Grand
débat sur le Donativo ou libre-participation
Luc
De Raal (article de Webcompostela)
(Zoreilles
du Chemin n° 37)
Dans
certaines villes-étapes du Chemin, cette année 2013
a vu un déferlement de combats, de lettres de dénonciation,
de plaintes, de coups bas... Objet de cette guerre
stupide : le fait que certains hébergements
appliquent
la règle de la libre-participation aux frais.
Voici
un article qui traite de ce sujet ô combien brûlant
:
Le
"Donativo" ou libre participation à toujours
existé sur les chemins de pèlerinage, dans la mesure
où l'étranger "pèlerin" était le bienvenu,
lorsqu'il frappait à une porte et demandait assistance.
Bien sûr, il n'était pas logé et nourri gratuitement,
celui qui marchait vers saint Jacques ou tout autre
pèlerinage ! Mais rarement il était question d'argent,
plus souvent de services, de petits travaux, ce
qu'aujourd'hui notre société déshumanisée appellerait
"travail au noir" !
Cette
pratique de l'accueil libre de l'étranger était
particulièrement développée dans les hospitalités
religieuses, couvents, monastères, communautés laïques
ou religieuses, et quelques familles chrétiennes
qui voyaient dans cet accueil la possibilité de
partager ce qu'elles avaient reçu. Accueillir un
frère pèlerin était vécu comme une grande joie,
un honneur, une grande chance, mais aussi un devoir,
comme l'a si bien dit le Père Ihidoy "Le Christ
est accueilli en tout frère que l'on reçoit".
C'est
tout naturellement que, lors de la reprise des pèlerinages
vers Saint Jacques de Compostelle, se sont développés
sous l'impulsion de prêtres, moines et communautés
de soeurs, des lieux d'accueils chrétiens, sur la
voie du Puy-en-Velay, qui ouvraient leur porte à
celui qui frappait, et l'accueillaient en frère,
partageaient le repas, proposaient la nuitée, et
présentaient une urne où l'hôte pouvait déposer
son obole ! Sous cette impulsion dans les années
1995/96, des familles souvent pèlerines, et ayant
(re)trouvé le sens de leur Foi en réalisant le Chemin,
ont emboîté le pas des religieux pour ouvrir leur
porte aux pèlerins, en "donativo" et dans
une démarche essentiellement chrétienne. Certaines
de ces familles sont toujours actives sur le chemin
du Puy aujourd'hui.
Au
début des années 2000, on a vu se développer, sous
l'impulsion d'Associations Jacquaires, un autre
type d'hébergement "donativo", que l'on
a choisi d'appeler "Accueils Jacquaires".
En général, mais pas toujours, ce sont d'anciens
pèlerins qui, dans un esprit humaniste et de partage
de leur expérience du chemin, ont voulu ouvrir leur
porte aux pèlerins. Cette démarche s'est répandue,
notamment sur les secteurs des chemins vers Saint
Jacques où l'hébergement traditionnel commerçant
était inexistant
Le
développement de la publicité autour du Chemin de
pèlerinage, qui est devenu "chemin de Compostelle"
pour ne pas trop marquer de connotation religieuse
(ou pour l'effacer complètement), a entraîné le
développement de l'offre commerciale qui va avec.
Chambres d'hôtes, gîtes, hôtels ont fleuri, et ont
commencé à s'offusquer, se plaindre, chercher des
"noises" à tous ces lieux d'hébergement
(qui pourtant étaient bien souvent là avant eux)
qui, à leurs yeux "représentaient une concurrence
déloyale !
De
2006 à 2010, grâce la pugnacité de certains accueillants
et à un avocat qui s'est impliqué dans le dossier,
il a fallu défricher et mettre en lumière les règles
de droit, les textes et les jugements qui permettent
aujourd'hui à ces lieux d'accueils d'exister légalement,
et de résister aux pressions "politico-culturello-commerciales"
! Je ne détaillerai pas ici les diverses difficultés
rencontrées, chacun les cornait aujourd'hui, mais
tout cela était resté dans la limite du raisonnable
ou du supportable.
2010
marque un tournant important pour le "donativo".
Année Jacquaire (Année Sainte pour nous chrétiens
qui l'avons vécu avec une Foi particulière), que
d'aucun voulait chargée d'une foultitude de randonneurs
pèlerins marchant vers Compostelle. Tout d'abord,
si l'on n'est pas chrétien, année sainte égale folklore,
donc pourquoi partir sur le chemin cette année là
? Et puis, s'il y a plein de monde, quelle horreur
! Résultat, stagnation de la fréquentation du chemin,
qui depuis marque vraiment le pas. Pour tous les
hébergements qui ont misé sur la surfréquentation,
ont investi, créé de nouveaux lieux, c'est un fiasco.
Les prix sont dorénavant trop élevés pour la "clientèle",
beaucoup de gîtes et de chambres d'hôtes sont aujourd'hui
à vendre, et il fallait trouver un "bouc émissaire".
Tout
est la faute des "donativo" ! Les relations
déjà fragilisées sont devenues très tendues, voire
agressives, et le climat vire depuis 2013 à la délation
sous toutes ses formes. Les lettres de mauvaise
impression se multiplient à la demande de certains
hébergements commerciaux peu scrupuleux qui cherchent
à éliminer des guides les accueils chrétiens, qu'ils
soient "donativo" ou à tarifs adaptés.
L'équipe
de Webcompostella a dû d'ailleurs intervenir à plusieurs
reprises pour aider certains hébergeurs amis désespérés
par ces attaques injustifiées. Je pense donc qu'il
est grand temps de réagir, et de placer quelques
balises ou principes que je considère comme infranchissables,
ligne rouge au-delà de laquelle l'accueil du pèlerin
deviendrait problématique, et le chemin n'aurait
plus d'autre sens que le GR 20 en Corse ! Voilà
quelques grands principes à sauvegarder:
-
L'accueil dans la famille, sans tarif, de celui
qui frappe, est légal, faire de l'information dans
les guides à ce sujet est légal, avoir une boîte
où chacun laisse ce qu'il veut est légal, et tous
les éléments juridiques à ce sujet sont disponibles
sur notre site.
-
Etre dans un cadre commerçant et en "donativo"
est possible, nous avons une chambre d'hôtes qui
fonctionne ainsi depuis un an et demi, elle paye
ses charges et impôts, et pour l'heure il n'y a
pas d'incompatibilité juridique et fiscale.
-
Les "donativo", tout comme les accueils
chrétiens proposant des tarifs abordables (23-24
euros la demi-pension), qui acceptent d'accueillir
celui qui n'a rien, n'ont pas à prendre en charge
les errements provoqués par les tarifs exorbitants
de certains hébergements. Celui qui choisit d'aller
dans un accueil chrétien en accepte les règles;
si les lieux ne lui conviennent pas, tout le monde
le comprend, et il va ailleurs. Il n'est pas question
de proposer dans ces accueils des "prestations
et autres gadgets" du trois étoiles à 50-60
euros la nuitée.
-
Il va falloir réagir dorénavant chaque fois que
les exigences de certains dépassent le cadre de
l'accueil chrétien du frère. Faire remonter et signaler
les cas ! En conclusion, voici quelques remarques
que chacun fera bien de réfléchir avant de me vilipender
:
Les
accueils chrétiens sur le Chemin de Saint Jacques
sont des phares dans l'obscurantisme de cette nouvelle
religion que l'on appelle consommation (Consommer
du chemin par exemple). Ils apportent une lumière
sociale irremplaçable, vont dans le sens du partage
et du don de soi au service de l'autre, et à travers
cette démarche largement demandée par le Pape François,
participent au grand mouvement d'évangélisation
dont le monde à tant besoin. Tout au long du chemin
ces accueils sont là pour être au service des pèlerins
qui acceptent ce que l'accueil leur offre, n'exigent
rien et partagent.
De
Saint-Privat-d'Allier à Saint-Jean-Pied-de-Port,
en passant par Saint-Côme, Bonneval, Estaing, Le
Soulié, Conques, la Sentinelle, Livinhac, Figeac,
Moissac, Eauze, Lectoure, Aire-sur-l'Adour, Uhart-Mixe...,
et j'en oublie (mais ils sont tous sur notre site
webcompostela), ils vous attendent, ami(e)s pèlerins
et pèlerines, et sauront vous apporter la chaleur
qui vous permettra de poursuivre votre chemin, et
tous ces lieux ne sont pas prêts à faillir à leur
mission.
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