en 2010, dans un entretien publié par un blog du
site du Pèlerin Magazine :
http://marcheurs.blog.pelerin.info/temoignage/herbergement-chretien-st-jacques-de-compostelle/
"
…en l’état de ces textes (code général des collectivités
territoriales, article L 2333-26 et suivants, articles
R 2333-43 et suivants), le législateur […] n’a point
manifesté son souhait d’imposer (dans le sens de
prélever un impôt) les activités dites spirituelles,
d’accueil, d’entraide et de partage, exemptes de
rémunération, ce qui permet assurément à un accueil
bénévole sur le chemin de Saint-Jacques d’affirmer
qu’il "doit absolument persister dans notre
société des espaces de vie bénévoles et non lucratifs,
assurant une grande part du lien social "
Cette
présentation appelle des commentaires et des questions.
Le jugement porte sur des activités "exemptes
de rémunération". Est-ce bien le cas des prestations
proposées en donativo ? L’accueil de pèlerins comprenant
la fourniture d’un hébergement avec repas, couchage
et douche peut-elle être incluse dans des "activités
dites spirituelles" ? Cette façon de jouer
sur les mots, sans doute proposée par un bon avocat,
n’est pas propre à inspirer la confiance.
Les
donativeurs sont maintenant assujettis au paiement
des taxes de séjour. Cette disposition semble équitable,
car ils reçoivent des hôtes régulièrement et à titre
onéreux (donativo n’est pas synonyme de gratuité).
Mais les inquiétudes du secteur commercial ne sont
pas limitées à la taxe de séjour.
Après
l’extrait du jugement, le blog précité poursuit
:
"
Cela permet également à l’accueil bénévole de considérer
implicitement qu’il existe deux itinéraires, l’un
touristique, commercial et onéreux, justifiant d’un
paiement d’une taxe d’état, et un autre bien antérieur,
sur lequel il (l’accueil) se trouve, le Chemin de
Saint-Jacques de Compostelle, et où il accueille
et héberge spirituellement, les pèlerins et notamment
les plus démunis d’entre eux."
Il
a été beaucoup question pendant l’été 2015 de l’accueil
bénévole de Saint-Privat-d’Allier, dont il est question
sur ce blog.
Comment
ce blog a-t-il pu rapporter sans commentaires de
pareils propos ? Cautionne-t-il la distinction entre
un itinéraire "commercial et onéreux",
sur lequel la taxe de séjour et autres impôts devraient
être acquittés, et le Chemin de Saint-Jacques de
Compostelle, où les prestations offertes contre
donativo n’ont plus qu’une dimension spirituelle
?
Indépendamment
de ce cas, il est important de s’interroger sur
d’autres éléments de la concurrence entre donativos
et hébergements commerciaux. Faute de pouvoir entrer
dans le détail de situations trop différentes, voici
quelques points d’interrogation.
Une
association peut ouvrir un gîte, et recevoir des
pèlerins aux frais de ses membres, en les faisant
servir par des bénévoles. Son statut lui permet
de recevoir des dons, qui dans une large mesure
ne sont pas déclarables, permettant à terme de nouveaux
investissements et l’extension des propositions.
Que penser de la situation de l’hébergement commercial
voisin offrant un confort équivalent ?
Les
gîtes municipaux sont financés en partie par le
budget général. Il est sain qu’en tant que service
public, une mairie ouvre un gîte, en l’absence d’autre
proposition sur son territoire, ou pour compenser
une demande trop faible pour être couverte par un
prestataire commercial.
Sur les chemins de Compostelle,
la demande croissante a engendré la création de
gîtes privés, sources de conflits quand les situations
ne sont pas analysées en temps voulu, avec le souci
de trouver localement de justes solutions.
Selon
le code du tourisme, rien n’empêche un particulier
de proposer des hébergements à son domicile, même
de façon habituelle, à condition qu’ils soient gratuits.
Le loueur n’est pas tenu à en faire la déclaration
en mairie. Le code du tourisme ne traite pas la
question du cadeau éventuel fait à son départ par
la personne hébergée.
Le
soupçon de concurrence déloyale s’estompe si les
prestations des donativeurs sont de moindre qualité
et proposent un autre contenu. La qualité matérielle
ne peut être jugée que sur la base de critères communs,
ce qui est sans doute le cas. A qualité égale, les
donativos offrent d’autres propositions : échanges,
conseils, temps de prière, ne figurant pas dans
les offres commerciales, pas plus que le repas pris
en commun, auquel beaucoup de pèlerins sont sensibles.
Ces propositions augmentent-elles le coût des prestations,
à la mesure de l’avantage que représente l’absence
de déclaration des dons ?
La
pratique du donativo comme collecte de dons pour
les plus démunis décrite plus haut reste couverte
par le secret des dons. Il faut certes savoir faire
confiance. Mais n’est il pas compréhensible que
des commerçants, soumis à une certaine transparence
et aux déclarations fiscales, s’inquiètent de cette
zone d’ombre couvrant les recettes d’autres prestataires
?
Souvent
retraité, le donativeur est bénévole, et n’attend
pas de rémunération de son temps. Il est parfois
assisté d’hospitaliers, eux-mêmes bénévoles. A prestations
équivalentes, il est forcément moins cher que le
commerçant qui doit gagner sa vie. N’y a-t-il pas
là une source de concurrence qui mérite examen ?
D’autres
questions mériteraient d’être posées. Il est clair
que chaque conflit est un cas particulier, qui doit
être examiné en tant que tel. L’importance économique
prise par le pèlerinage impose, nous semble-t-il,
de revoir certaines règles en vue de plus de clarté
et de transparence. Les associations de pèlerins
n’ont-elles pas là un rôle à jouer ?
Et
l’Eglise ?
Inspirée
par la foi chrétienne très largement partagée, encouragée
par les clercs et les seigneurs, la société médiévale
s'était organisée pour pratiquer l'hospitalité,
les pèlerins en profitaient comme les autres. Les
grands ordres religieux n’ont jamais eu l’hospitalité
pour objectif premier, mais ils ont contribué à
la développer, comme ils ont contribué au développement
technique ou économique de la société. Leurs maisons
implantées au bord des routes s’ouvraient en cas
de besoin, mais n’avaient pas l’accueil pour vocation.
Elles ont sans doute accueilli quelques pèlerins
de Compostelle au cours des siècles, sans pour autant
faire partie d’un réseau créé pour eux, comme le
veut l’histoire réécrite au début du XXe siècle.
Aujourd’hui,
les communautés religieuses, ne vivant plus de leurs
rentes, ont appris à vendre leurs produits pour
survivre, et ont ouvert des lieux d’accueil dans
des bâtiments que les congrégations ne remplissaient
plus. Celles se trouvant à proximité d’un chemin
de contemporain ont trouvé avec le pèlerinage une
nouvelle façon d’exercer leur apostolat, tout en
se procurant quelques ressources. Leur spécificité
les tient à l’écart du risque de concurrence avec
des offres commerciales. Elles jouent un rôle important
dans l’animation spirituelle du chemin de Compostelle,
sans être la seule présence chrétienne sur le chemin.
Après
avoir créé un carnet de pèlerin chrétien, la créanciale,
l’Eglise s’est intéressée à cette nouvelle dimension
du pèlerinage, sous l’impulsion de Mgr Brincard,
ancien évêque du Puy. Il a créé une association
d’hospitaliers chrétiens, Webcompostella, dont,
sauf erreur, il a été le premier président avant
de devenir membre de droit, comme "évêque du
chemin". A la création, un représentant de
l’association pour la Nouvelle évangélisation en
faisait également partie. Le nouveau site présente
ainsi l’association :
"Notre
association a pour objet :
–
de créer sur Internet une communauté regroupant
les amateurs de pèlerinage et les différents intervenants
de la route de Compostelle : avant, pendant et après
le pèlerinage,
–
d‘apporter par là une assistance et des services
aux pèlerins au plan culturel, artistique et spirituel."
Bien
qu’un évêque soit toujours membre de droit (actuellement
Mgr Aillet, évêque de Bayonne), Webcompostella n’est
plus communauté d’hospitaliers chrétiens comme à
l’origine. Dans le même temps, des accueils chrétiens
de plus en plus nombreux donnent à l’Église une
certaine responsabilité dans la façon dont elle
prend en charge le pèlerinage et influence les mentalités
pèlerines.
En novembre 2015, Mgr Luc Crepy, successeur
de Mgr Brincard au Puy-en-Velay, a publié une déclaration
dont voici un extrait :
"Le
long des chemins de Saint Jacques si parcourus depuis
20 ans, les offres d’hébergements se sont multipliées
pour permettre aux pèlerins de faire halte au cours
de leur marche. Parmi tous ces hébergeurs, des anciens
pèlerins, dont bon nombre de chrétiens, ont ouvert
leur porte pour offrir l’hospitalité à ceux qui
marchent vers Santiago. Ils s’inscrivent ainsi dans
plus de dix siècles d’aide désintéressée aux pèlerins,
dans la plus grande tradition évangélique du Bon
Samaritain et des pèlerins d’Emmaüs qui nous font
reconnaître le visage du Christ chez notre hôte
en nécessité. Cette hospitalité est échange de dons,
de confiance et de solidarité, et certains de ces
lieux d’accueil portent le souci plus particulier
d’accueillir notamment les plus démunis, qui ne
pourraient effectuer le pèlerinage sans cette libéralité.
Il est bon dans notre société contemporaine de veiller
à laisser des espaces de liberté et de gratuité,
surtout dans un contexte de crise économique et
financière. Ces lieux essaient d’être signes pour
tous de la confiance et de l’entraide possibles
dans un monde où souvent prédomine une simple logique
matérielle et lucrative, et où les plus démunis
sont rejetés aux périphéries de nos sociétés."
Sur
ces chemins de pèlerinage, de renouveau, de rencontre,
l’accueil est un patrimoine spirituel inaliénable
que l’Eglise cherche sans cesse à encourager, et
notamment sous la forme d’hospitalité des "donativo",
où l’accueil se fait dans une grande liberté de
participation financière, et offre des services
spécifiques : accueil des démunis, partage entre
pèlerins, propositions spirituelles… Leur présence
est un témoignage et un bienfait pour le chemin
de Saint Jacques et pour bon nombre de pèlerins.
Les "donativo" sont une des diverses formes
d’accueil sur la route, et contribuent, modestement
mais sûrement, à ce que le chemin soit accessible
à tous, en particulier aux plus pauvres".
Il
y a certes de la place pour tous types de prestations.
Mais tous les prestataires ne doivent-ils pas être
associés progressivement à l’esprit du chemin ?
Il n’appartient pas à une association qui se consacre
à l'histoire de traiter de questions pastorales.
Tout au plus peut-elle rappeler et commenter des
faits, des légendes ou des textes.
Le
quotidien La Croix du 6 août 2015 a consacré des
articles à ces questions, en rendant bien compte
de la complexité d’une situation dans laquelle l’Eglise
se trouve, volens nolens, engagée, puisqu’il s’agit
in fine de la définition d’une présence chrétienne
dans une pratique qui s’est laïcisée. Toutefois,
le donativo y est présenté d’une façon qui mérite
des commentaires.
Parmi
les hébergements qui se sont ouverts, gîtes privés
ou communaux, chambres d’hôtes, communautés religieuses,
certains ont fait le choix de maintenir la tradition
ancestrale du donativo, offrant gîte et couvert
à la libre participation du pèlerin. Une manière
de préserver un esprit de gratuité et de charité
évangélique sur le chemin.
Le
qualificatif "ancestrale" appliqué à une pratique
considérée comme une "tradition" n’est
adapté qu’en référence à la tradition
d’hospitalité présente dans le fond de
l’expérience de l’humanité. Cette tradition
d’accueil du voyageur, de l’étranger, n’est
pas spécifique des pèlerinages" et encore moins de
Compostelle.
Le
rattachement explicite du donativo à "l’esprit
de gratuité et charité évangélique"» est de
nature à induire en erreur. Une prestation proposée
en donativo ne l’est pas en référence à l’esprit
de gratuité. Elle propose un don, impliquant un
échange. Le donativeur est enrichi spirituellement
de la relation avec le pèlerin qu’il reçoit. Mais
il est également enrichi financièrement par les
pèlerins dont le don dépasse le coût des prestations
qu’il offre, ce qui lui permet de tolérer des dons
de montant inférieur à ce coût.
Donativo
et hospitalité
L’image
d’une hospitalité idéale transparaît derrière l’article
de La Croix et dans nombre de publications. Elle
est portée par celle du pieux pèlerin médiéval,
reçu et honoré parce qu’il va "prier pour nous
à Compostelle", exerçant ainsi une sorte de
fonction sociale. Il arrive aussi que le pèlerin
contemporain soit comparé aux disciples que Jésus
a envoyés deux par deux, "sans bourse et mangeant
ce qui leur est offert" en leur disant "qui
vous écoute m’écoute, qui vous accueille m’accueille"
? Comparaison sans doute exagérée.
L’hospitalité
plonge ses racines dans les profondeurs de la mémoire
humaine. Pour les monothéismes, le plus ancien témoignage
d’hospitalité est celui d’Abraham. Ayant accueilli
des inconnus, il reçoit en échange la promesse d’une
descendance. Il ne s’est pas préoccupé de la qualité
de ceux qu’il recevait. L’étranger quel qu’il soit
mérite d’être accueilli.
Cette
solidarité fondamentale a été précisée par saint
Matthieu au chapitre 25 de son Evangile, dans la
parabole du jugement dernier. Là est la source des
œuvres de Miséricorde qui ont éclairé l’hospitalité
médiévale, et ont poussé les hommes à les organiser
collectivement. Les nombreux établissements hospitaliers,
établis pour accueillir les pauvres, passants et
pèlerins, en témoignent.
Les
organismes sociaux contemporains en sont les héritiers.
Ils ne couvrent pas tous les besoins. Les initiatives
que prennent les pèlerins qui deviennent donativos,
les associations de pèlerins et les municipalités
répondent à leur manière à la prise en charge des
plus démunis pour qu’ils puissent aussi avoir accès
au bénéfice du pèlerinage.
Cet objectif est noble.
Il se comprend de la part de ceux qui ont vécu leur
chemin de Compostelle comme l’Aventure qui a bouleversé
leur vie. Ce n’est pas le cas de tous les pèlerins.
Ce ne sera pas le cas de tous ceux que la publicité
pour Compostelle incite à prendre le chemin. Beaucoup
des initiatives généreuse prises pour les pèlerins
pourraient élargir leur regard à d’autres publics
pour mieux contribuer à la santé du corps social.
Déjà certaines municipalités ouvrent les mêmes gîtes
aux SDF et aux pèlerins. Une façon sans doute de
répondre aux soucis des hébergeurs traditionnels.
-------------
Pour
citer ce document
Louis
Mollaret, «Donativo, mot fétiche du pèlerinage
contemporain», SaintJacquesInfo,
L'hospitalité,
Pèlerinage et société, mis à jour le : 05/01/2016,
URL
: http://lodel.irevues.inist.fr/saintjacquesinfo/index.php?id=1468
Louis
Mollaret, Président de la Fondation David Parou
Saint-Jacques
louis.mollaret@saint-jacques.info
---------------------------------------
retour
à Q.Pratique
retour
home
|