Pensées
sur le donativo
Lucette
et Jean Louis (Auberge des 2 Pèlerins)
Les Zoreilles
du Chemin
n° 46 (oct 2014)
A tous les hébergeurs et hébergés du chemin,
voici notre réflexion sur le don.
Hébergeur, Toi qui pratiques le donativo, c’est
par amour, par passion, par esprit de service, par conviction religieuse
que tu accueilles le pèlerin. Toi qui pratiques le donativo, tu
procures au pèlerin un lit, et souvent le couvert, et tu ne demandes
rien en échange: la participation est libre, chacun
donne ce qu’il veut ou peut. Toi qui pratiques le donativo, ta générosité
désintéressée enchante ceux qui passent chez toi, et sans aucun doute
regardent-ils d’un autre oeil la spiritualité et la religion.
Toi qui pratiques le donativo, véritablement et sincèrement, tu as le sentiment
de faire une bonne action.
Mais regarde au-delà des pèlerins que tu accueilles,
prête attention à ceux qui les accueillaient déjà avant ta venue.
Oh ! Ils ne pratiquent pas le donativo, mais ils ne sont pas tous, loin
de là, des commerçants dont les dents acérées guettent le
porte-monnaie des pèlerins. Oh ! Ils ne pratiquent pas le donativo,
mais ils ne sont pas les scélérats passeurs de gué qui détroussaient
le pèlerin et le noyaient. Ils ne pratiquent pas le donativo,
et
la grande majorité d’entre eux sont des autochtones; pour eux la
participation des pèlerins constitue le complément alimentaire nécessaire
qui les tient au pays. Ils ne pratiquent pas le donativo, mais
ils paient taxes, charges, impôts et remboursements d’emprunts,
effectués pour créer leur gîte: Ils se soumettent à la réglementation.
Ils ne pratiquent pas le donativo, mais regarde-les
! Ils sont au désespoir de voir les pèlerins s’arrêter de moins en moins
souvent chez eux, alléchés qu’ils sont par la publicité
qui est faite aux donativo dans les guides du chemin, sur internet et sur
les panonceaux. Quelques-uns arrêtent l’accueil, d’autres se
retrouvent au chômage.
Crois-tu qu’une action qui porte de si mauvais
fruits puisse être bonne ? L’arbre ne doit-il pas être jugé aux
fruits qu’ils donnent ? Et pourtant tu es un être généreux… Et pourtant…
C’est vrai que cette générosité doit perdurer sur le chemin.
Sans elle, l’esprit du chemin n’existe plus.
Eh oui… C’est vrai que le don doit être… Le don...
Mais pas le donativo qui n’a de commun avec le don que les premières
lettres ! Nous avons recherché dans l’évangile une définition
du don, puisque c’est l’esprit religieux qui pousse en général
au donativo. Et nous avons trouvé. Au chapitre 6 de l’évangile.
Matthieu cite Jésus: "Gardez-vous de pratiquer votre justice (l’aumône,
la prière et le jeune) devant les hommes, pour vous faire
remarquer d’eux; sinon, vous n’aurez pas de récompense auprès
de votre père qui est dans les cieux. Quand donc tu fais l’aumône,
ne va pas le claironner devant toi; ainsi font les hypocrites, dans
les synagogues et les rues, afin d’être glorifiés par les hommes; en vérité je vous le
dis, ils tiennent déjà leur récompense. Pour
toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fais ta main
droite, afin
que ton aumône soit secrète; et ton père qui
voit dans le secret te le rendra."
Ne paraissent concernés a priori que ceux qui
sont religieux, mais en fait, au-delà de la religion, ne s’agit-il
pas là de paroles de sagesse ? Ne s’adressent-elles pas à tous ? "Claironner
devant soi" sous forme de panonceaux, de mention dans
les guides, sur internet que l’on est généreux, n’est-ce pas
au bout du compte vouloir attirer le chaland ? Ainsi font "les hypocrites" qui s’imaginent
être généreux ! Ceux-là tiennent déjà leur récompense.
Pas un ne mérite d’éloges ! Cette attitude est bien loin
du véritable don qui doit être discret: que ta main gauche ignore
ce que fais ta main droite. Le don ne regarde que celui qui donne
et celui qui reçoit.
Quant à toi, hébergeur qui déplore l’existence
des "donativo", es tu prêt à servir l’esprit du chemin, à faire preuve
d’esprit de générosité ? Es-tu capable de donner sans te poser de questions
sur les qualités de celui qui demande, sans mettre en
doute, à priori, sa pauvreté, sa sincérité ?
Toi hébergeur, certainement as-tu rencontré des
jeunes et des moins jeunes dont le budget paraissait juste,
mais qui souhaitaient partager le repas ou passer la nuit. Aussi, parfois,
t’arrive-t-il d’accueillir alors, et donne-tu alors sans tapage. Et là, ce
geste est dans l’esprit. Et quand, certain soir, un quidam pèlerin
propose le paiement de ce repas, de cette nuit que tu envisageais
de fournir gratuitement, c’est encore tout à fait dans l’esprit. Mais
lorsque le quidam pèlerin demande à le faire dans la discrétion,
sans que personne
ne le sache , surtout pas le bénéficiaire du
don, n’est-ce pas là le véritable esprit du chemin ? La vraie générosité
?
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