To
be pèlerin or not pèlerin...
Gilbert
gfe_web@aliceadsl.fr
Zoreilles
du Chemin n°24 Juin 2012
(humour...)
Haro
sur le randonneur ! Ce vil escroc qui vient nous
corrompre notre beau chemin de Compostelle. Chemin
qui devrait toujours garder sa belle pureté d’origine.. Et
c’est qu’ils sont de plus en plus nombreux, les
bougres !
A
cause de quatre d’entre eux, nous avons bien failli,
avec mon épouse, nous retrouver sans toit à la sortie
de l’Aubrac : tous les gîtes étaient pleins, et
nous avions commis la "douce folie" (ou
confiance en la providence) de ne pas réserver notre
gîte par téléphone, ni la veille, ni le matin. Contrairement
à nos malandrins. Les gîtes étaient plein de randonneurs
ayant réservé, mais n’étant pas encore arrivés.
Nous, nous étions arrivés, mais sans avoir réservé
!
Alors,
suite à tant d’articles sur ces "mauvais pèlerins
qui gâtent tant notre beau chemin", je m’interroge
: qui sont les mauvais pèlerins ? Sommes-nous, nous-mêmes,
de vrais bons pèlerins ? Assurément oui (à première
vue) ! Et eux ? Assurément non (bien entendu) !
D’ailleurs, quelle différence entre un "bon
pèlerin" et un "mauvais randonneur"
?
Le
"bon pèlerin" va son chemin à pied, et
pas à vélo, sinon c’est un cycliste. Et puis, le
vélo n’existait pas au moyen-âge. Il n’utilise pas
de cheval (même si le cheval existait au moyen-âge),
car là, il se transformerait en cavalier. Bon, jusque
là, il n’y a pas de différence entre le pèlerin
et le randonneur.
Le
pèlerin porte son sac sur son dos, il ne le confie
pas à un "voyagiste", il ne triche pas,
et reste "pur". Il n’utilise pas d’âne
non plus pour porter ses bagages : c’est trop facile
de confier tout son barda à un pauvre animal. Le
pèlerin doit apprendre à se contenter du minimum,
et se faire sobre : on est plus exigeant pour trouver
le superflu quand on le porte sur son dos que lorsque
la charge est confiée à un autre, surtout à un animal.
Le
"vrai" pèlerin se débrouille tout seul
pour son hébergement, il ne va pas exiger le confort
moderne chaque soir. Il transporte sa tente sur
son dos, ou alors, il dort à la belle étoile. Il
se lave dans les ruisseaux et les fontaines (comme
les anciens), il fait cuire son repas lui-même (ou
alors il mange froid). Ainsi, il se rapproche des
pèlerins du moyen-âge. A ce niveau, notre pèlerin
ressemble beaucoup à un trekkeur de l’extrême.
Le
"vrai" pèlerin ne prend pas de guide.
Il fait confiance à la providence, et puis le chemin
est très bien balisé. C’est trop facile d’avoir
les plans, les téléphones et adresses de tous gîtes
et auberges sur 1600 km. Il ne prend pas non plus
de téléphone portable. Déjà qu’il y a des villages
et des maisons tous les 10 ou 20 km, alors garder
un éternel "fil à la patte", c’est contraire
à l’esprit du chemin et au détachement qui l’anime.
Le
"vrai" pèlerin fait le chemin en une seule
fois. Il ne saucissonne pas son chemin par tranche
d’une ou deux semaines, entre deux semaines de vacances
au ski ou à la mer. Il prend sur ses congés, ses
temps libre, son travail, sa vie de famille, pour
se libérer, bloquer les deux ou trois mois nécessaires.
Et s’il a trop peu de temps, il fera des étapes
plus longues. Après tout, par étapes de 40 km, il
faut à peine plus de cinq semaines pour le faire.
Les congés payés et RTT sont là pour çà, non ? Quelle
bonne excuse pourrait-il bien avoir ? Ne pas être
à la retraite ? Avoir une vie de famille, des enfants
? Une vie professionnelle ? Un budget insuffisant
? Que diable ! Le "vrai" pèlerin doit
savoir faire des choix ! Et, au besoin, attendre
d’avoir l’âge de la retraite pour faire son chemin
tranquillement, comme les autres !
Le
"vrai" pèlerin ne va pas s’embarrasser
de tout l’attirail et de la technologie moderne
(chaussures ultra-light, vêtements polaires, Goretex,
guêtres, …), il ne s’habille que de vêtements sobres,
rustiques, d’époque : jupe courte, sandalettes,
cape en laine. Sinon ce serait tricher, comparé
aux difficultés de l’époque héroïque. Notre pèlerin
se transforme alors en ethnologue ou en historien.
Le
"vrai" pèlerin est un homme de foi, profondément
chrétien. Le pèlerinage de Saint Jacques étant un
chemin de foi, chemin chrétien et même catholique,
exit donc tous les athées, non catholiques, bouddhistes
et autres musulmans. En bon chrétien (pardon, catholique),
il dit ses prières tous les matins et tous les soirs,
va à la messe chaque matin avant de débuter son
pèlerinage, s’arrête dans toutes les églises qu’il
croise pour y prier et confier les personnes qu’il
porte dans sa prière (et non pas pour prendre des
photos comme un vulgaire touriste), il dit une dizaine
sur son chapelet devant chaque croix ou crucifix
qu’il croise.
A
ce niveau-là, il ne reste plus beaucoup de "vrais"
pèlerins. Et ceux qui pourraient encore se prétendre
"purs", auraient, je le crains, oublié
le commandement du Christ "aimez vous les un
les autres". Je leurs suggérerais, humblement,
de relire la parabole du bon samaritain et de méditer
dessus. Au-delà de ces images d’Epinal, des ces
caricatures au vitriol, que parfois nous professons,
même de façon plus édulcorées, se pose la question
de "qu’est ce qu’un pèlerinage ? Qu’est ce
qu’un pèlerin ?".
Le
Pape qui s’était rendu en 2010, en avion, à Saint
Jacques comme "pèlerin parmi les pèlerins"
ne correspondrait pas au critère minimum du pèlerin
de base. De même que notre évêque de Nice qui se
rend chaque année en pèlerinage à Lourdes avec ses
fidèles, en autobus. Est-ce que ces "pèlerins"
particuliers ont droit à une dérogation spéciale
du fait de leur âge, ou de leur fonction ? Et que
dire de sainte Thérèse de Lisieux qui s’était rendue,
il y a un siècle, en pèlerinage à Rome (avec son
évêque et de nombreux fidèles), en train ! Ou les
centaines de milliers de "pèlerins" qui
se rendent chaque année dans les lieux saints (Lourdes,
Rome, Jérusalem, Fatima, la Mecque, etc.) en bus,
en voiture, en train ou en avion. Sont-ils moins
pèlerins que d’autres ? Sur quel critère ? Sur quelle
échelle de valeur ? Qui nous a fait juge de nos
frères ? De quelle autorité ? Selon quelle loi ?
Oui,
le Chemin de Saint Jacques devient à la mode. Oui,
de plus en plus de gens l’empruntent. Oui, tous
n’ont pas le savoir-vivre. Mais ne sommes-nous pas,
nous-mêmes, devenus de "meilleurs pèlerins"
lorsque nous arrivons à Saint Jacques que
lorsque nous sommes partis du Puy, de Vézelay, de
Paris ou d’ailleurs ? N’avons nous pas cheminé nous
aussi ? N’avons nous pas exaspéré d’autres "plus
pèlerins" que nous ?
Ne
devons-nous pas être, comme le dit Jésus dans la
bible " le sel de la Terre", "la
lumière du monde" ? Combien de sel met-on dans
1 kg de pâte à pain ? Quelques grammes, pas plus
! Et ce peu de sel donne bon goût à toute la pâte.
De même qu’un petit paquet de levure fait lever
une grosse quantité de pâte, je crois qu’il suffit
de quelques "bons" pèlerins pour transformer
beaucoup de "randonneurs" en "vrais
pèlerins". Si ces hommes et ces femmes viennent
sur ce chemin particulier et pas un autre (il y
a des centaines de GR en France, et encore plus
en Europe), c’est, je crois, qu’ils sentent, qu’ils
pressentent, consciemment ou inconsciemment, qu’il
se passe ici, et pas ailleurs, quelque chose de
spécial. Alors, certes, ils sont maladroits, ils
sont exaspérants, ils sont impolis, ils sont mal
élevés, ils ne sont pas des "vrais pèlerins".
Mais ils viennent voir, ils viennent marcher (parfois),
ils viennent à la rencontre, à notre rencontre,
car ils ont soif ! Ils ont soif, mais ne savent
pas où est le puits, alors ils cherchent maladroitement,
ils creusent dans le sable de leur désert. A nous
de les guider, de les éclairer, comme Jésus avec
la Samaritaine, avec Amour et Vérité, en reconnaissant
aussi en eux le visage du Christ.
Lorsque
vous rencontrerez un ou plusieurs des ces "randonneurs-pèlerins",
essayez de garder le sourire, pas un sourire méprisant,
mais un sourire plein d’amour. Parlez leur de ce
que vous vivez, de vos épreuves, de votre joie,
de ce qui se transforme en vous. Alors, peut-être
qu’après quelques rencontres comme celle-là, ils
changeront, un peu, qu’ils transformeront leur coeur
de pierre en coeur de chair, et qu’ils marcheront
alors vraiment vers Saint Jacques. Peut être même
qu’ils reprendront le chemin, une nouvelle fois,
en "vrai pèlerin". Comme ce Niçois qui
a fait son chemin en partant de chez lui, en une
fois, comme un "vrai pèlerin", mais qui
l’a fait plutôt dans un esprit sportif. Puis, il
a écrit un livre pour raconter son odyssée. Une
fois arrivé à Saint Jacques, il s’était dit "c’est
terminé, je suis allé au bout du chemin, c’était
une belle aventure, mais je ne la recommencerai
pas". Rentré chez lui, deux ans après, il a
réfléchi : "Il y a quelque chose, quelque chose
que j’ai manqué... je ne sais pas quoi. Il faut
que j’y retourne ! ".
Ce
n’est pas la "façon" de marcher, de cheminer,
qui fait le pèlerin, mais la façon "d’être",
et même je dirais : ce que l’on devient. Pour certains,
il faut plus de temps que pour d’autres. Soyons
indulgent, soyons des témoins, et n’allons pas chercher
à enlever la paille dans l’oeil des autres pèlerins.
Cherchons d’abord à enlever la poutre dans notre
oeil, car il y a de bien "meilleurs pèlerins"
que nous sur le chemin, et nous ne les voyons pas
!
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at wanadoo.fr - 18/06/2012
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