extrait du livre "Compostelle mode d'emploi" (Jacques Clouteau. 2011)
Partir
à vélo
Le
chemin de Compostelle est pratiqué en France par
une petite minorité de cyclistes, et en Espagne
par une grosse minorité de pèlerins, presque 20%.
Beaucoup de gens prennent le chemin à bicyclette,
en pensant qu'ainsi ils iront plus vite, tout en
voyant la même chose que les marcheurs. C'est une
idée totalement fausse, et bon nombre de cyclistes
reprennent un jour le Camino avec leurs deux pieds,
conscients qu'ils étaient passés à côté de belles
choses, à vouloir à tout prix conduire leurs machines
ferrées.
Car
le chemin de Saint-Jacques est un breuvage qui se
déguste lentement, à la mesure de ses pas. On ne
peut pas profiter de la nature, méditer, parler
avec ses collègues, et en même temps surveiller
sa roue avant pour éviter qu'elle ne batifole dans
le fossé. Et puis, enfin, est-ce que un ou deux
mois de bonheur, dans la vie d'un homme, c'est trop
? Pour quelle raison profonde et insondable faudrait-il
raccourcir ce temps ?
Il
faut savoir qu'il est impossible de parcourir l'ensemble
du chemin balisé à vélo, même avec un VTT. Certaines
sections sont très cabossées, extrêmement pentues,
en montée comme en descente, et y aller avec un
engin à roues bardé de lourdes sacoches relève du
désir de suicide ... Dans ces sections, qui sont
souvent les plus belles, vous n'aurez d'autre choix
que de prendre la petite route voisine, et de la
partager avec les voitures, ou la grande route voisine,
et de la partager avec les camions. Sur les derniers
200 kilomètres du chemin, en Galice: il y a tant
de marcheurs qu'il est impossible à un vélo de se
glisser parmi la foule, sauf à essuyer quelques
jurons dans toutes les langues d'Europe.
Vous
allez donc pédaler, si vous persévérez dans votre
idée d'aller à Compostelle à vélo, sur un mélange
de petites routes et de larges voies, très rarement
sur des chemins tranquilles, mais au final vous
serez complètement passé à côté du chemin balisé.
Ce sera certes une jolie balade, mais ça ne sera
pas le "chemin" de Saint Jacques.
Vous
allez aussi agacer bien des marcheurs si vous empruntez
des sections faciles, car il vous faudra user de
la sonnette pour forcer le passage quand un groupe
de piétons avance de front en discutant. Attendez-vous
à quelques réflexions fort peu pèlerines ...
Vous
allez aussi rencontrer la concurrence des marcheurs
en arrivant dans les gîtes, surtout en Espagne.
D'après le règlement, ceux-ci ont priorité, mais
ce règlement est difficile à mettre en oeuvre dans
la pratique. Il se déroule alors de superbes empoignades,
fort peu chrétiennes, entre le vététiste arrivé
à 16 heures et le marcheur qui entre épuisé cinq
heures plus tard, et n'a plus de lit où poser son
duvet...
Prévoyez
donc dans votre budget qu'il vous faudra dormir
en chambre d'hôtes ou à l'hôtel plus souvent que
les marcheurs. Mais comme vous irez plus vite, ça
compensera. Comptez par exemple une dizaine de jours
du Puy-en-Velay aux Pyrénées, et autant des Pyrénées
à Santiago.
Cependant,
si vous voulez vraiment utiliser la petite reine
pour aller à Santiago, allez dans un magasin de
cycles, et faites-vous conseiller par un vendeur
compétent qui connaît la randonnée cycliste au long
cours. Choisissez de préférence un modèle de type
VTC (vélo tout-chemin), dont la robustesse permettra
de supporter les cahots de la route. Evitez à tout
prix le vélo bas de
gamme
dont les pièces se briseront menu dans la première
ornière. Préférez des pneus épais et bien crantés,
qui accrocheront mieux au sol dans les passages
difficiles et seront moins sensibles à la crevaison.
Limitez
votre poids au maximum, comme le ferait un marcheur, et installez votre
fourniment dans de solides sacoches étanches posées
à l'arrière, de chaque côté du
porte-bagages, plus un éventuel petit sac amarré
par-dessus ce même porte-bagages. Mettez le moins de choses
possible à l'avant du guidon: l'eau, le topo-guide, les vivres
de course.
Et,
bien entendu, n'oubliez pas le nécessaire pour la
réparation d'urgence: câble de frein, patin ou plaquettes
de frein, rustines, maillons de chaîne, rayon, burette
d'huile, outillage propre au vélo. N'en prenez pas
trop cependant, il existe des ateliers cyclistes
dans toutes les villes intermédiaires, dans lesquels
vous trouverez assistance et pourrez vous dépanner.
Surtout, prenez la meilleure selle, il en existe
aujourd'hui emplies de gel qui préserveront vos
fesses des douleurs habituelles du cycliste. Et
achetez des vêtements de route adaptés aux longs
trajets. Oubliez la remorque où on en met toujours
trop: elle sera impossible à gérer dans les sections
de relief et les chemins cabossés.
Ne
craignez pas pour la sécurité de votre machine:
la plupart des hébergements, en France comme en
Espagne, disposent de locaux où mettre la bicyclette
à l'abri.
Encore
plus que pour le pèlerin à pied, le pèlerin cycliste
veillera à effectuer une préparation physique sérieuse.
Quelle que soit le chemin choisi, et surtout si
c'est le chemin du Puy-en-Velay, les premiers jours
seront rudes et les douleurs lancinantes. On ne
peut pas du jour au lendemain rester 5 à 6 heures
en selle sans avoir un bon entraînement.
Il
existe un guide espagnol spécialement adapté aux
cyclistes, qui spécifie les sections du chemin officiel
à éviter et les itinéraires de remplacement, plus
le quadrillage GPS : "el camino francés en
bicicleta" ISBN 978-84-61384662, prix 14 euros,
contact bicimap@gmail.com
Un
site plein de bons conseils: http://perso.orange.fr/vtt.compostelle
En
Espagne, la société Mundicamino (www.mundicamino.com)
propose un service de location de vélos, qu'on peut
laisser là où arrête son chemin. L'entreprise Jacotrans
(www.jacotrans.com)
assure le retour des vélos depuis Santiago.
----------------------------------------------------------------------------------------
retour
à Q.Pratique
Avant
home
|